« Tu vis ton enfance trop vite
Quelques fois douce, quelques fois terne
Bientôt la société t'invite à intégrer une caserne
Tu pleures ton paradis perdu
L'enfance à jamais envolée
Que tu ne vivras jamais plus
Tu vois chaque jour s'éloigner
Petite chanson désabusée
Un peu triste pardonnez moi
Tu ne sais pas toujours pourquoi
Le désespoir tombe sur toi »
Ainsi Renaud évoque son Paradis perdu dans son tout dernier album .
C'est ce Paradis perdu dont nous parle le journaliste Erwan L'Elouet dans cette biographie du chanteur populaire et combien aimé des français.
Ce Paradis perdu, c'est son enfance avec ses frères et soeurs, une enfance paisible et chouette, c'est sa jeunesse rebelle, les pavés de 68, ses premiers pas sur les planches, sa rencontre avec
Coluche au Café de la Gare, celle avec Dominique sa gonzesse, sa muse…
Dominique, celle qui partage son cassoulet mais bien plus encore. Celle qui lui donne envie d'écrire des chansons.
Nous sommes en 1978 et l'auteur écrit : « Renaud a choisi sa voie. Et dans le cocon moelleux et saturé d'ondes positives, sous la double influence de Dominique et du succès, il compose. »
Dans son répertoire, dans tous ses albums se nichera toujours une ou deux chansons nostalgiques de ce paradis perdu, de ses rêves d'enfant qu'il parvient à réaliser – le succès et l'argent aidant- en s'offrant un bateau, espérant, ainsi, quitter la pression des médias et les contraintes du métier.
Mais si la vie est dégueulasse, la mer l'est aussi et pour cause, les poissons baisent dedans. Renaud rentre à Paris pour continuer sa petite vie peinarde avec Dominique et sa fille Lolita qu'il emmène sauter dans les flaques, bousiller leurs godasses et s'marrer…
Une vie peinarde ? Pas tant que ça…
D'abord, il y aura la déconvenue à Moscou, ce piège qui s'est refermé sur lui, qui l'a vraiment énervé et qui sera sûrement à l'origine d'une paranoïa qui n'en finira pas de grandir en lui.
Et puis surtout, il y a la mort de
Coluche. L'auteur rapporte les propos de Dominique : « ça nous a vraiment détruits. Non seulement, c'était un pote, Michel, mais c'était presque un papa, je dirais. »
La disparition de
Coluche, de Desproges puis celle de Gainsbourg ont beaucoup marqué Renaud. Est-ce pour cela qu'il tombe dans ces années sombres où il n'est bientôt plus que l'ombre de lui-même ? Est-ce les années qui passent, ses premiers cheveux blancs qui le rendent morose ? Est-ce les désillusions d'une gauche qui s'embourgeoise et qui lui renvoient un pâle reflet de lui-même qui ont raison de sa verve, de sa gouaille rocailleuse mais ô combien porteuse !
Toutes ces questions ne sont pas posées dans le livre mais elles sont sous-jacentes aux mots d'Erwan L'Elouet, qui a merveilleusement su reprendre les témoignages de proches de Renaud, et qui nous dévoile de façon fort pudique et très tendre les événements importants de la vie de Renaud, autant d'éléments indispensables pour comprendre, pour cerner la personnalité de ce « héros populaire », pour l'aimer davantage encore...