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EAN : 9782221129760
360 pages
Robert Laffont (06/09/2012)
3.01/5   48 notes
Résumé :
En grandissant à la cité des 4000 de La Courneuve, Sylvie n’a qu’une idée en tête : s’en aller. Il lui faut fuir cet endroit qui lui rappelle un père absent et un beau-père violent. Elle en a autant besoin que d’air pour respirer. D’ailleurs, cet air qu’elle respire depuis qu’elle est née, elle n’en veut plus. Elle rêve de celui de Paris, des belles boutiques, des draps de soie, … de l’air que les bourgeoises respirent depuis leur naissance. Ses origines juives et t... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Nul ne sait plus grand malheur que d'être aimé en ayant faim : les baisers remplacent-ils les morsures ? L'affection n'est qu'un baume de malheur sur la violence d'un estomac qui se tord. On embrasse comme on voudrait mordre, et l'on croque comme on devrait aimer. Qui subit cela peut renoncer à aimer ou à manger ; qui subit cela peut se dessécher ou mourir. Car il faut choisir entre la soumission ou la révolte. On aime alors comme l'on mange, vorace. Cet amour n'est pas un luxe, il porte inscrite en lui l'intensité de la faim.

Après un premier roman remarqué et salué (« Papa was not a Rolling Stone », prix de la Closerie des lilas 2011), Sylvie Ohayon nous livre avec « Les bourgeoises » (éditions Robert Laffont) un texte fragmenté en une série de portraits à l'écriture incisive.

Lili, l'héroïne, est un cauchemar pour sociologues, mais une bénédiction pour un écrivain. de la cité des 4000 à La Courneuve, elle a grandi sans père mais non sans talent. Boursière ambitieuse, elle va découvrir Paris pour la conquérir, et les parisiennes, « les bourgeoises », pour les croquer – pour les soumettre, non pour les peindre. Et l'on suit cette conquérante, brillante et courageuse, plutôt hussarde que Rastignac, plus écorchée vive que stratège, réussir, grandir, et tenter de trouver où planter ses racines. Car, même si « Les Bourgeoises » semble être au premier abord une peinture de caractères à la façon de la Bruyère, le roman est avant tout celui de Lili ; et si chaque chapitre évoque une rencontre, une femme – une amie, une mère, une ennemie, une ridicule, une malfaisante –, mis bout à bout, ils dévoilent le destin de cette attachante boule de nerfs.

Lili a faim ; sa morale dévore sa colère sans jamais la digérer ; Lili est anorexique. Une poche vide de plus, quelle importance, n'est-ce pas ? Mais Lili a sa lumière : sa grand-mère est son phare dans sa nuit de père. Les chapitres sur la relation grand-mère / petite-fille sont ainsi parmi les plus bouleversants du roman ; la violence s'y dit aussi dans l'affection, et l'on peut parfois éteindre toute marque d'amour car on ne saurait s'étreindre moins qu'à l'étouffement.

Le roman ne peut donc que surprendre. S'il est profondément matérialiste et individualiste – l'argent y est une question essentielle à laquelle Lili aspire sans vouloir changer le monde mais en changeant de condition – il n'est pas pour autant celui d'une ambition à accomplir, ni même celui d'une victoire, comme une impression préalable pourrait le faire croire. Il se veut avant tout le texte d'un manque que l'on cherche à combler.

La phrase de Sylvie Ohayon n'essaie pas d'y parvenir par la beauté ; son style ne porte pas les oripeaux douteux qui étoufferaient les cris dans un décorum élégant et feutré. Non, Lili entre et elle gueule. Et elle gueule toujours fort. Chacun de ses mots se veut direct à l'estomac, des bourgeoises et des lecteurs, comme si Sylvie Ohayon avait nourri son écriture de sa colère, heurtant les touches du clavier comme avec un marteau. Sa langue, hybride, témoigne avec intelligence des victoires sociales et morales de son héroïne. [Tout petit bémol d'ailleurs, le propos perd de sa force lorsque, de moraliste, il devient parfois moralisateur (dans un seul chapitre, en fait) : son côté donneur de leçons a alors heurté le plaisir de lecture, car il suintait plus la mesquinerie inopportune que la puissance d'évocation du reste de l'ouvrage.]

