Old Man Logan, tome 4 : Old Monsters

Ce tome fait suite à The last Ronin (épisodes 9 à 13) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Pour comprendre tous les enjeux de ce tome, il vaut mieux également avoir lu Old man Logan (2008) de Mark Millar & Steve McNiven. Il contient les épisodes 14 à 18, initialement parus en 2017, tous écrits par Jeff Lemire, avec des couvertures réalisées par Andrea Sorrentino. Il contient 2 histoires.

-
- Épisodes 14 & 15 (dessinés et encrés par Filipe Andrade, avec une mise en couleurs de Jordie Bellaire) - Cerebra (une Sentinelle avec la capacité de détecter les mutants) vient trouver Old man Logan pour lui indiquer que Jubilation Lee (Jubilee) n'apparaît plus sur son radar. Logan accepte de s'occuper de cette disparition et se rend dans l'appartement de Jubilation Lee, où il découvre Shogo Lee tout seul en train de jouer avec ses cubes. Il le ramène à Cerebra, lui confie contre sa volonté, et se fait télétransporter au dernier endroit où s'est trouvée Jubilee, c'est-à-dire dans une forêt de Roumanie. Là il est attaqué par Man-Thing, puis par Hit Monkey, et les autres membres des Howling Commandos.

Après un tome 3 en demi-teinte en termes de scénario, le lecteur attaque avec inquiétude 2 épisodes qui en plus ne sont pas dessinés par Andrea Sorrentino. Filipe Andrade réalise des dessins moins élaborés qui donnent l'impression, au premier regard, de plus relever de l'esquisse pas entièrement peaufinée. Les traits de contour ne sont pas toujours jointifs, les textures sont rendues sous la forme de hachures qui donnent une impression de traits de crayon rapidement appliqués. Les décors sont représentés dans le même mode visuel, et ils sont régulièrement omis le temps d'un ou plusieurs cases, voire d'une page, ou 2 à suivre. Il n'y a guère que 2 ou 3 pages par épisode qui montrent un décor plus étoffé, comme les façades d'immeubles dans une rue de New York, ou la cour intérieure du château d'un célèbre vampire.

Ce mode de dessin aboutit à des pages qui se lisent très rapidement, qui concentrent l'attention du lecteur sur les personnages, ou du moins leur silhouette globale, et sur leurs mouvements. le faible niveau de détails dans la représentation des protagonistes fait que le lecteur a du mal à faire la différence entre Manphibian et Teen Abomination (Jamie Carlson) à 2 occasions, leur peau verte ne permettant pas de les distinguer. Par contre, l'artiste se révèle être un bon metteur en scène, avec un découpage de planche qui permet d'accentuer l'impression de mouvements et de comprendre aisément le déroulement des actions et des combats. du coup l'apparence fruste des dessins donne l'impression au lecteur qu'il s'agit d'une histoire sans grande importance, n'ayant de valeur que pour le divertissement immédiat qu'elle procure.

Son état d'esprit ainsi orienté par les dessins, le lecteur découvre une intrigue assez basique : Logan doit aller délivrer la pauvre Jubilee d'un vampire, en faisant équipe avec une équipe de gugusses sortant de l'ordinaire. Jeff Lemire est allé piocher l'équipe des Howling Commandos, relancée après Secret Warrs (2015), dans une minisérie de 6 épisodes [[ASIN: 0785196463 Howling Commandos of S.H.I.E.L.D.]] : Glyph (Nadeen Hassan), Hit-Monkey,
Man-Thing (Ted Sallis), Manphibian, Orrgo, Teen Abomination (Jamie Carlson), Vampire by Night (Nina Price), Warwolf (Martin Reyna). Au cours de ces 2 épisodes, ces personnages restent à l'état de dispositif narratif, sans réelle personnalité, sans aucune histoire personnelle. le lecteur n'a pas de point d'accroche pour pouvoir s'investir dans ces enveloppes vides qui ne se distinguent que par leurs superpouvoirs. Il suit donc Logan foncer dans le tas, énervé. le scénariste fait l'effort d'inclure une petite couche de relations personnelles en motivant Logan sur la base de son affection pour Jubilation Lee. Il montre Shogo Lee, l'enfant pris en charge par Jubilee, mais bien sûr sans le développer d'aucune manière.

Le lecteur découvre cette première partie sans déplaisir, se laissant porter par la rapidité du récit et le caractère original des membres des Howling Commandos. Il est un peu dépité de voir le méchant principal traité par-dessus la jambe, et les dessins vivants mais avec un faible niveau d'informations visuelles.

