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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Hier soir, au MAHJ, exposition des planches originales de Luz , celles de son album transposant, dans le registre graphique et quasi muet , -à l'exception de trois chapitres majeurs , transcrits intégralement - les célèbres pages du livre d'Albert Cohen "Ô vous, frères humains ".

En présence de Luz, avec qui était organisée une rencontre dans l'auditorium du musée.

Double choc: retrouver ce livre puissant, cette prière lucide adressée aux "haïsseurs" par un vieil homme bouleversé par la perte d'innocence et la fin de la joie de l'enfant de dix ans qu'il a été. Et le retrouver à travers la sensibilité meurtrie d'un rescapé de la haine, d'un éternel survivant du massacre du 7 janvier 2015.

D'ailleurs Luz a précisé lui-même cette filiation dans l'interview qui a suivi. La tuerie de Charlie a fait de lui un grand frère du petit Albert Cohen de 10 ans : innocence et tranquillité à jamais perdues.

Un album qu'on pouvait croire moins personnel que celui de Catharsis, puisque placé sous le haut patronage du grand écrivain, mais qui, tout en permettant à Luz de prendre de la distance, a redonné au dessin tout son pouvoir d'exorcisme.

Celui-ci est magnifique : libéré des cases, jouant sur la force du trait, les mille nuances du noir, expressif et même expressionniste, il plonge dans un univers de fantasme et de noirceur à la Fritz Lang- M le Maudit - on pense aussi au Troisième homme d'Orson Welles... C'est Stephen King revisité par Frantz Kafka. ..

Le discours antisémite qui jaillit de la bouche de l'immonde camelot- du roi?- est comme une inextinguible vomissure qui souille de ses mots obscènes les murs de Marseille, et le petit doigt accusateur de l'enfant qui tente d'attirer sur eux l'attention des passants se heurte à leur indifférence -la forme ordinaire de l'amour du prochain...

Quant au Christ, interrogé par l'enfant en détresse, il prend les traits du musicien des rues jouant de l'orgue...de barbarie:il est aveugle comme le musicien ambulant...

Des doigts vengeurs semblent chasser de partout l'enfant qui se sentait français et se découvre juif.

Dans la rencontre qui a suivi l'exposition, Luz a dit combien il se sentait proche, aujourd'hui, de cet enfant de dix ans qui se réfugie dans les toilettes d'une gare pour pleurer de désespoir : lui aussi a connu cela deux fois. La première fois, il avait 10 ans aussi, et des enfants lui avaient cassé ses lunettes en lui jetant le ballon en pleine face.

La seconde, c'était à l'enterrement de Cabu.

La voix de Luz s'est alors étranglée, il n'a pu finir sa phrase. Plus personne n'a osé lui poser de question.

J'ai pensé aux larmes du Petit Prince." C'est si mystérieux le domaine des larmes" écrivait l'aviateur.

Nous sommes tous des frères dans la mort disait sombrement Cohen. Devant les larmes de Luz et celles du petit Albert, je veux croire que nous sommes tous les frères des enfants qui pleurent, les petits enfants de dix ans, les grands enfants rigolards de Charlie, et même les vieux enfants, comme Cohen, qui voulut rééditer son livre en 1972, parce que la bête immonde, malgré les cheminées d'Auschwitz, avait , en 1972, repointé sa sale gueule.

C'est le sens du dernier dessin de Luz dans ce magnifique et terrible album. Je vous laisse le soin de le découvrir.
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Une bande dessinée de peu de mots, mais tellement forte... Adaptée d'une oeuvre d'Albert Cohen, Ô vous, frères humains, est l'illustration de ce jour où tout bascule... Âgé de 10 ans, Cohen est soudainement confronté à l'anti-séminitiste, à la cruauté des gens, au jugement, à l'exclusion, à l'incompréhension... Des dessins sombres, mais très forts, qui rendent vivant toute l'oppression et la folie de l'homme. Je retiendrai cette phrase : Ô vous frères humains, êtes-vous vraiment heureux de haïr et fiers d'être méchants ? Et est-ce là vraiment le but... Un très bel objet et avec un message très fort.
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Wouaouh ! La lecture de ce roman graphique fût une vraie claque. C'est rude, c'est âpre, ça fait mal, tellement mal. Une boule dans la gorge qui n'a cessé de grossir à chaque page. Les mots sont remplacés par des images qui provoquent des émotions incroyables. Une vraie douleur ressentie tout au long de l'ouvrage. Merci d'avoir su accompagner les mots d'Albert Cohen par des illustrations à la hauteur. C'était douloureux mais magnifique. A mettre dans toutes les mains.
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Cet album graphique est volontairement sans pagination et donne une perspective graphique homogène.
C'est rude et très interpellant ! LUZ y traite à sa façon bien à lui (depuis qu'il a vécu ce qu'il faut bien appeler le massacre du 7 janvier 2015, victimes de fanatiques en religion...), de la duplicité dualiste de la rhétorique du “religiosisme” dans un état d'être fonctionnant “en ghetto”, traitant de “l'amour”/“compassion” universel.
LUZ, dans un graphisme tourmenté, nous donne à voir ce que Hannah Arendt décrivait comme la “Banalité du mal” dans une forme de “légalisme conventionnel” dans la médiocrité d'être où gît l'absence de réflexion, cultivant l'inculture et développant sa stupidité, éludant tout esprit de “résistance civile” ; cela a toujours fait des ravages … !
Le vieil homme “habité” par lui-même enfant (j'ai bien aimé le rendu des dessins exprimant cela) prend tout en mesure l'effroyable dimension de ce qu'a subi, cet enfant …
Ceux et celles qui se sont confrontés dans leur vie depuis l'enfance aux « haïsseurs » pour quelque raison que ce soit trouverons dans cet ouvrage la seule réponse qu'il y a à apporter pour pouvoir poursuivre son existence dans la résilience, dans un appel du fin fond de l'être à la fraternité humaine. Et celle-ci doit, par une détermination irréductible, toujours être privilégiée dans les cultures et ne jamais laisser le terrain tant qu'un souffle de Vie nous habite, laisser le terrain donc, aux « haïsseurs » !

