Quel exercice difficile que de rédiger la critique d'un ouvrage qui n'a pas plu !
Je travaille avec les mots, je m'applique tous les jours à essayer d'écrire une belle langue française et de ce fait, déformation professionnelle oblige, les tics de langage et autres usages impropres, les expressions vides de sens comme « au jour d'aujourd'hui » etc. me font rire jaune. Je pensais vu le titre de l'ouvrage que les différentes expressions seraient décortiquées, que leur étymologie serait abordée et que leur usage « déviant » serait expliqué – par des raisons historiques, ou sociales ou que sais-je. Et bien non, pas du tout ! En fait les abus de langage ne sont que le prétexte, le point de départ, d'un pamphlet s'attaquant peu ou prou à tous les aspects de la société.
« Contre la parole creuse, ses symptômes et ses causes » précise la couverture. La préposition « contre » est le terme le plus important, car il s'avère que l'auteur est contre à peu près tout, et égratigne avec plus ou moins mépris - mais toujours consciencieusement – des catégories diverses de personnes : le Français moyen, qu'il appelle « affectueusement » Neuneu, les étudiants, les enfants (qui sont aussi abrutis que leurs parents), les femmes (il paraît que les Françaises ont « de plus en plus la voix qui part en vrille quand elles se veulent insistantes » et une passante se fait même taxer de « gourde »), les professeurs et avec eux l'ensemble de l'Éducation nationale (évidemment), les bobos, les ingénieurs, les psychologues, les chercheurs, les publicitaires, les journalistes, les animateurs radio, les politiques, les linguistes, les designers, les chefs cuistots… et je pourrais continuer de dérouler cette liste mais je ressens une grande lassitude, comme celle qui s'est emparée de moi à la lecture de cet essai. Rien ni personne ne trouve grâce aux yeux de l'auteur, à part peut-être (peut-être !) MM.
Onfray et
Finkielkraut – mais alors seulement par défaut, via le simple fait que Neuneu ne les apprécie pas. Et comme l'a souligné un autre lecteur de Babelio, aucune solution, aucune alternative n'est proposée, aucune ouverture n'est entrevue ni recherchée : c'est « juste » la litanie du Schtroumpf grognon (désolée mais c'est vraiment l'image mentale qui m'est apparue).
Une telle négativité est harassante (car je dois être Neuneu moi aussi). Sans compter que si le fond est déprimant, la forme est au mieux ardue. le texte est travaillé à l'extrême et regorge de jeux de mots, de bons mots, de néologismes (souvent fort bien trouvés). Hélas, le mieux étant l'ennemi du bien, quand la sophistication est excessive elle gêne la compréhension (en tout cas la mienne !). le texte est par ailleurs jalonné de nombreux renvois vers des notes de bas de page (dont le volume doit être supérieur à celui du texte proprement dit, heureusement que leur police est minuscule) qui hachent complètement le propos.
Je remercie néanmoins Babelio et Masse critique pour la découverte de cet ouvrage et je regrette que le charme n'ait pas opéré.