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sur 208 notes
Je n'ai pas les connaissances suffisantes pour placer Lermontov dans la littérature russe, et surtout voir l'importance de son personnage. Mais je peux le situer par rapport à la littérature européenne. Il est "de son temps", mais un peu anachronique aussi, entre le XIX ème romantique et le XVIII ème siècle libertin.
Petchorine ressemble en effet beaucoup à de nombreux personnages - et à de nombreux auteurs eux-mêmes - du romantisme. Ces auteurs souffrent du "mal du siècle", ils se considèrent comme nés trop tard, dans un monde où les armes semblent s'être tues. C'est la génération De Musset, Hugo, Vigny, Dumas... Leurs pères ont fait la guerre, leurs pères ont servi l'Empereur, mais, pour eux, seule la littérature peut être un moyen d'acquérir la gloire.
Ainsi, Petchorine peut sembler avoir des prétentions à l'écriture. Après tout, on lit son journal. Il le dit, il écrit pour lui, comme simple souvenir - mais il s'analyse beaucoup trop, il réfléchit trop à ses actes et à ses sentiments, pour n'écrire que pour lui. Petchorine pourrait se rêver poète. Petchorine manie ainsi l'ironie voire le cynisme de lord Byron, il se sent incapable d'aimer vraiment et multiplie les conquêtes comme Julien Sorel - tout en ayant une passion au coeur. Il séduit sans s'attacher, tel un comte De Valmont un peu anachronique. Il mène une carrière militaire, mais sans véritablement se battre ; en tout cas, il accorde plus d'importance au brillant de ses épaulettes, à la blancheur de son uniforme et au vernis de ses bottes qu'à ses entraînements et à ses armes.
Il pourrait sembler fat, et vite insupportable. Après tout, il est beau, riche, vaniteux et imbu de lui-même, persuadé que toutes les femmes sont folles de lui, ayant des prétentions de séduction et d'esprit. Il nous est d'ailleurs présenté en premier par un récit externe, par les mots de son ancien officier. Il apparaît alors très antipathique, froid, calculateur, individualiste. Il séduit une femme parce qu'il s'ennuie et la désire, mais que pour un temps.
En lisant son journal, avec une focalisation interne donc, il se révèle plus complexe. C'est un homme qui s'ennuie, qui ne vit pas par passion mais par curiosité. Il se révèle à nouveau comme un homme "de son temps", le romantisme, par ses voyages, aux du monde civilisé. Pour Byron, c'était la Grèce qui représentait déjà une forme d'exotisme. Pour un Russe du XIX ème siècle, c'est le Caucase, la Mer Noire et ses villes d'eaux. On sent que ce n'est pas tout à fait Saint-Pétersbourg et Moscou, mais un autre monde, moins civilisé - les modes ne sont pas les mêmes, les moeurs non plus. Ce sont les descriptions de ces sociétés et de ces peuples de marge que j'ai appréciées, même si trop rapides à mon goût. J'aurais aimé en savoir plus sur cet aveugle contrebandier, ou sur le mode de vie des Caucasiens.
Dommage finalement, la forme même de l'oeuvre, plusieurs chapitres comme plusieurs fragments de vie, ne permet pas de développer en profondeur les cadres des récits successifs.
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Grigori Petchorine, personnage principal du roman, est un jeune homme impudent, peut-être amoral. C'est surtout qu'il est tout à fait désillusionné et infiniment insatisfait de ce que la vie lui offre. C'est aussi un homme tourmenté par son passé, par d'anciennes erreurs d'amour qu'il ne regrette pas tant mais qui ne sortent pas de lui et l'envahissent tant qu'il les raconte au narrateur. Amours complexes, embrouillées, si sophistiquées qu'elles ne peuvent aboutir favorablement. Si tordues qu'elles le conduisent toujours à se saboter dangereusement.
Voilà là notre héros romantique, officier de l'armée russe, présenté en cinq parties décrivant chacune une étape différente de sa vie. La première partie est composée de trois expériences qu'il raconte lui-même au narrateur. La seconde partie est racontée par le narrateur et décrit une rencontre ultérieure avec Petchorine. Cette partie montre la chute finale de Petchorine alors qu'il est impliqué dans une conspiration contre le gouvernement.