...
Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
“Dieu” en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez “Dieu” que tous nous veuille absoudre !
...
(début de « L'Épitaphe de François Villon »)

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Luz, dessinateur, adapte un livre d'Albert Cohen dans lequel il raconte, il décrit la découverte de l'antisémitisme. Il avait alors 10 ans quand il se retrouva face aux moqueries, aux rires et à la haine.

Le traumatisme traîné par Albert Cohen ouvre cette bd. Nous voyons l'auteur en pleine écriture, tentant de plonger dans ce drame intime et de faire accoucher cette douleur. le vieil homme tente de retrouver l'enfant qu'il était, celui avant la haine et les pleures qui l'ont submergé. Cette bd est tout à fait prenante car les mots deviennent ici les dessins de Luz. Presque aucun mot dans cette adaptation sauf ceux qui bousculent et humilient l'enfant. Il ne s'agit pas de restituer, de replacer dans un cadre mais de saisir. C'est un vrai roman graphique, le roman venant d'Albert Cohen et le « graphique » de Luz. Ces images où le petit garçon se retrouve montré du doigt à cause de judéité, où un torrent de malheurs est alors déversé sur lui sont bouleversantes. Luz évite la banalité, le quelconque. Chaque page s'adresse à ces frères humains qui sont mentionnés dans le titre. Cet appel est d'autant plus saisissant que le petit Albert est seul tout le temps. Personne ne vient l'aider. Même la petite fille de la publicité Meunier est contre lui, s'échappant de l'affiche pour écrire juif sur les murs.

Dans la forme, cette oeuvre est saisissante par le rythme. Luz joue avec les décors et des idées visuelles sont éblouissantes. La tête de l'enfant qui apparaît dans celle du vieil Albert Cohen, quand celui ci arrive à replonger dans sa mémoire. L'unique page du retour à la maison. Nous voyons l'appartement des parents du petit Albert et tout le parcours fait par le trio (père, mère et enfant) pour quitter la rue hostile et atteindre le réconfort du foyer. Plusieurs fois, ce trio apparaît, comme si le retour tellement difficile se faisait au ralenti. Toute l'imagination de Luz est déployée pour comprendre Albert Cohen, son drame et nous parler, nous ses frères humains.

Lien : https://tourneurdepages.word..
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Très peu de texte dans cette adaptation, en dehors du monologue haineux du vendeur ambulant, non pas dit mais comme vomi, déversé sur l'enfant... qui ressent encore, des dizaines d'années plus tard, la salissure, la souillure et la force de cette haine. Et puis, à la fin de la BD, l'appel saisissant d'Albert Cohen, qui lie directement et intimement cette haine crachée à l'extermination des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale. La seconde n'aurait pas pu exister sans la première.

Le propos tenu est simple, dépouillé, très bien servi par le crayon de Luz qui retrace l'errance psychologique du jeune garçon. L'enfant s'égare dans la ville, se heurtant tantôt aux murs, tantôt aux adultes, et retrouve partout cette même haine, qu'il ne comprend pas et qui lui brise le coeur. Cette découverte brutale marque la fin de l'enfance, un traumatisme cuisant qui nous rappelle, à nous, aujourd'hui, combien la haine de l'autre est inacceptable et porte atteinte à notre humanité même.
Lien : https://wordpress.com/post/u..
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Après Catharsis, paru en 2015 aux éditions Futuropolis, ouvrage conçu comme un livre thérapeutique pour son auteur, le dessinateur Luz reprend ses crayons pour adapter un livre autobiographique de l'auteur du merveilleux Belle du Seigneur. Ô vous, frères humains, écrit alors qu'Albert Cohen était âgé de 77 ans, est un véritable manifeste pour la tolérance, un écrit humaniste que Luz met en scène avec un certain talent et une passion incroyable et nous livre une adaptation poignante et toute personnelle.

Adapter une oeuvre comme Ô vous, frères humains nécessite bien une préface. Une préface qui tient en une page et dans laquelle Luz démontre ce besoin de se replonger dans cet ouvrage et son envie de le dessiner, comme un hommage à Albert Cohen, cet auteur dont l'oeuvre est, selon les mots d'Henri Godard, « construite sur cette situation de Juif dans une société de non-Juifs ». Lecture intense, Ô vous, frères humains occupe une place particulière dans l'oeuvre de Cohen : elle prend la place d'un testament littéraire, d'un texte dans lequel sont contenus les clefs de l'oeuvre en elle-même et fait aussi office d'une excellente introduction à l'auteur.

La suite sur le blog :
https://unepauselitteraire.com/2016/05/03/o-vous-freres-humains-de-luz/
Lien : https://unepauselitteraire.c..
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Une grande claque émotionnelle ! Toute la douleur du jeune Albert Cohen victime de la bile haineuse d'un camelot est parfaitement saisie dans les dessins de Luz. Un incontournable !
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