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Évelyne Séchaud (Préfacier, etc.)
EAN : 9782100027934
291 pages
Dunod (29/09/1995)
4.11/5   35 notes
Résumé :

La peau est l'enveloppe du corps, tout comme le moi tend à envelopper l'appareil psychique. Les structures et les fonctions de la peau peuvent donc fournir aux psychanalystes et aux psychologues des analogies fécondes pour les guider dans leur réflexion et leur technique.

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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
La lumière est douce, feutrée, la pièce baigne dans une chaleur agréable. Dans son berceau qui l'enveloppe, l'enfant vient de se réveiller, il babille, son parent l'entend et vient à sa rencontre. le regard qu'ils échangent provoque leur sourire à tous les deux et de jolies phrases mélodieuses scandent les heureuses retrouvailles. L'adulte se penche, prend le crâne de l'enfant dans le creux d'une main, le dos dans l'autre et hisse le bébé contre son torse. Câlin. Les odeurs se partagent.

Tout se joue donc là, dans les premiers soins contenants que l'on donne à un enfant. Dans la reconnaissance que lui procurent des gestes et une communication appropriée.

Car comment se constitue le Moi, l'organisation psychique ? Comment émergent les sentiments de Moi corporel, de Moi mental ? La conscience des limites entre ce qui est moi et ce qui est autre ? Dans le Moi-peau, Didier Anzieu postule l'émergence du Moi à partir de la multiplication d'expériences telles la petite scène décrite plus haut. Ainsi investi, l'enfant reconnu et délimité comme une entité propre peut se forger l'idée qu'il existe individuellement, prendre confiance dans son intégrité et se servir de cet élan pour poursuivre son développement psychique.

Le Moi-peau établit donc un parallèle, une nécessité de développement analogique entre la conscience corporelle émergente et la constitution du psychisme : « la peau fournit à l'appareil psychiques les représentations constitutives du Moi et de ses principales fonctions. »

Le concept de Moi-peau s'articule avec un éprouvé sensuel d'abord tactile puis sonore et visuel. Ses fonctions sont les suivantes : maintenance du psychisme comme la peau soutient os et muscles, surface qui enveloppe tout le psychisme, en laissant toutefois le mouvement exister, protection contre les agressions extérieures, limite individualisant le Moi du reste du monde, liant entre les différentes instances comme la peau relie les différents organes, lieu d'investissement libidinal et narcissique, surface de stimulation du tonus psychique et de rééquilibrage des tensions, inscription des traces mnésiques d'un vécu.

A la lecture de ces huit fonctions, on peut se représenter les nombreux dysfonctionnements qu'une installation défectueuse du Moi-peau engendrera. Sensations d'un Moi morcelé, action de repousser certains éléments du Moi aux limites extérieures de sa conscience, sensations de ne rien retenir à l'intérieur de soi, angoisse de dissolution, d'explosion de l'appareil psychique, création d'une surpeau comme enveloppe toute puissante et potentiellement mortelle, les pathologies sont nombreuses et tournent autour des états limites, des personnalités narcissiques et des psychoses.

J'ai trouvé à ce livre de nombreux intérêts. Poser une structuration psychique en amont des stades oral, annal, génital que Freud avait préalablement identifiés permet de rendre compte d'étapes primordiales du développement. Ainsi, rendre sa place à la structuration de l'être par l'organe de la peau me semble une piste fructueuse qui déplace l'analyse un peu à côté du seul complexe d'Oedipe comme phase ultime d'une génitalité bien vécue. S'intéresser, comme le fera aussi Winnicott, souvent cité, à ce holding, cette relation à un élément maternant suffisamment bon pour contenir le psychisme et le corps de l'enfant ouvre des explorations très prometteuses autour de la maturation neurocognitive, de la proprioception, de la prise en compte d'éléments physiologiques souvent ignorés à mettre en correspondance avec une dimension psychique.