En ses prémisses, la langue accroche logiquement celle des cités à celle des bourgeoises. Puis, par suite des découvertes de Lili sur elle-même, par l'apaisement qui va poindre comme une aube, la langue se fait plus sûre. Car l'héroïne est devenue Femme, et sa complexité trouve enfin un lieu qui la fait plénitude : l'écriture. Lieu de miroir, lieu où l'écrivain peut enfin oser se regarder sans se détruire.

Semble-t-il autobiographique, « Les Bourgeoises » dépasse son destin particulier. de par son écriture coup de poing mais maîtrisée, la sincérité de ses émotions, et le jusqu'au-boutiste de son auteure, le roman touche un point singulier en chacun qui peut résonner en chacun. le rêve que l'engagement total dans notre vie, c'est-à-dire la prise à bras-le-corps de notre existence, ne nous rendra pas forcément plus riches, mais, assurément, nous rendra moins vides.
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J'ai reçu ce livre par le biais de l'opération "Masse Critique" il y a un mois. Je l'ai lu en peu de temps quelques jours après sa réception et pour être franche, je ne sais toujours pas quoi en dire tellement sa lecture m'a laissée perplexe. Je vais simplement livrer quelques impressions

L'auteure, Sylvie Ohayon, a grandi dans la cité des '4000 à La Courneuve. Après une enfance particulièrement difficile et un parcours scolaire brillant, elle poursuit un cursus universitaire exemplaire à La Sorbonne. le désir de sortir de son milieu, sa détermination sont sans faille. Son parcours universitaire et professionnel l'amène à fréquenter des filles et des femmes issues de la bourgeoisie.

En les côtoyant, en les observant, elle ne peut s'empêcher de se comparer à ces femmes et de là, constater que le bien-être matériel n'est pas synonyme d'un bien-être moral.

Au fil du livre, on découvre des portraits parfois crus, souvent corrosifs et quelquefois tendres de ces femmes dont le manque de reconnaissance social ou familial les mène à se conduire de façon souvent extrême. L'auteur règle aussi ses comptes avec certaines d'entre elles, qui lui ont "pourri" la vie. Et là, on peut dire qu'elle ne mâche pas ses mots.

En parallèle, on découvre également la famille refuge de l'auteure et notamment Margot, cette grand-mère pilier de famille si juste et si attachante.

Ce qui m'a agacée pendant une bonne partie de ma lecture c'est le côté excessif de l'auteure, son besoin de s'affirmer qui confine à l'égocentrisme et à la vantardise et aussi certains jugements expéditifs.

Certes, à la fin de l'ouvrage, Sylvie Ohayon s'adoucit, prend conscience de ses failles, de ses lacunes,mais assume ce qu'elle est. le chapître "La bourgeoise qui énerve" la décrivant est d'une criante lucidité. le chapître "Je suis là", quant à lui, est touchant et sincère.

Ceci dit, je crois que je suis restée "braquée" sur ce côté excessif que j'ai évoqué plus haut et que cela a quelque peu entâché ma lecture d'où ce commentaire très mitigé.