Le roman, ainsi découpé, explore non seulement l'amour mais aussi la solitude, la mort et la trahison, le tout de manière sombre ou plutôt extrêmement acerbe - ou bien réaliste, lucide- et dépeint la société russe de l'époque avec sarcasme et causticité.
Petchorine, personnage aussi complexe que fascinant parce que puissant et impétueux, évolue dans cette Russie pourrie de corruption et ébranlée par les inégalités sociales. Est-il immoral ? Et sur quels critères ? Est-ce qu'un jeune homme considéré comme incompétent à s'adapter dans une société faite de conventions bêtes n'est pas plutôt un homme pur, un intègre, un vrai ? Une vie immorale est peut-être la seule existence digne lorsque l'on n'a vu dans la morale commune qu'une suite de codes absurdes et infondés. Non, Petchorine est bien un héros, car il lui coûte probablement plus de suivre ses propres penchants et sa propre nature que d'obéir à des règles établies, de se conformer, de se bien marier et d'accumuler quelque richesse. Ces plats projets sont réservés aux esprits trop simples, aux fades, aux frileux et aux bourgeois. Est-il inutile ? Assurément, dans une société ainsi faite. Cependant le sentiment de se « sentir utile » n'est-il pas lui aussi un leurre, une façon de se justifier dès lors que l'on n'a rien accompli de grand pour soi-même. Petchorine, au fond, n'est pas tant ce paresseux fougueux et irresponsable, pas plus que tous les autres qui se conforment. Il a eu l'audace au moins, il a pris le risque de vivre quand ses « semblables » répètent à l'infini la même existence depuis des générations : études, carrière, mariage, profits, confort. Finalement il est bien moins frivole et oisif qu'eux tous. Qu'est-ce que le mariage noble sinon une frivolité admise, qu'est-ce que le sentiment sinon une façon de se désennuyer ?
Il possède également cette rare qualité qui est la pure franchise. N'importe ses erreurs, ses failles, il les raconte. Voilà là un homme qui a finalement peu à se reprocher. Ceux qui ont beaucoup de torts inavoués se vantent et se montrent vertueux et bons. Ou confessent stupidement de petites idioties sans importance afin de se montrer droits. Souvent ils s'en convainquent, même.
C'est aussi un homme intelligent. Aurait-il pu utiliser cette intelligence et la mettre à profit d'une vie bien plus commode ? Non. Utiliser le système jusqu'à son paroxysme et en tirer tous les bénéfices jusqu'à s'y perdre est environ un défaut d'intelligence, du moins une déchéance. Quelle différence, au fond, entre l'homme intelligent qui agit comme un sot et le sot de naissance ? Plus aucune après quelques temps, ou si peu. Petchorine est plus haut, il survole et écrase ses semblables en ne leur ressemblant pas. Il manipule les gens parce qu'ils sont manipulables et parce qu'ils ne lui sont rien. Aurait-il tort de s'en priver ? Devrait-on s'anoblir de bonté et d'éternelle condescendance jusqu'à se mettre à leur niveau ? Lui embobine les femmes qui lui plaisent, se joue d'elle (d'une certaine manière seulement, car enfin lorsqu'il est passionné il est sincère) et puis se lasse. Qui ne se lasse pas de l'amour ? On aime un temps et on desaime, voilà un élan de vie, une vitalité intègre. On se divertit d'amour et puis l'objet d'amour devient quelconque. Et après ? On quitte logiquement, quand on n'a aucune attache matérielle et aucun engagement formel. D'ailleurs, Maxime, le romantique, le sentimental, celui qui se vautre dans des simulacres d'amour, meurt en duel. Voilà l'absurdité de l'amour fantasmé : il tue l'individu. Bela aussi meurt. Et après ? Ne faut-il pas être une femme stupide pour se morfondre d'amour ? Elle meurt d'avoir été abandonnée par lui et Petchorine repart en quête. Quête incessante et toujours insatisfaite au demeurant. Il n'a qu'une seule passion : sa liberté. Cependant il est tenté un temps de chercher le bonheur. Seulement un homme comme lui ne peut être heureux. Il sait que tout est faux, que les sentiments ne durent pas, qu'ils sont conventions et jeux. Il sait que les mots d'amour mentent. Il a vingt ans et il en a cent. Il a du moins l'âge du grand mépris, pour tout le monde et finalement pour sa propre existence. Petchorine n'est pas mauvais, il est sans doute le seul bon dans une société tout à fait corrompue et stupide.