-
- Épisodes 16 à 18 (dessins et encrage d'Andrea Sorrentino, mise en couleurs de Marcelo Maiolo) - Old man Logan se réveille dans les Borderlands (ces terres dévastées) dans son futur, sans savoir comment il y est revenu. Il est avalé tout cru par un dinosaure qui regrette immédiatement son geste. Logan se souvient qu'il y a peu de temps encore il se trouvait dans une station spatiale, où il s'était rendu en Blackbird, pour répondre à un message de détresse de Puck (Eugene Judd) pour aider la Division Alpha. Arrivé sur place, il découvre un satellite désert, dans lequel il se fait attaquer par un Brood. En se remémorant les événements, il continue son chemin dans les Borderlands, et arrive devant la cabane de Danielle Cage, à qui il avait confié Robert Bruce Banner junior. Ils ont disparu. Dans la station spatiale, il se bat contre un Brood, puis est attaqué par Sasquatch (Walter Langowski).

Après cette première histoire peu mémorable, c'est un vrai plaisir de retrouver le tandem Sorrentino & Maiolo. Jeff Lemire reprend une structure narrative qu'il affectionne : 2 fils narratifs dissociés centrés sur Logan qui cherche à rétablir le lien qui les unit. Les scènes oscillent entre le post-apocalyptique et la science-fiction dans l'espace. le scénariste ne fait pas semblant : il rend hommage à Alien le huitième passager (1979) de Ridley Scott, avec les Broods pouvant surgir à n'importe quel moment dans les coursives enténébrées du vaisseau. Les artistes s'en donnent à coeur joie pour plonger les coursives dans des aplats de noir, rehaussant les rares endroits éclairés de teintes gris bleutées, parcourues de rouge quand les griffes de Logan entrent en action.

Tout au long de ces 3 épisodes, le lecteur retrouve la verve visuelle de Sorrentino rehaussée par la mise en couleurs sophistiquée de Maiolo. le dessinateur s'implique dans le découpage de ses pages, pour proposer des dispositions de case accentuant l'action. Ça commence avec la tête de ce dinosaure qui qui jaillit le long de la diagonale allant du bas de la page de gauche au haut de la page de droite, et renversant les autres cases dans son mouvement. Il y a également cette composition complexe en ouverture de l'épisode 17, sur la base de cercles concentriques délimitant 3 zones de disques, dont chacune relève d'une réalité différente. Dans le même épisode, les traits du masque de Kang servent de délimitation entre les cases sur une double page. Quelques pages plus loin, une double page contient 32 cases traduisant la rapidité des actions, ainsi que leur interpénétration. Quelques pages encore plus loin, un individu frappe le sol avec force, provoquant l'éclatement des cases alentour.

Andrea Sorrentino dessine de manière réaliste, avec des zones de noir aux contours irréguliers pour montrer l'ouvrage corrosif de l'environnement et du temps. Les traits sont parfois un tout petit peu trop fins, donnant une impression de fragilité dans quelques contours, pas forcément en cohérence avec la nature de la séquence. Mais c'est le seul reproche que l'on peut faire quant à ce spectacle de toutes les pages, donnant à voir des séquences fantastiques, des apparitions saisissantes, des combats acharnés, des personnages habités. Les artistes donnent une intensité rare au scénario. Quant à lui, Jeff Lemire reprend une structure qu'il affectionne : mêler 2 réalités différentes pour rendre compte de la confusion mentale du personnage, et pour maintenir le suspense quant à ce qui est réel, ce qui ne l'est pas, et la raison de ce méli-mélo. le lecteur se rend bien compte que le fil narratif avec les Brood a été développé avec l'intention de fournir une matière visuelle à Andrea Sorrentino pour qu'il puisse s'éclater, et pour remplir le quota d'action. Mais le lecteur n'en tient pas rigueur au scénariste, parce que le spectacle visuel est exceptionnel, et parce que l'autre fil narratif répond à une interrogation laissée en suspens depuis Old Man Logan Vol. 0: Warzones pendant Secret Wars (2015) (de Jonathan Hickman & Esad Ribic). Dans cette histoire, Brian Michael Bendis avait gentiment omis d'évoquer un élément clef de l'histoire originelle réalisée par Millar & McNiven. Contre toute attente, Lemire s'en est rappelé et se sert de ces 3 épisodes pour le ramener dans l'intrigue et assurer la transition avec les épisodes du tome suivant.

Ce tome 4 commence par une histoire pas indispensable mais qui constitue le prix à payer pour que qu'Andrea Sorretino et Marcelo Maiolo aient le temps de réaliser les épisodes suivant. Cette deuxième histoire propose un voyage visuel mémorable, et même si une partie du scénario sert uniquement de prétexte pour que les artistes puissent réaliser des pages magnifiques, l'autre partie réintègre un élément essentiel pour Old man Logan, et oublié en route depuis le début de la série.