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4,17

sur 328 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le don des larmes

La Peau” de Curzio Malaparte est une lecture bouleversante dont on ne ressort pas indemne. L'histoire se déroule pendant le débarquement des forces alliées sur le sol de l'Italie en 1943. Malaparte ne nous épargne rien de ce qui fait la beauté et la laideur tragiques de l'humaine condition. Narrateur et auteur sont incarnés en une seule et même personne : Curzio Malaparte, lequel s'était engagé auprès des Américains pour combattre la Wehrmacht et les 'Chemises noires' de Mussolini afin de libérer l'Italie du joug fasciste.
Il assiste alors, impuissant, à l'effondrement du peuple italien atteint par 'la Peste' des vaincus : perdant toute dignité face aux vainqueurs ceux-ci n'hésitent pas à leur prostituer femmes, filles et même jusqu'aux enfants... Car les Italiens, au lieu de sauver leur âme, ne pensent qu'à sauver leur 'peau', d'où le titre du livre. Malaparte nous montre également à quel point les Américains débarqués en Italie font preuve, pour la plupart, d'une inculture crasse et traitent à tout propos les Italiens de 'dirty, bastard people !', se croyant en cela infiniment supérieurs aux hommes de la vieille Europe. Durant ses nombreuses discussions avec des officiers américains, Malaparte tentera de rehausser l'image de son peuple - en vain. Il aura même, je crois, une formule assez fracassante, disant à des officiers (je cite de mémoire et si quelque lecteur retrouve le passage je lui en saurais gré) : « Vous les Américains, vous êtes un peuple bon et noble car vous êtes heureux. Mais vous ne serez pas un grand peuple tant que vous ne saurez pas pleurer. »
La Peau” est un livre qui m'a brûlé les paupières : le sel des larmes, comme un ressac, s'est emparé de mon âme et de mes yeux à maintes reprises.
Voici un passage du livre :

« Vous ne pouvez pas imaginer de quoi est capable un homme, de quels héroismes, de quelles infamies il est capable, pour sauver sa peau. Cette sale peau. (Ce disant, je saisis avec deux doigts la peau du dos de ma main, et la tiraillai en tous sens.) Jadis on endurait la faim, la torture, les souffrances les plus terribles, on tuait et on mourait, on souffrait et on faisait souffrir, pour sauver l'âme, pour sauver son âme et celle des autres. On était capable de toutes les grandeurs et de toutes les infamies, pour sauver son âme. Aujourd'hui on souffre et on fait souffrir, on tue et on meurt, on fait des choses merveilleuses et des choses terribles, non pour sauver son âme, mais pour sauver sa peau. On croit lutter et souffrir pour son âme, mais en réalité on lutte et on souffre pour sa peau, rien que pour sa peau. Tout le reste ne compte pas. C'est pour une bien pauvre chose qu'on devient un héros, aujourd'hui ! Pour ça, pour une sale chose. La peau humaine est bien laide ! » Curzio Malaparte (in “La Peau”, p. 171)

© Thibault Marconnet
le 02 juillet 2015
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Un livre fascinant pour entrer dans la complexité de la ville de Naples dans l'un des pires moments de son hsitoire, en plein guerre mondiale, alors que les Alliés remontent toute la péninsule à partir de la Sicile
Naples est en pleine misère, les gens essaient de survivre , dans ce foisonnement insensé propre à cette ville - et Malaparte évoque ces personnages qu'on ne trouve nulle part ailleurs ( les enfants / "scugnizzi" ou ces "femminielli" à la sexualité ambivalente ), les relations avec les américains sont complexes, - en apothéose de ce livre très dur, dans cette ville en danger permanent, surgit cette éruption du Vésuve apocalyptique (celle de 1944 est à ce jour la dernière) - inoubliable description du Vésuve "hurlant dans la nuit". Et jusqu'à la fin le live plonge dans l'horreur, le viol d'une femme, un jeune italien écrasé par les chars des vainqueurs
Liliana Cavanni a fait une adaptation de "La Peau", avec Mastroianni, mais aucun film ne remplacer la lecture de cette oeuvre puissante.
Naples fut la ville d'adoption de Malaparte, écrivain magnifique, d'origine toscane, envoyé "al confino" dans les îles lipari par le fascisme et finalement fixé à Naples ou plutôt à Capri où il s'est fait construire une somptueuse villa - Godard y a tourné l'essentiel du Mépris avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli (inoubliables ). ,
J'ai publié plusieurs extraits de "La Peau" dans mes anthologies de textes sur l'Italie et Naples en particulier "Le Goût de Naples, "Le Goût de Capri et des îles italiennes" et je lui avais emprunté la phrase "Et le Vésuve hurlait dans la nuit" pour une série d'émissions consacrée à l'histoire de Pompéi (FC, Chemins de la connaissance" )
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Les horreurs de la guerre!
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Un bonne description de la ville de Naples Libérée .
A peine exagérée ...
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Malaparte narre des destins pris dans la tourmente de cette période brutale et cruelle de l'Histoire qu'est la Seconde Guerre Mondiale.

