Cadres Noirs va, sans inhibition aucune, sur le terreau du social, et s'il n'est évidemment pas le seul roman noir à le faire, il y va frontalement, en posant une réflexion finement amenée . D'un fait divers qui pourrait totalement survenir dans notre société de maintenant, Lemaitre nous fait réfléchir sur la réinsertion sociale, celle qui passe exclusivement par le travail, et qui peut amener les individus, même les plus normaux de prime abord, aux plus sombres dérives.
Parmi ceux ci, prenez Alain Delambre, un cadre dans les RH, de + de 55 ans, et anéanti par quatre années de chômage sans espoir. Aussi, quand un employeur accepte enfin d'étudier sa candidature, Alain Delambre est prêt à tout : à emprunter une somme d'argent considérable, à se disqualifier aux yeux de sa femme, de ses filles et même à participer à l'ultime épreuve de recrutement, un jeu de rôle sous la forme d'une prise d'otages.
Le roman est parfaitement construit, se divisant en trois parties : la première et la dernière offrant lelemaitre point de vue du héros, la partie du milieu étant narrée par l'organisateur de la simulation de prise d'otages. Cette alternance des voix narratives nous permet de comprendre les motivations profondes de la partie adverse,et d'intensifier le suspense.
Les événements malheureux s'enchaînent de manière inéluctable, chaque acte posé par les personnages les conduisant à leur perte. Il ne suffit pas à Delambre d'être humilié après avoir servi la cause de l'entreprise, d'être diminué dans le regard de ses proches : sa révolte individuelle restera implacablement destructrice. Alors, forcément, il est difficile d'adhérer totalement à cet homme qui est pret à trahir les interets de ses proches pour toucher le gros lot et se faire de l'argent sur le dos du patronat, et la fin n'est pas toute rose, car Delambre laissera quelques plumes en route, mais il est impossible aussi de ne pas se passionner pour sa quête de réhabilitation sociale, malgré les moyens peu légaux qu'il emprunte.
C'est cette ambivalence que
Pierre Lemaitre arrive parfaitement à nous restranscrire dans ce polar qu'on lit le souffle court jusqu'à la dernière page de cet implacable rouage. Un polar qui sait à la fois nous divertir et nous faire réflechir sur les dérives de nos sociétés industrielles, voilà un pari réussi d'une main de (Le) maître!!!
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