Je trouve également très opérant la manière dont Didier Anzieu théorise le passage de ce toucher contenant à une capacité d'élaboration de la pensée et donc de symbolisation par le langage. C'est très juste, fondamental, très beau aussi. C'est poser les mots, l'élaboration et la verbalisation comme moyens de réparation d'un Moi-peau troué, distendu ou élimé. C'est proposer une manière de contenir qui rend possible les échanges et la réassurance. Evidemment, ça me parle.

J'ai aimé aussi, et je ne m'y attendais absolument pas, retrouver dans le raisonnement psychanalytique à l'oeuvre des correspondances étroites avec le mode de représentation du monde de Spinoza. Les attributs de la substance spinoziste ne sont pas très loin des sentiments de moi corporel et sentiment de moi mental. L'un et l'autre, figurations communicantes d'une manière d'être. L'un et l'autre « idée d' » un réel que l'on appréhende par les sens et le sens qu'on en tire. Quelle concordance heureuse dans ces conceptions ! Quelle assurance cela confère aux assises que je viens d'éprouver dans l'Ethique !

J'ai été en revanche plus circonspecte à lire la volonté déférente de Didier Anzieu de rester dans la lignée freudienne. Non que je ne valide que des thèses révolutionnaires ou à contrepied. Mais j'ai senti très fortement l'intention d'inscrire ces nouveaux concepts dans des intuitions qu'aurait eues Freud, dans une école psychanalytique qui pourrait reconnaître ce travail comme orthodoxe. C'est peut-être la marque d'une époque – le livre date de 1984 - où les chapelles étaient nombreuses et où il était encore nécessaire de faire allégeance à l'une d'entre elle.

Cela m'aurait seulement amusée si je n'avais pas ensuite trouvé excessif la manière dont, dans les cas cliniques rapportés, la notion de Moi-peau est utilisée à l'intérieur d'un tissage étroit avec le reste des outils psychanalytiques au point qu'il perde, à mon sens, son statut d'opérateur fondamental. Didier Anzieu parle de patients qui en sont à leur deuxième psychanalyse, qui sont amenés par la cure à régresser, étapes après étapes, au plus profond d'eux-mêmes, de leurs pulsions primitives afin d'appréhender autrement un rapport au monde vrillé par le déni, la projection, le manque.

La souffrance que l'on ressent à la lecture de ces séances multiples, la précarité de la position du psychanalyste sur la parole et l'analyse duquel repose une bonne intelligence de ce qui se joue, les déchirements que revivent les patients livrés à ces premières émotions traumatiques, si tout cela est nécessaire du point de la cure psychanalytique, me parait presque délétères au regard du temps investi, de la confiance absolue qu'il faut manifester au thérapeute, de l'incertitude dans laquelle on reste que passées la dernière régression, la dernière séance, mais laquelle sera-t-elle, les symptômes auront disparu, l'économie psychique sera restaurée.

Là aussi, c'est sans doute le signe d'un temps, contemporain cette fois, que de penser ainsi. Les psychanalyses telles qu'elles existaient durant les années 80 ne se pratiquent plus aujourd'hui. Certains diront qu'on y a perdu une réelle capacité du sujet à s'investir. D'autres montreront que les patients ne vont pas beaucoup plus mal même s'ils ne voient pas leur analyste deux fois par semaine dix ans durant.

Reste que le Moi-peau est une proposition qui m'apparait essentielle et qui doit être opérante dans un cadre thérapeutique bien plus large que la stricte cure psychanalytique freudienne. Il permet également au quotidien d'enraciner le caractère précieux des liens, la nécessité pour tous d'être attaché en toute confiance et réciprocité.
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Une théorie d'une originalité et d'une profondeur peu communes qui m'a touchée et intéressée comme peu d'autres!

Avec "Le moi peau", c'est toute une façon de penser et repenser le psychisme et la psychopathologie que nous propose le grand Didier Anzieu. Tout en prenant la suite des grands maîtres tels que Freud, Klein et Winnicott, le psychanalyste développe une pensée nouvelle d'une grande richesse qui met en parallèle la peau physiologique à une peau psychique et observe le développement et la vie psychique en fonction des différentes fonctions de la peau telles que le maintient, l'enveloppement, la protection, la séparation dedans-dehors, l'excitation et tant d'autres...