Il raconte la libération de Naples aux côtés des Américains. Fasciste de la première heure - celle du fascisme révolutionnaire - qui eut des relations difficiles avec le régime, le romancier avait changé de camp comme l'Italie elle-même qui continuait la guerre aux côtés des alliés après le renversement du Duce, en 1943.
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Malaparte, officier de liaison après la libération de l'Italie, gui de le lecteur dans une Naples dévastée par la guerre, une Naples humiliée, violée, ravalée aux stratégies de survie dans le milieu le plus hostile qui soit. Les grands GI's noirs s'y accouplent avec des prostituées naines. les autres prostituées déguisent leurs vagins de perruques blondes pour complaire aux libérateurs. Des foetus difformes en leur bocaux de formol rejouent le procès de Mussolini. Des tanks laissés imprudemment dans une cour d'immeubles sont dépiautés en une heure par les enfants du cru. des juifs crucifiés sur des arbres crachent sur les cavaliers chrétiens. On régale les dignitaires yankees avec des sirènes fraichement pêchées dans l'aquarium de Naples. On fait le clown pour qu'un jeune soldat éventré par une mine meure avec un sourire d'enfant.
Vous en voulez d'autres? il y en a plein.
Malaparte a inventé un style: dénoncer la misère humaine, l'horreur de la guerre, la cruauté des puissants à coup d'images hallucinatoires, lyriques, métaphoriques, inoubliables.
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On retrouve ici le Malaparte de Kaput, avec des nouvelles qui sont des tranches de vie ou plutôt des tranches de réalité, Malaparte avec sa crudité, cette impression de bouleversement dans lequel plus aucun critère de normalité ou de morale n'a cours.
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« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » tel pourrait être mon crédo en fin d'année scolaire pour l'écriture de mes billets de lecture.

Autant j'ai lu les romans sélectionnés pour le Mois italien, autant je n'ai pu boucler l'ultime billet dans les temps.



« La peau » de Curzio Malaparte est un roman autobiographique de l'auteur qui raconte l'Italie à la fin de Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement la ville de Naples avant et pendant l'éruption du Vésuve qui eut lieu entre les 12 et 21 mars 1944.

Autant dire que je n'ai pu m'empêcher de penser que « La peau » faisait écho à « Ce soir, on soupe chez Pétrone ».



« La peau » est un roman dont la lecture est difficile dans le sens où le style particulier de l'auteur ne permet pas un rythme rapide tant les informations sont foisonnantes et l'univers décrit très particulier.

Le lecteur se retrouve confronté à un décorticage des relations entre les soldats américains et la population italienne : les premiers, empreints d'une grande naïveté, si sûrs d'eux-mêmes et pleinement conscient de la supériorité morale et économique de leur pays, arrivent dans un pays exsangue, à bout de souffle et de forces, qu'ils ne peuvent d'autant plus ne pas comprendre qu'il s'agit de la ville de Naples, ville européenne aux accents d'Inde. Les seconds, épuisés, désespérés au point que le recours à la corruption devient plus criant qu'en période ordinaire. L'auteur assiste à un vrai choc des cultures. le roman rappelle parfois l'époque néronienne : tout se vend ou s'achète pour survivre ou pour satisfaire une envie de débauche, les élites donnent des dîners alors que la plèbe n'en peut plus de mourir d'inanition.

« Lost in translation » pour les officiers américains pris au dépourvu devant des scènes ahurissantes où les mères vendent leurs enfants pour un pain. Ils ne conçoivent pas un tel spectacle aussi ne peuvent-ils comprendre le fonctionnement de l'économie souterraine napolitaine... ou comment un soldat noir est vendu et revendu à de multiples reprises sans qu'il s'en aperçoivent … ou comment la roublardise dotée d'un zeste de mafia entourloupe le quotidien.

Ils ne conçoivent pas, non plus, l'humour, certes noir et ironique, du plat servi lors d'un dîner donné par le Général Cork aux officiers et officiels américains : une sirène. Ou plus exactement un lamentin, ou un dugong, prélevé dans l'aquarium de Naples, suscitant l'horreur des convives aux portes du cannibalisme : dans une ville où les mères vendent leur progéniture, tout est possible surtout le pire et l'horrifique. Exagération, sens de l'action et du décor, tout y est dans « La peau » de Malaparte et à chaque fois, on se demande où se situe la frontière entre réalité et délire luxuriant du récit.

Malaparte entraîne son lecteur dans un récit rocambolesque, picaresque et fantasmagorique dans lequel l'Enfer de Dante est au coin de chaque ruelle napolitaine, dans lequel le pyromane néronien côtoie la délicatesse de l'art Renaissance, dans lequel une cérémonie imaginaire, la figliata, tourne en orgie.

Naples est une Cour des miracles moderne, un lieu de perdition et d'élévation, une image de l'Italie rongée par le despotisme mussolinien, le désespoir des vaincus. Naples est une allégorie de l'Europe qui s'est perdue dans les illusions du fascisme, qui se perd dans une bacchanale échevelée dans laquelle la morale n'a plus lieu d'être.

Au cours de ma lecture, fastidieuse parfois en raison d'un déluge de mots et d'images emmêlées, j'ai eu souvent l'impression d'évoluer dans un tableau de Cranach ou de Brueghel fourmillant de détails lugubres et surréalistes.

Malaparte peut déconcerter quand on le lit avec nos filtres contemporains, sa lecture en deviendrait presque subversive car l'auteur ne connaît pas les mouvements de libération de la femme, ceux des droits LGBT ni ceux de lutte contre le racisme. Il peut déconcerter et pourtant sa verve est sublime, son écriture joyeusement outrancière et magnifique quand il décrit la chute d'un monde dans tout son panache mortifère et lugubre.

Le lecteur doit trier, seul, le vrai du fantasmé, le réel du rocambolesque, la vérité de l'allégorie.

Traduit de l'italien par René Novella
Lien : https://chatperlipopette.blo..
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C'est un livre très noir que celui-ci où les enfants ne sont pas des enfants et où les adultes rivalisent d'infamie.
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Un chef-d'oeuvre mais des moments à peine soutenables.
Cependant, il faut le lire absolument !
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