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J'ai tellement de choses à dire sur cette histoire et pourtant je sais déjà que peu de mots passeront. Lili a grandi dans une barre comme moi. La différence ? La façon de vivre sa vie. Ma génération était contente de vivre en cité et se contentait de peu. Pourtant le sida et le début de la crise sont arrivés dans notre adolescence en plein dans une liberté de vie que nous avions. Est-ce à partir de là que tout a changé ? Est-ce à partir de là que les « petits frères » ne se contentaient plus de ce qu'ils avaient ? J'aurais pu lire ce récit en critiquant l'auteur pour sa haine bien visible, sa jalousie, ses aspirations et son vocabulaire. J'ai traqué Lili dans sa vie, son parcours pour en faire ressortir les failles, la sensibilité, sa cuirasse qui la protège de l'extérieur. Elle a reçu des claques la Lili, mais elle est restée debout, nettoyant avec rage ce qui la gênait sur sa route, protégeant les siens contre l'invasion des bourgeoises dans son monde. Tu sais Lili, tu as raison on est toujours l'arabe de quelqu'un et on sera toujours comme l'étranger de Camus, sans racines, se cherchant toujours. L'apaisement et la sérénité arriveront peut-être un jour, quand tu comprendras que tu n'as plus rien à prouver, que tu es toi et ce toi est une belle personne. Il ne me reste plus qu'à lire ton premier roman !
Je remercie Babélio et sa 16ème édition de masse critique et les éditions Robert Laffont.

Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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« Les bourgeoises », Sylvie OHAYON. Contemporain (et autobiographique semble-t-il), une jeune de banlieue avec une mère juive et arabe grandit en voulant devenir une bourgeoise parisienne qui s'habille chic et cher alors qu'elle ne vient pas de ce milieu. Elle fait un panorama des personnes marquantes qu'elle a pu rencontrer (et ensuite la plupart du temps détester), et en profite pour expliquer sa vision des choses, ses problèmes au boulot… Sa vie quoi.

Sur le fond : la jeune à un putain de caractère, comme elle-même le dit « elle est née sans filtre », et elle sort des trucs pas possible aux gens. Ce qui fait que souvent c'est très drôle, notamment quand elle agit juste pour emmerder le monde (ex : elle a une mère étouffante qui vient lui apporter du couscous. Ca l'emmerde, alors elle lui dit qu'elle a pas faim, et rien que pour lui faire comprendre qu'elle veut qu'elle cesse de faire la mère poule, elle prend une pizza juste en dessous de chez elle, et au jambon pour davantage l'emmerder !).

Sur la forme : Comment dire… C'est spécial. Au début on a l'impression que l'écriture est soutenue, puis on a des mots d'argots en plein milieu qui viennent tout faire péter. C'est tout un style, vraiment, c'est très intéressant car après de belles réflexions (« J'ai pensé si on suit ton raisonnement, maman, on brule Shakespeare et Proust et Huysmans, et tous les autres, les majeurs, les vrais prêtres du monde. Les écrivains sont la preuve tangible de l'existence de Dieu. Parce qu'ils transcendent, qu'ils touchent à l'universel. Les jours où les hommes auront fini de lire les livres, c'est Dieu qu'on enterrera »), elle sort des trucs énormes (ex : « Il n'y a pas de sot métier mais il y a quand même des boulots de connasse ». « Quand la chance vient te rouler une pelle, Jacob, ne lui mords pas la langue ». « L'honnêteté c'est comme les faux seins, tu vois tout de suite quand c'est de la triche »).

CCL : écriture très sympa avec des perles, mais j'ai eu du mal à adhérer à l'histoire. Mais rien que pour goûter à cette écriture, ça vaut le détour.

Mais ce n'est que mon avis…
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Nous n'avons pas ici une intrigue qui se déroule de manière linéaire, mais plutôt une série de portraits, qui nous permet de retracer peu à peu l'évolution de l'auteure. Chaque bourgeoise a son chapitre. Celles décrites en premier sont celles qui ont eu droit au mépris de l'auteure, qui ne mâche pas ses mots envers elles. Mais peu à peu, Sylvie Ohayon s'adoucit et améliore sa compréhension de ces femmes qui ont une existence à part, très (trop) balisée, qui subissent toutes sortes de pressions, qui manquent de choix, qui doivent garder la face en toute circonstance.