Notre héros est finalement tué lors d'une bataille dans les montagnes du Caucase. N'importe, il méprise finalement aussi sa propre vie. Rien n'est grave. On ne tient à la vie que parce qu'on est lâche ou parce que l'on est lié à des individus, ce qui revient au même.
Le style de Lermontov est admirable, poétique, gracieux. Il frappe par son implacable franchise, par une sorte de réalisme poussé à son paroxysme. Son héros est si « vrai » qu'il parait faux. Est-ce si crédible qu'un homme n'éprouve pas plus de scrupules et méprise aussi ouvertement son prochain ? C'est un style lourd, aussi. Les mots portent une telle violence, un si beau et sain mépris du monde, une si grande désillusion que le tout est puissant, exaltant, enlevé et finalement magnifiquement austère. Lermontov est avant tout un poète, un véritable poète, de veux qui, laborieux, élisent leur mots et frappent fort en peu de termes précis. Travail que l'on retrouve même dans sa prose.
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Il s'agit d'un livre que j'ai longuement procrastiné, les synopsis dessus sont évasifs, cela étant il est présenté comme un classique de la littérature Russe ayant inspiré beau nombre de roman psychologique par la suite, une référence, un pionnier en la matière, quoi de mieux que de s'en retourner à la source? Malheureusement, j'aurai mieux fait de m'en tenir à ma première impression. Ce livre m'a profondément déçu, le fait qu'il soit mis en tant que Classique de la littérature c'est ce qui accroît la déception car ce livre ne fait pas partie de mes Classiques. Je l'ai trouvé fade, insipide, étrange et fort mélangeant. L'histoire relatée trouve des points d'intérêt ci et là cependant ils ne sont pas constants, l'ennui est majoritairement présente, les personnages ne sont pas attachants et n'ont pas de personnalité marquée, c'est-à-dire qu'ils me sont insipides et Petchorin, je souffle de désarroi car inintéressant au possible et c'est lui qui porte l'histoire du livre. Cela me navre d'apposer une critique négative au vu des critiques dithyrambique à son endroit mais à surcoter de la sorte un livre, je ne pouvais pas ne pas partager cet avis, qu'il soit lu ou non.
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Que faire de soi et de sa vie quand tout ennuie à force d'être prévisible, jusqu'à nos propres sentiments, quand le bonheur est une chimère et qu'on n'est plus capable de passion, alors qu'on ne vit que de passions ?... Eh bien, on peut, par exemple, comme ce « héros de notre temps », Pétchorine, s'ingénier à abuser les passions des autres, travailler sans relâche à leur malheur, faire de soi un maître de la perversion qui bafoue l'amitié, qui brise le coeur des femmes et des jeunes femmes. On pourrait se retenir de faire le mal, mais on ne se retient pas et de cela on s'étonne, et on y pense, on y réfléchit, on creuse la question dans son journal intime. Quand la vie n'a plus de sens, blesser, détruire, est encore une manière de sens pour ce « héros » errant… la dernière passion possible.

L'intérêt de cet ouvrage, premier roman russe psychologique, réside dans les débats intérieurs chez Pétchorine, un dialogue avec lui-même causé par les sursauts du reste d'humanité qui subsiste chez lui malgré qu'il a vendu son âme au cynisme et à la cruauté morale. Ce dialogue fait apparaître dans la conscience du lecteur (doué de morale) que ne pas faire le mal n'est pas une passion supplémentaire, une passion qui, elle aussi, comme toute passion, peut s'éteindre : ne pas faire le mal est un choix moral ! Mais voilà, Pétchorine, lui, est un être de passion, un être presque totalement amoral. Et dans ce « presque » crépusculaire palpite le coeur égaré du livre.
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UN HÉROS DE NOTRE TEMPS de MICHAÏL LERMONTOV.
