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4,17

sur 325 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Malaparte désirait-il nous léguer ses cauchemars de guerre, espérant s'en délivrer?

Officier de liaison avec les américains après que Mussolini aie retourné sa veste en 43, il nous raconte, déformé par un fascinant expressionnisme à la Fellini, la Naples humiliée, réduite à la 'peste' que constitue la prostitution généralisée des hommes femmes et enfants, sa chevauchée nocturne abordé par des juifs crucifiés, le procès expéditif de jeunes fascistes par les partisans communistes, le soir où il arrive à distraire un soldat mourant, le tribunal des foetus ou la danse lubrique du bossu sous les bombardements...
Et il trouve aussi les mots et la forme comme ces extraordinaires dialogues de sourds!
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Un tout grand coup de coeur pour ce magnifique roman de Malaparte (mon premier roman de cet auteur).

Tout à l'image du peuple napolitain qu'il décrit presque avec amour, c'est une écriture colorée, mouvementée, généreuse, truculente, fantasque, baroque, onirique mais aussi sensible. En somme terriblement vivante, pour raconter des événements très douloureux.
Malaparte raconte tour à tour les événements de la Libération de l'Italie, l'extrême misère du peuple, le cynisme et l'hypocrisie des Américains, l'entrée hautement symbolique des Alliés dans Rome par la Voie Appienne (comme Marius, Sylla, Jules César, Cicéron, …), pour finir avec la dernière éruption du Vésuve, dieu tutélaire de Naples, en 1944.

Le tout est foisonnant d'images, de délires et d'humour. Sous cette extravagance, je ressens une bonne dose de pudeur de la part de l'auteur, à mi-chemin entre le peuple italien et les soldats US envahissants, pudeur devant les souffrances du peuple napolitain, soumis à une barbarie d'un genre encore inconnu alors, celle du peuple américain.

Un excellent moment de lecture, loin des écrivains aseptisés et prévisibles.
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Avec Kaputt, Malaparte plongeait le lecteur dans la dichotomie d'une vie de luxe autour du gouverneur général Frank à Varsovie aux heures sombres du ghetto, et plus généralement dans les horreurs du front est de la deuxième guerre mondiale. Dans la Peau l'auteur témoigne de ce que le débarquement des alliés et plus particulièrement des Américains dans le sud de l'Italie représenta pour la ville de Naples. On y découvre une population exsangue et affamée - comme elle l'a souvent été au gré du passage des différents “libérateurs” qui se sont succédés dans sa longue et superbe histoire –, vivant dans des taudis et épuisée par une guerre que l'Italie n'avait pas les moyens de soutenir. Tout s'achète et tout se vend, l'honneur, les femmes et les enfants. D'autant plus que les vainqueurs ont de l'argent, des vivres, du matériel, des cigarettes, qu'ils sont beaux et un peu naïfs, autant dire du pain béni pour ces Napolitains qui ont toujours montré de l'ingéniosité et de la malice.
Avec son style si particulièrement suggestif, puissant, son talent à transmettre l'horreur d'une situation, à la rendre fascinante, et même terriblement belle, Malaparte prouve encore son génie d'écrivain et son don de conteur hors-pair.
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un récit poignant, on assiste à l, écroulement de l, Italie fasciste et a l, occupation américaine dans l, immédiate après guerre.
dans les.ruelles populeuse de Naples affamé.
hommes et femmes se prostituent ou se livrent à tous les marchandages on vend des enfants, la peste fait rage, le Vésuve se réveille.partout c'est la misère, la famine..
l, auteur et témoin de la déchéance de son peuple vaincu, mais aussi un peuple orgueileux.
le livre sera adapté au cinéma 🎬 en 1981 par
Liliana Cavani avec marcello Mastroianni dans le rôle de curzio malaparte.pour adultes 👍.
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La PELLE, lu en V.O.
Une terrible peste de répand à Naples à partir du jour où, en octobre 1943, les troupes alliées sont entrées en libérateurs.
Une peste qui ne corrompt pas le corps, mais l'âme. poussant les femmes à se vendre et les hommes à piétiner le respect de soi.
Transformée en un enfer d'abjections, la ville offre des visions d'une obscène, déchirante horreur: la fille qui, dans un taudis, ouvrant "lentement la rose et noire tenaille de ses jambes" permet que , pour un dollar, les soldats vérifient sa virginité;
les perruques blondes où rousses des femmes oxygénées et la poudre blanche dont elles se couvrent le pubis parce que "Negros like blondes" ;
les enfants à demi-nus et terrorisés que les mégères au visage couvert de fard vendent aux soldats marocains, oubliant le fait qu'à Naples les enfants sont la seule chose sacrée.