Si la narratrice traite aussi durement les bourgeoises, c'est qu'elle est animée d'un esprit de revanche, elle qui a manqué de tout. Aussi, au départ, elle en veut à ces filles qui la rejettent et qui ne semblent pas heureuses alors qu'elles ont tout le matériel et l'affectif qui lui a manqué. Puis elle comprend que ces femmes mènent parfois une vie tout aussi difficile que la sienne. Et finalement, celle qu'elle traite le plus durement, c'est elle-même : elle ne cache rien de ses excès, de ses fausses routes, de son goût immodéré pour l'argent et les belles choses. Elle se débat avec ses envies, ses contradictions, son judaïsme, son sentiment d'insécurité. Elle tente de trouver la paix.

Dans ce contexte, il n'est pas facile de s'attacher aux personnages dont les défauts nous sont exposés si crûment. La narratrice elle-même ne se montre pas sous son meilleur jour. Ainsi, finalement, les personnages que j'apprécie le plus sont ceux qui ont déjà été développés dans le premier roman de l'auteur : sa famille juive tunisienne, et notamment son irremplaçable grand-mère, Margot, qui a toujours le bon mot et soigne tous les maux à coups de nourriture grasse et de tendresse.

Dans ce roman, j'ai retrouvé l'écriture de Sylvie Ohayon telle que je l'avais déjà appréciée auparavant : directe, percutante, un brin cynique. Peut-être un peu plus crue qu'auparavant. Néanmoins, la fraîcheur du premier roman m'a un peu manqué, j'ai trouvé celui-ci plus désabusé, recelant un humour plus noir. Mais j'apprécie toujours son franc-parler et son absence de complexes.

Ainsi, j'ai apprécié ce nouveau roman autobiographique. Ne vous attendez pas à une histoire complète et linéaire, il s'agit plutôt de tranches de vie, de descriptions de caractères. L'aspect psychologique est intéressant, même si davantage de fraîcheur et de légèreté auraient parfois été les bienvenues.
Merci à Babelio et aux éditions Robert Laffont pour m'avoir permis de découvrir ce titre !
Lien : http://romans-entre-deux-mon..
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Mais j’ai mis quinze ans à comprendre que le plus dur, dans la vie, est de rester soi-même face aux autres qui sont si nombreux, parce qu’il faut apprendre à savoir qui on est pour soutenir sans flancher le regard des autres.
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La pierre, elle ne se soucie pas d’être toujours immobile, jamais il ne lui vient l’idée de changer de paysage. La pierre, elle vit sa vie tranquille sans penser au lendemain. Mais l’enfant empêchée, celle qui découvre à la télé un autre monde plus beau, d’autres petites filles mieux habillées avec un parent dans chaque main, la gamine à qui on tend un théâtre fastueux, des tentures dorées et pourpres, elle est comme Hansel et Gretel, elle cesse de réfléchir parce qu’elle a fait une overdose de moche et de privations et elle se jette en souriant dans cette vie nouvelle faite de papier et de friandises glacées. Quitte à verser des larmes de sang après, quitte à payer au prix fort son erreur, celle d’avoir convoité l’herbe plus verte du voisin pour mettre du doux sous ses pieds nus. Avant de devenir un Homme, il faut avoir été un âne.
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L'effet miroir m'a fait prendre conscience de la profondeur du trou dans lequel j'étais en train de m'abîmer.
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Mon vêtement restait mon dernier rempart contre mon infortune, la dernière surface d'expression d'une certaine forme de dignité.
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Moi j'étais déjà vieille avant d'avoir eu des seins. J'étais pressée de voir la fin, d'avoir l'épilogue parce que je savais que j'y parviendrais.
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Videos de Sylvie Ohayon (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sylvie Ohayon
Avec "Micheline", Sylvie Ohayon écrit le livre de sa mère. Pas une déclaration d'amour, pas davantage un réquisitoire, mais une superbe tentative de compréhension littéraire, un regard aussi cruel que tendre posé sur la femme à qui l'auteur doit la vie autant que sa souffrance.
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