Lermontov a eu une vie bien courte, 1814/1841, poète et romancier, officier de hussards, il porte sur le monde un regard distancié, ironique et il s'ennuie beaucoup. Les duels vont l'occuper et il finira par y laisser sa vie, tout comme Pouchkine dont il est contemporain, qui mourra en 1837 et pour lequel Lermontov écrira un poème célèbre qui lui vaudra d'être envoyé sur le front du Caucase. Et c'est justement sur ce front que l'on retrouve le héros de ce roman, Petchorine. Voyageant dans le Caucase pour rejoindre son régiment, le narrateur rencontre un capitaine qui va lui parler de Petchorine, de la façon dont il va tenter de séduire une Tcherkesse, Bella, puis, une fois marié, l'abandonnera. Dans la seconde partie du roman, c'est l'aspect psychologique de Petchorine que l'on découvre à travers son journal intime. Fin dramatique pour le héros qui, de façon prémonitoire peut être, périra très exactement comme Lermontov.
Écriture assez traditionnelle de cette époque mais aussi un des premiers romans psychologiques qui annoncent les Dostoïevski, Gontcharov et Tolstoï entre autres. Un autre intérêt de cette lecture est l'histoire en filigrane du Caucase et de ses républiques montagnardes, Tchétchénie, Ossètie, Ingouchie ou Daghestan dont on parle très régulièrement de nos jours. C'est la période pendant laquelle la Russie a voulu soumettre tous ces peuples caucasiens, histoire qui a perduré une cinquantaine d'années.
L'édition que j'ai eu la chance de lire, est illustrée de dessins de Jean Traynier. Superbe.
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"Ah ! quel ennui que de vivre ! et on vit tout de même... par curiosité. On attend quelque chose de nouveau... C'est ridicule et absurde !"

Je me souviens encore du "camarade professeur", tonnant devant le tableau noir. Il soutenait que Petchorine, le héros de ce livre, était un personnage tout à fait condamnable, l'image même d'une vie immorale, un lâche incapable de s'intégrer correctement dans la société. Et on écoutait, et ensuite on recopiait tout cela comme des ânes dans nos rédactions, parce que personne n'avait vraiment envie de lire le livre. En tant que héros de "notre" temps, celui de la "normalisation" de la fin des années 80 en ex-Tchécoslovaquie, le blasé cynique Petchorine a lamentablement failli.
Quelques années plus tard j'ai découvert la poésie de Lermontov. Elle m'a fait plus ou moins réviser l'étiquette de "l'homme inutile", que l'on collait alors systématiquement à tous les héros "byroniens" ; à tous ces individualistes poussés sans cesse par l'envie de "partir ailleurs", dégoûtés et fatigués par la société dans laquelle ils vivent. Et maintenant, après la lecture d'"Un héros de notre temps", je me rends compte une fois de plus à quel point on peut facilement se laisser convaincre par l'opinion d'un tiers, simplement parce qu'on est trop paresseux pour vérifier les faits.

Contrairement à mon camarade prof, j'étais enchantée par la franchise du héros de Lermontov, qui dévoile sans pudeur ses pensées les plus secrètes, en analysant froidement ses faiblesses et ses erreurs. Petchorine est tellement différent de tous ces héros positifs et clairement profilés de l'ère héroïque des radieux lendemains, qu'on peut difficilement considérer sa recherche et ses tâtonnements comme quelque manifestation d'inutilité et de futilité. C'est davantage une rébellion intérieure, une décision de chercher la vérité même dans cette bouse sociale censurée dans laquelle il a vécu et qui l'a largement façonné.

Lermontov a doté son Petchorine d'intelligence qu'il utilise à son avantage, et grâce à laquelle il s'élève au-dessus de son entourage. L'un de ses passe-temps favoris est de manipuler les gens, en particulier les femmes stupides, mais après un certain temps il n'y trouve plus aucune satisfaction. Il désire plus qu'un divertissement qui vide agréablement l'esprit. Mais sa nature ne lui permet plus de trouver le bonheur - même illusoire - ni dans l'amour, ni dans l'amitié. Prisonnier de son intraitable ego et de son arrogance, il commence à mépriser tout, y compris son éducation et son intelligence, le destin, l'humanité et même sa propre mort.
Il fait en effet triste figure dans la joyeuse société de la petite-bourgeoisie, dans ce théâtre tragicomique où les uns font semblant d'être sincères, et les autres font semblant de faire semblant d'être sincères.
