« La main s'engage sur son dernier chemin.
Elle commence humblement
A écrire sur elle-même.
Roberto JuarrozEntre les mains, l'émouvant.
Entre les mains, la lutte.
Entre les mains, le cri.
Entre les mains, la chute.
« Elle sent presque toujours l'orange ».
Magdalena est artiste. Elle façonne des tapis. Créatrice voluptueuse et heureuse. Tout va bien.Le fil ne cède pas.Le liant prend. Les formes s'agitent. La vie est belle, tissée, chaleureuse jusqu'au jour où… Magdalena est victime d'un accident. Asphalte destructeur, le néant. Magdalena est en fuite dans l'abîme.
Entre les mains, le fil tenu, survivre.Le narrateur, l'amoureux, le compagnon conte. Attention ! Ici pas de pathos, ce n'est pas le lieu. L'emprise est au-dessus, dans les années lumières qui se serrent les coudes. L'écriture seule est déjà un joyau. L'histoire, malgré son brouillard, le gris soutenu, est belle et grave. Dans cette intensité où la solidarité va oeuvrer au tapis fraternel.
« Viens avec moi à la cafétaria. On partage ta table parce que c'est le meilleur ami. »
« Prends les clés. » « C'est une décision collective. Pour que tu te reposes un peu. »
« On s'occupe de tout, ici. » « On te tiendra au courant. »
On frôle les murs de l'hôpital. Ils sont froids, ternes, la lumière au fond du couloir, bip, bip, Magdalena combat, les amis règnent. Sent-elle cette concorde qui s'aimante à son lit ? Sent-elle l'amour naviguer sur ses draps trop lisses, sans pli aucun ? Magdalena et sa main gauche.
« Celle qui n'était pas vraiment douloureuse à ce moment-là, arrosée par l'essence qui rapidement s'est mise à fuiter du véhicule. »
L'ampleur est pudique et divine à la fois. Les Taties aux multiples pains achetés, combler le vide de Magdalena. le Brésil dresse la table pour ses hôtes. On aime cette rectitude de fraternité, de compassion allouée. Tous alliés dans un seul but, sauver Magdalena, résister et espérer. Contemporain, le récit semble d'une telle authenticité, dans ce criant au plus juste de la réalité. Les faits. Magdalena devient plus qu'une victime mais le temps plein de l'entraide. Celle par qui tout change.
« C'est ce que j'ai avec moi, maintenant. Des écritures, des pages et des mains qui se reconnaissent entre elles. » « Utiliser ses mains pour survivre. »
Viendra le temps du retour. Cercle prêt aux épreuves. Magdalena au centre, résistante.
« Les mains de ma mère. » « - Il a fallu un peu de temps pour que, assise, tu parviennes à toucher le sol des pieds. Un peu de temps pour que tu parviennes à lire le poème d'une manière bien à toi. »
«
Entre les mains » est le métier à tisser des compassions, l'altérité et la bravoure, l'exemple même de la plus belle création : le devoir. Ce livre écrin de
Juliana Leite est de haute voltige, « Souviens-toi des noms. Prends la voix que maman aurait voulu que tu prennes. »
Est une force pour demain. Un premier roman millénaire. Un livre triste et sublime, digne si digne. Traduit à la perfection du portugais (Brésil) par
Anne-Claire Ronsin. Publié par les majeures Éditions de L'aube.