Rentrée littéraire 2021 #27
Quand on parcourt la page Instagram de l'auteur, on est frappé par les ressemblances entre lui et son personnage principal : le même prénom, le même goût pour le rap polonais, la jeunesse dans un quartier populaire à tutoyer la petite délinquance, le métier de journaliste et Aubervilliers comme lieu de vie. Les parallèles sont évidents et on comprend mieux pourquoi ce roman, même en empruntant un chemin fictionnel, sonne si juste.
Entre road movie et analyse sociologique, on suit le narrateur, Matthieu donc, et son ami Farid, dans leur virée à Malaga pour souffler un peu, loin de leur banlieue. Les deux se tiennent debout face au désenchantement du monde, après moultes désillusions et espoirs d'avenir interdits. Matthieu est englué dans un travail de journaliste de second ordre qui ne l'épanouit pas et dans des difficultés amoureuses. Farid sort de taule, tombé pour trafic de drogue. Son parcours rocambolesque donne des idées à Matthieu qui se verraient bien écrire un roman s'en inspirant.
Même si je n'ai pas été particulièrement intéressée par les errances de ces deux personnages qui partagent une appétence pour l'alcool, la drogue et les rencontres Tinder dans un Malaga lugubre, ni par les récits de Farid décrivant les trafics de drogues entre Maroc, Espagne et France, j'ai été maintenue dans ma lecture par l'écriture très contemporaine et énergique de
Matthieu Luzak qui possède un vrai style. La narration est très vivante, incluant directement des dialogues alertes sur un tempo presque rappé. C'est souvent brut, cru même avec un sens de l'autodérision très drôle. L'ensemble est très authentique.
Autre point fort de ce premier roman, sa dimension socio-politique. L'auteur laisse la parole aux déclassés des banlieues, aux mal-nés, que ce soit ceux qui, comme Matthieu, ont fait des études en tant que boursiers mais se heurtent au manque de réseau et de codes pour réussir, ou sans diplôme à la recherche d'argent facile. Sans les juger, sans les enfoncer, sans non plus leur donner des excuses lorsqu'ils sombrent dans l'illégalité ou perdent le contrôle de leur vie. Rien que le titre fait office de manifeste avec son clin d'oeil à l'auteur américain
Donald Goines et son « Justice blanche et misère noire » qui questionnait douloureusement sur la fracture raciale dans les années 1970.
Matthieu Luzak a choisi un voix moins violente et moins sombre, plus tendre au final.