Comme il ressemble à Onéguine de Pouchkine, ou à Oblomov de Gontcharov ! A Manfred, Heathcliff et tant d'autres. Comme il ressemble aux héros de Kundera... comme il est éternel.

La nouvelle, très agréable à lire, a été écrite entre 1838 et 1840.
Cinq chapitres presque indépendants, liés seulement par le personnage de Petchorine (tantôt on l'évoque dans des souvenirs, tantôt on lit son journal), se déroulent dans de luxueuses stations thermales caucasiennes au milieu de la haute société militaire et civile, mais aussi dans des coins reculés et sauvages de la montagne. Lermontov connaissait bien ces paysages et les habitants du Caucase. Il y avait passé ses années d'exil, après avoir écrit un poème en l'honneur de la mort tragique de Pouchkine ; il n'est d'ailleurs pas sans intérêt de comparer la fin de Pouchkine avec celle de Lermontov, à vingt-six ans seulement !
Lermontov a choisi le nom de son héros encore en hommage à Pouchkine : tout comme Onéguine était créé d'après la rivière Onega, Petchorine est né de la rivière Petchora.
En comparant la vie de Lermontov au livre, on ne peut pas chasser l'impression que nous lisons une sorte d'autobiographie voilée de l'auteur.
"Un héros de notre temps" est véritablement un portrait, mais pas d'une seule personne. C'est un portrait composé des défauts de toute une époque. Vous pourriez argumenter que l'homme ne peut pas être aussi mauvais, mais si on est capable de croire en la véracité des malfrats tragiques et romantiques de toutes sortes, alors pourquoi ne pas croire en Petchorine ? Pourquoi nous est-il si difficile de l'absoudre ? Il contient peut-être plus de vérité qu'on n'aurait souhaité...?
L'abus de sucreries dérange l'estomac, et le remède est amer. Lermontov ne prétendait jamais vouloir devenir un prêcheur contre les vices humains, son esprit était bien trop large, pour cela. Il a seulement pris plaisir à peindre un homme tel qu'il le comprenait, et tel que, malheureusement, il le rencontrait trop souvent. Il a détecté la maladie, comment la guérir - Dieu seul le sait.
J'ai été convaincue de la sincérité de l'auteur, qui a si impitoyablement révélé ses propres faiblesses et défauts. L'histoire d'une âme humaine, même si cette âme semble ignoble , est peut-être encore plus intéressante et utile que l'histoire de toute une nation, surtout quand elle est le résultat d'une introspection profonde, et quand elle n'est pas écrite dans un désir ambitieux de provoquer la pitié ou l'admiration.

Quant à mon opinion définitive sur le personnage de Petchorine, je réponds par le titre de ce livre. "Mais c'est une cruelle ironie !", me diriez vous. Je ne sais pas. 5/5
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De prime abord, ce roman apparaît comme un patchwork, un collage de plusieurs nouvelles. On peut regretter le manque de cohérence ou saluer l'art de l'écrivain, qui utilise trois narrateurs différents pour faire tenir l'ensemble. Tout tourne autour de l'antihéros Petchorin, qui apparaît comme un double de Lermontov : un homme d'action qui ne trouve pas le bonheur dans celle-ci et qui ne peut s'empêcher de faire naître des inimitiés par ses remarques blessantes.
Pourquoi en est-il ainsi? Est-ce la nature de Petchorin, un concours de circonstances qui a forgé sa personnalité actuelle, la prédestination ?
Il me semble que chacune des nouvelles apporte un éclairage différent et met en avant l'une de ces raisons. L'allure décousue de l'ouvrage ne serait alors qu'une apparence.
De toutes les nouvelles, "La princesse Marie" me semble la plus intéressante. Lermontov décrit de l'intérieur, à travers le journal de Petchorin, la société russe en cure dans les stations thermales du Caucase. L'évocation des peuples autochtones des autres nouvelles est assez extérieure et correspond à la vision d'un militaire russe en garnison. Honnêtement, je n'y ai pas trouvé un grand intérêt, pas plus qu'à la description de la nature caucasienne qui me semble être surtout une toile de fond. Dans la princesse Marie, Petchorin s'explique sur son caractère et semble en rejeter la faute sur les autres, qui ne l'ont pas compris dès l'enfance et l'on contraint à se replier dans la fausseté. On ne saura jamais si Petchorin croit à ces explications. C'est en tous cas un type psychologique intéressant, dans lequel Lermontov s'est projeté et qui contredit par avance les conclusions du personnage des carnets du sous-sol de Dostoïesvski. Petchorin est-il le portrait d'une génération et de ses vices comme l'annonce l'auteur ? Il faudrait demander à un spécialiste de la période.