Je ne peux que recommander chaudement cet ouvrage à tous les férus de psychanalyse car tant au point de vue du fond que de la forme, il est des plus délectables. Je l'ai personnellement trouvé brillant et il me reste en mémoire comme l'une des mes plus riches découvertes littéraires.
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Incontournable dans les études de psycho, un concept très souvent repris, des pistes intéressantes mais aussi des... choses... hum... hum... je vous laisse juge:
"Bertram Lewin a décrit le blank screen ou écran vide du rêve: le rêve se réduit à son contenant; il n'a pas encore de contenu. B. Lewin y voit la figuration du sein flasque, vidé par la tétée et devenu une surface aplatie, toile de fond sur laquelle se dérouleront les actions à venir des vrais rêves nocturnes; ce morceau de brouillard blanchâtre traduirait la sensation visuo-tactile des grains de la peau de la mère nourricière; sa vision s'accompagne d'un sentiment de bien-être, de plénitude, de réplétion." (p250)
Je passe sur le fait qu'une peau est forcément blanche et qu'un sein post-tétée n'est pas "flasque, vidé" mais la sécrétion du lait se fait en temps réel?
Des choses intéressantes mais du tri à faire, souvent difficile à lire.
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Ce livre demande aux non initiés un effort de lecture soutenu, mais un effort bien récompensé. C'est un excellent livre très riche et très dense et très intéressant sur un sujet pointu qui ne peut se résumer à peau de chagrin.
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Le classique des classiques. Sans doute incontournable. Lu il y a déjà fort longtemps maintenant.
Je me souviens d'avoir un mal de chien à comprendre ces concepts car, paradoxalement, ça manque de chair. Je n'ai pas été convaincu par les exemples ou la clinique associée à la théorie. Or, il est évident que dans la pratique, on peut facilement trouver une résonance à cette métaphorique façon de décrypter. (Autrement dit, il est sans doute plus abordable et plus parlant une fois qu'on pratique.)
Ca n'est jamais qu'une métaphore et, comme souvent, elle n'est pas nécessairement des plus opératoires.
Ce livre n'est donc pas un de mes livres de chevets. Mais, historiquement et quand même un peu plus, il reste un "incontournable".
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Autres paradoxes. La peau est perméable et imperméable. Elle est superficielle et profonde. Elle est véridique et trompeuse.......Elle appelle des investissements libidinaux autant narcissiques que sexuels. Elle est le siège du bien-être et aussi de la séduction. Elle nous fournit autant en douleurs qu'en plaisirs........La peau est solide et fragile. Elle matérialise, par sa nudité, notre dénuement mais aussi notre excitation sexuelle.
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Bertram Lewin a décrit le blank screen ou écran vide du rêve: le rêve se réduit à son contenant; il n'a pas encore de contenu. B. Lewin y voit la figuration du sein flasque, vidé par la tétée et devenu une surface aplatie, toile de fond sur laquelle se dérouleront les actions à venir des vrais rêves nocturnes; ce morceau de brouillard blanchâtre traduirait la sensation visuo-tactile des grains de la peau de la mère nourricière; sa vision s'accompagne d'un sentiment de bien-être, de plénitude, de réplétion.
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La dépendance de la pensée et la volonté du cortex, la dépendance de la vie affective au thalamus sont connues et prouvées.
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Videos de Didier Anzieu (3) Voir plusAjouter une vidéo
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Partie 1 - Fragments d'une psychanalyse empathique - Serge Tisseron
« Ce livre parle d'un psychanalyste souriant, empathique et chaleureux. J'étais alors son patient, ou plutôt l'un de ses patients. Cet analyste s'appelait Didier Anzieu. J'y raconte quelques moments forts de mon analyse avec lui, mes questions, nos bonheurs, mes réserves. » À un moment où beaucoup s'accordent à reconnaître qu'il est indispensable de repenser les bases et la pratique de la psychanalyse, Serge Tisseron témoigne de son expérience du côté du divan. Il met ainsi en lumière le rôle fondamental que joue l'empathie dans cette aventure qui consiste, pour chacun, à devenir soi à deux.
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