Un dernier verre avant la guerre

"Nous avons pataugé dans une mer apathique de putes, macs, escrocs et autres désespérés..."

J'ai entendu un écho de ma voix quand une voiture pleine d'assassins m'avait poursuivi dans un terrain vague en prenant mon corps pour cible, et que ma haine et ma peur s'étaient cristallisées en couleur de peau. "Enculés de nègres", avais-je dit et répété.

La violence des gangs avait fini par atteindre nos portes et il fallait faire quelque chose, à tout prix.
C'est toujours quand elle atteint "nos portes" que nous finissons par considérer que c'est un problème. Quand elle se confine à nos arrière-cours pendant des décennies, il n'y a personne pour la remarquer.

Je crois en Dieu. Peut-être pas le Dieu catholique ni même le Dieu chrétien parce que j'ai du mal à voir un Dieu qui serait élitiste. [...] Je crois en Dieu, mais non comme un il ou un elle ou un ça, plutôt comme quelque chose qui défie ma capacité à conceptualiser au sein du système de références plutôt piètres dont je dispose.

C'est dur de fermer la porte à l'espérance quand on aime quelqu'un.

Tout ce qu'il pouvait voir , c'était le viseur et le canon du fusil de Bubba .Le seul moyen de rater sa cible avec un viseur aussi gros résiderait dans l'éventualité d'une soudaine éclipse solaire . Et même là , il faudrait avoir de la chance .

J'ai sorti la doc sur Jenna de ma poche intérieure et l'ai jetée sur mon bureau.
_ C'est iun simple retrouver-appeler.
Elle a examiné les feuillets avec componction.
_ Pourquoi irait-on s'inquiéter la disparition d'une femme de ménage entre deux âges ?
_ Apparemment, il y a des documents qui ont disparu avec elle. Des documents de la Chambre.
_ Relatifs à ?
J'ai haussé les épaules :
_ Tu connais les politiciens. Tout est aussi secret que la bombe de Los Alamos, jusqu'au moment où ça pète.
_ Comment savent-ils qu'elle les a pris ?
_ Regarde la photo.
_ Ah, a t-elle dit en hochant la tête. Elle est noire.
_ Une preuve suffisante pour la plupart des gens.

Pendant le trajet, nous avons vu une chose qu'il est donné à peu de Bostoniens de voir : des places de parking. A chacune, je lui demandais de s'arrêter, de se garer et de ressortir, rien que pour voir l'effet que ça faisait.

"Bubba est un anachronisme absolu à notre époque - il déteste tout et tout le monde à l'exception d'Angie et de moi-même, mais, à la différence de la plupart des gens animés d'inclinations similaires, il ne perd pas de temps à y réfléchir. Il n'écrit pas de lettres aux rédacteurs en chef ou de courrier haineux au président, il ne forme pas de groupes, n'organise pas de manifestations... Bubba a autant de conscience de soi qu'un carburateur, et il remarque encore moins les autres - à moins qu'ils ne lui fassent obstacle. Il mesure 1,90 m pour 105 kilos d'adrénaline brute et de colère discordante. Et il tuerait quiconque me ferait un clin d'oeil torve. Je préfère ne pas examiner cette loyauté de trop près, ce qui ne gêne pas Bubba. Quant à Angie, disons que Bubba a promis une fois de couper chacun des membres de Phil et de les remettre en place - à l'envers - avant que nous l'en dissuadions..."

Ils ne nous respectent pas car nous sommes leurs enfants maltraités. Ils nous baisent matin, midi et soir, et, tant qu'ils nous bordent en nous embrassant, tant qu'ils nous chuchotent à l'oreille : "Papa t'aime, Papa va s'occuper de toi", nous fermons les yeux et nous nous endormons, troquant nos corps, nos âmes, contre les vernis rassurants de la "civilisation" et de la "sécurité", fausses idoles de notre rêve humide du XX°eme siècle.