Je partis de Tiflis en voiture de poste ; tout mon bagage se composait d’un seul petit porte-manteau, à moitié rempli de mes écrits sur mes excursions en Géorgie. Par bonheur pour vous, ami lecteur, une grande partie de ces écrits fut perdue, mais la valise qui contenait les autres objets, par bonheur pour moi, resta tout entière.
Déjà le soleil commençait à se cacher derrière les cimes neigeuses, lorsque j’entrai dans la vallée de Koïchaoursk. Le conducteur circassien fouettait infatigablement ses chevaux, afin de pouvoir gravir avant la nuit la montagne, et à pleine gorge, chantait ses chansons. Lieu charmant que cette vallée !… de tout côté des monts inaccessibles ; des rochers rougeâtres d’où pendent des lierres verts et couronnés de nombreux platanes d’orient ; des crevasses jaunes tracées et creusées par les eaux et puis plus haut, bien haut, la frange argentée des neiges ; en bas l’Arachva qui mêle ses eaux à un autre ruisseau sans nom, et qui, se précipitant avec bruit d’une gorge profonde et obscure, se déroule comme un fil d’argent et brille comme un serpent couvert d’écailles.
En approchant du pied de la montagne de Koïchaoursk, nous nous arrêtâmes auprès d’une cabane. Là étaient rassemblés une vingtaine de Géorgiens et de montagnards. À proximité une caravane de chameliers s’était arrêtée pour passer la nuit ; nous étions en automne et il y avait du verglas, aussi fus-je obligé de louer des bœufs pour traîner ma voiture jusqu’au haut de cette montagne, qui est à environ deux verstes de la vallée.
...mais en nous éloignant des conventions sociales et en nous rapprochant de la nature, nous redevenons malgré nous des enfants : tout ce que nous avons acquis se détache de l'âme, et celle-ci redevient telle qu'elle était jadis, telle qu'elle sera un certainement jour.
My Lonely Way, texte Mikhail Lermontov, musique Elisaveta Shashina, interprète Sergeï Lemeshev