Dès l'incipit de ce roman magistral, nous sommes entraînés sans coup férir dans le Grand Nord, à la suite d'un traîneau qui espère, tant bien que mal, arriver au Fort McKinley, alors que des loups, affamés et nombreux, rôdent, loups menés par une "louve" d'un genre particulier, comme domestiquée mais retournée entretemps à l'état sauvage. Elle est rusée, cette louve : elle mènera, brillamment, à sa perte, une partie du convoi, et deviendra le personnage principal de l'histoire,
Jack London nous glissant dans sa peau, avant que ce ne soit son fils,
Croc-Blanc, héritier du caractère domestiqué de sa mère et des instincts sauvages de son père, qui prenne la relève, et devienne le véritable héros de l'histoire.
Car, en effet, l'être humain, dans ce roman, a beau être le divin tout-puissant pour
Croc-Blanc, à partir du moment où le chemin du louveteau croise la route d'une tribu Amérindienne, jusqu'à ses mésaventures ou aventures avec des Blancs plus tard, il n'en reste pas moins un personnage subalterne. La première course-poursuite dans la neige, subjuguante dans son atmosphère de froid mordant et de faim dévorante, de sentiment d'urgence pour les convoyeurs, pris de plus en plus en étau par la meute, n'est de fait qu'un prologue mettant en scène toute l'histoire du louveteau, qui finira domestiqué malgré lui par l'humain, en un contradictoire sentiment d'admiration et de crainte d'abord, de haine ensuite, d'amour, de confiance et de loyauté absolus enfin, selon l'humain qui va l'"adopter".
Jack London décrit à la perfection ce que peut, selon lui, ressentir
Croc-Blanc, au fil de l'histoire et des évènements qui vont forger non seulement son caractère, mais aussi sa carrure, et sa relation aux autres. Il écrit un roman de formation animal, ce qui est, bien sûr, particulièrement original pour l'époque, et particulièrement réussi, le romancier ne se privant pas, dans la foulée, de dénoncer les maltraitances subies par les chiens, comme dans L'appel de la forêt, tout comme les différences existant entre Amérindiens et Blancs.
Un grand roman en somme, que je regrette de ne pas avoir lu plus tôt.