Georg Lukaks est un brillant philosophe hongrois de langue allemande qui a dû quitter la Hongrie pour l'Autriche, puis l'Allemagne, puis la Russie pour revenir en Hongrie et encore s'exiler en Roumanie cette fois après l'insurrection de 1956 à laquelle il a participé et pour enfin le retour au bercail en 1957. Il a comme influenceur politique Marx,
Lénine ; il deviendra marxiste et sera un précurseur à rechercher les causes du nationalisme allemand, à soulever la pierre pour voir ce qu'elle cache comme intention maligne chez
Nietzsche, Heidegger qui va enfanter du système totalitaire.
Dans plusieurs livres, il s'est intéressé à Tolstoï et lui a même consacré le présent essai éponyme, parce que l'écrivain russe s'est toujours attaché à la cause des paysans misérables, ensuite du prolétariat russe. Dans ses fictions réalistes là où il croquait le portrait de la haute bourgeoisie russe, n'était jamais absent le trait pour pour les pauvres gens. Cette démarche, outre l'excellence du style, a naturellement plu à Georg Lukaks.
Un des premiers romans de Tolstoï, La Matinée d'un seigneur est tourné exclusivement vers cette cause et ne se contente pas comme Gorki plus tard de répondre à la mendicité par une solidarité de classe, l'aumône, d'abord parce qu'il n'appartient pas en tant qu'aristocrate à cette classe - il va aller plus loin, rejette toute idée de bienfaisance donataire par un changement profond du statut du servage, son éducation et son regard sur la propriété bien au delà du discours. Son rôle de médiateur, de juge territorial dans les procès qui opposèrent les paysans aux riches propriétaires fonciers postérieurs à l'abolition du servage va cesser de sa seule volonté au bout de deux ans car il se rendait compte que ses ennuis prégnants venaient d'une mauvaise interprétation de ses intentions par les propriétaires fonciers, alors que comme il l'a montré dans La Matinée d'un seigneur, il ne faisait preuve d'aucune faiblesse vis-à-vis des paysans pauvres, il séparait le bon grain de l'ivraie !..