Évidemment, on est frappé par le parallèle entre la destinée de Lermontov et certains des éléments présents dans le roman. Cet être supérieurement intelligent mais égocentrique aurait-il pu écrire sur quelqu'un d'autre que lui-même s'il avait vécu plus longtemps ?
J'ai envie de me pencher sur la vie de Lermontov maintenant et de savoir ce que les spécialistes ont pensé d'"un héros de notre temps".
Pas un immense plaisir de lecture en ce qui me concerne, mais un livre qui est plus qu'un divertissement.
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Ah Lermontov, des souvenirs d'adolescents pour moi. Pour chaque ressortissant de l'ex URSS c'est un auteur indispensable et surtout ce livre qui fait partie du programme scolaire de chaque enfant russe, ukrainien, biélorusse, kazakh...
C'est avec ce livre que j'ai découvert et appris à aimer les moeurs des caucasiens, de "ces gens des montagnes" qu'on appelle parfois chez nous. A mon âge adolescent, ce livre m'a fait découvrir la valeur de l'honneur et du courage. Ainsi que les beaux paysages de cette magnifique région.
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Le cadre pittoresque de ce livre, la région du Caucase colonisée par la Russie, m'a immédiatement ramené aux histoires de Pouchkine et aux premiers travaux de Tolstoï. Mais l'approche unique de Lermontow est la manière ingénieuse dont il présente son protagoniste, l'officier russe amoral Pechorin : d'abord à travers des histoires de tiers, puis à travers une courte rencontre personnelle et enfin à travers des fragments de journal intime de Pechorin lui-même. Cela donne une dynamique à l'histoire qui vous aspire dans le roman et ne vous lâche pas. Bravo, pour un livre publié en 1840, donc avant l'apogée du Grand Roman Européen.
Je peux très bien m'imaginer pourquoi Dostoïevski était si enthousiaste à propos de cette oeuvre : Lermontov a fait de Pechorin presque la même figure cynique, amorale et en même temps double, séduisante et faible que nombre des protagonistes du futur grand maître, un vrai ‘bad-ass'. Les pages introspectives du journal de Péchorine, en particulier, témoignent d'une profonde perception psychologique d'une âme damnée. Certes, Lermontov n'a pas encore atteint le niveau diabolique de Dostoïevski, mais il s'en rapproche. L'orientation romantique précoce de son histoire, avec l'accent mis sur les descriptions lyriques de la nature et les émois dramatiques de l'âme, pourrait nous rebuter un peu maintenant, mais cela n'empêche pas que ce roman soit impressionnant. Je suis même enclin à le noter plus haut que Pouchkine.
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Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur jusqu'à ce que je découvre son nom dans la liste des principaux acteurs de russes. Oeuvre de jeunesse (ou de maturité puisqu'il fut tué dans un duel à 26 ans), l'auteur nous conte les aventures de Petchorin, membre de la noblesse de Saint-Pétersbourg lors de ses séjours dans le Caucase à l'armée. Dandy négligent et fortuné (le champagne coule à flots), désabusé et sadique, il joue de son charisme pour torturer tant ses relations que ses conquêtes. Il joue avec sa vie (comme lors d'un duel) et celle des ses ennemis. On a l'impression (comme dans les romans français,çais de l'époque que trois sociétés coexistent : ceux qui profitent de la vie (comme notre héros), ceux qui travaillent (les bourgeois) et les âmes (les serviteurs, les paysans). C'est un roman un peu désabusé sur cette noblesse qui cherche un but ou un piment dans la vie et se partage entre étourdissement (fêtes) et mélancolie. le livre est bien écrit et est plaisant à lire, mais un peu ennuyeux à la fin, même si les différentes histoires parlant du héros sont vues sous des angles différents.
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