A plus de 50 ans, Alain Delambre, cadre DRH, se retrouve au chômage. Après 4 ans à vivoter de petits jobs, une éclaircie semble se présenter sous la forme d'une réponse positive de la part d'un cabinet de recrutement qui recherche un assistant DRH. Mais ce qui se présentait comme un renouveau va être le début d'une dégringolade sur tous les plans.
Je trouve le sujet vraiment passionnant. Cette dégringolade sociale, mentale et psychologique du personnage central (Alain Delambre, le cadre au chômage) fait peur. Je pense que personne n'est à l'abri de ce genre de chute. Sans aller jusqu'à a situation extrême dans laquelle
Pierre Lemaitre nous plonge, nous pouvons tous nous retrouver un jour dans une situation matérielle et affective qui peut nous transformer profondément.
Dépression, alcoolisme, violence, tout peut nous tomber dessus un jour sans crier gare.
En être conscient peut-il nous aider à nous en protéger ?
La mise sous pression agencée par les recruteurs est effrayante. Tant de cynisme, tant de mépris pour les faiblesses humaines font froid dans le dos. Il faut des machines de guerre pour faire tourner l'économie et ces machines s'obtiennent par « sélection naturelle ». Elimines le faible et il ne restera plus que le fort.
Pierre Lemaitre aurait pu, dans ce contexte, nous construire un personnage central qui soit une parfaite victime, accablé par le sort, détruit par la machinerie capitaliste, un personnage pour lequel nous n'aurions eu que compassion et empathie.
Il n'en est rien. Alain Delambre est plus complexe que cela. Mari égoïste qui ment à sa femme tout au long du roman. Père détestable qui va extirper de l'argent à l'une de ses filles et mettre l'autre sous pression en lui demandant d'être son avocate et de défendre un dossier indéfendable.
Manipulateur, menteur, violent et égoïste, la victime du système est à sa manière le bourreau de ses proches et n'aurait surement eu aucun mal à devenir un bourreau, un bon petit soldat à la solde du système capitaliste.
Sur le fond, j'ai regretté que ne soit pas plus abordé l'environnement socio-économique.
On ne le perçoit qu'à travers des flashs entendus à la radio, de courts extraits de journaux et dans le "décor" d'un passage de la fin du livre.
Le roman aurait gagné en profondeur ce qu'il aurait (peut être ?) perdu en rythme si l'auteur avait un peu plus mis en avant les liens entre l'enrichissement de quelques personnes, l'appauvrissement de la masse et la situation, surement peu confortable, des petits bras de la liquidation d'emplois.
J'ai aussi regretté que la prise d'otage soit intégralement narrée par un des otages. Ce changement de narrateur trouve sa justification dans la suite de l'histoire, néanmoins j'aurais bien aimé que
Pierre Lemaitre nous plonge un peu plus dans le joli bordel que devait être le cerveau d'Alain Delambre dans cette situation. L'exercice n'aurait surement pas été simple pour l'auteur mais aurait été terriblement délicieux pour le lecteur.
Le roman se termine sur un rythme très soutenu mais sans vraiment de surprise.
Au final, Cadres noirs est un bon de moment de lecture mais ne fera pas partie de ces livres que l'on termine à regret et qui laissent une trace durable chez le lecteur.