L'album n'est pas un coup de coeur mais l'on concèdera la proposition intéressante sur un angle pris.
Beaucoup de titres parlent du passage malaisant pour les parents et pourtant si simple des petits garçons qui ne distinguent pas encore de sexe dans leurs jeux et qui, dans un élan de sensibilité vers des jouets qui à priori ne leur sont pas destinés, vont se mettre à jouer à la poupée ou jouer à chiper les robes de leur entourage féminin pour faire à la manière de.
Nous avons en tête d'excellents titres qui font cas du passage sensible, qui finalement avec une lecture peut accompagner les mains tremblantes des parents qui ne savent pas quoi faire ou pensent mal faire, dans la volonté de respecter la nature de l'enfant .
Vous pouvez emprunter les yeux fermés (mais pas trop) "
Thomas et la jupe" de
Francesco Pittau et "Les poupées, c'est pour les filles" de Ludovic Flamant et
Jean-Luc Englebert chez l'Ecole des Loisirs.
L'album "
Julian est une sirène" poussera le propos plus loin, sur un sentier encore plus malaisant pour les parents en général et qui ne laissera aucun doute ici sur ce qui souciait à la base.
Certains parents adopteront peut-être la pose sculptée et illustre du Penseur de Rodin: Après cela, vais-je avoir des petits-enfants ?
Grande question et difficile à répondre suivant notre actualité du monde.
Nous, chroniqueurs, n'accompagnerons pas tout le discours de l'auteure
Jessica Love mais un aspect nous semble toutefois très intéressant, puisqu'il devient complémentaire des deux autres cités auparavant.
Si les précédents pansent les inquiétudes des parents frileux à l'idée d'avoir des enfants homosexuels (disons le mot, puisqu'il existe autant l'utiliser), en rassurant d'une phase somme toute classique, ce titre-ci mettra les pieds dans le plat en certifiant que non seulement cette nature existe dès l'enfance mais qu'aussi ce n'est pas grave.
C'est sur la manière de convaincre que nous ne serons très convaincus du bénéfice de l'album.
Oui, en effet, cela existe et ce n'est pas si grave, cela arrive même aux meilleurs d'entre nous.
Les petits lecteurs inquiets pourront se rassurer en notant que bon nombre des grands esprits qui ont fait progresser le monde, qui ont participé à l'embellir, étaient homosexuels : l'inventeur et artiste
Léonard de Vinci, le philosophe Socrate, le conquérant Alexandre le Grand de Macédoine, le roi d'Angleterre Richard "Coeur de Lion", le tragédien
Wiliam Shakespeare, le musicien
Frédéric Chopin, l'auteur
Gustave Flaubert, l'auteur
Marcel Proust et j'en pense.
Nous pourrions en rester là et cela suffirait, pensons-nous.
L'auteure ira plus loin, mettant en connexion deux expériences qui, selon nous, n'étaient pas forcément indispensables (cela n'engage que nous).
De quoi parle l'histoire ?
Notre petit personnage, julian, élevé par sa grand-mère, adore se déguiser, porter plus particulièrement des robes.
La grand-mère tentera de le rassurer en lui montrant que certains adultes eux aussi adorent se déguiser.
La démarche est douce.
Mais pas sûr que les parades de "Dragqueens" soient selon nous une réponse indispensable, il y avait moyen de faire simple, pas à pas.
Là, en revanche, où nous rejoignons le personnage de l'adorable grand-mère, c'est bien évidement dans l'écoute, la patience, la tendresse indéfectible du parent, présent quoi qu'il arrive.
Mamie semble très à l'aise avec, ce que l'on appellera un carnaval maniéré, c'est sans doute une bonne chose pour notre Julian qui est un petit bout de choux à croquer.
Cette posture mise à part, nous aimons beaucoup le travail de
Jessica Love, sur la vie de quartier et cela nous rappelle d'autres travaux plus datés des années 60, classiques de la littérature jeunesse, nous baladant dans les rues oules transports en commun, ceux d'
Ezra Jack Keats ("
Jour de neige", "
Cache-cachette", "
Un garçon sachant siffler", "
Salut Chat") très portés sur la communauté noire américaine.
"
Julian est une sirène" est un album à découvrir et peut-être à noter le cas échéant.