La peste --c'est l'indéniable vérité-- est dans la main charitable et fraternelle des libérateurs, de leur impossibilité à découvrir les forces mystérieuses et obscures qui, à Naples, gouvernent les hommes et les faits de la vie, de leur conviction qu'un peuple vaincu ne peut être qu'un peuple de coupables.

Il ne reste alors rien d'autre que la lutte pour sauver sa peau: non l'âme, comme autrefois, ou l'honneur, la liberté, la justice, mais l'abominable peau.

Insoutenable et splendide roman. Un réalisme à la limite du macabre.
..."avec ses mots, Malaparte se fait du mal à lui-même et aux autres; celui qui parle est un homme qui souffre. Pas un écrivain engagé. Un poète;" Kundera
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Avec « La Peau » Curzio Malaparte a offert au monde l'un des livres les plus puissants jamais écrits sur la guerre.
Ce texte publié en 1949 compile des chroniques dont la plupart se déroulent en Italie alors que les Américains la délivrent du fascisme.
Engagé au sein du Corps Italien de la Libération l'auteur de « Kaputt » est officier de liaison auprès des Alliés.
Avec une emphase teintée de surréalisme et d'onirisme il décrit les horreurs de la guerre et l'hystérie qui s'empare d'une population désemparée et affamée prête à tout pour survivre, y compris se prostituer et prostituer ses enfants.
Naples se transforme alors en une immense partouze et un cimetière à ciel ouvert où les vivants célèbrent les morts lors de grandes messes grotesques où religion et superstitions se mêlent.
Le génie de Malaparte est de confronter l'immense civilisation sur laquelle s'est bâti son pays à la trivialité des comportements humains.
En rapportant des dialogues savoureux, réels ou imaginés, il se moque gentiment de l'ignorance et de la morale étriquée des GI et de leurs chefs qui agissent en vainqueurs persuadés « que la défaite est […] un acte de la justice divine ».
En choisissant la démesure et une bouffonnerie colorée d'un humour noir et cruel il a composé un récit visuel digne de tableaux de Bosch, de Goya, de Velasquez ou encore d'Ensor, des romans de Céline et du cinéma de Fellini.
Une lecture dérangeante et indispensable pour saisir l'absurdité de la guerre et la barbarie des hommes.

EXTRAITS
Le nom Italie puait dans ma bouche comme un morceau de viande pourrie.
La liberté coûte cher, beaucoup plus cher que l'esclavage.
Pour se sentir des héros, tous les vainqueurs ont besoin de […] fourrer leur doigt dans une pauvre fille vaincue.
La douleur rend les gens fous.
Tout ce qui est humain est sale et lâche. L'homme est une chose horrible.
Nous étions des hommes vivants dans un monde mort.
C'est une honte de gagner la guerre.


Lien : https://papivore.net/littera..
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Naples libérée et prostituée, ou l’ambiguïté et la violence de la victoire.

En 1943, Curzio Malaparte (1898 – 1957) est officier de liaison auprès des troupes alliées, dans la ville de Naples où les Américains viennent de débarquer. Naples est une ville exsangue dévorée par la faim et Malaparte raconte, de manière aussi brutale, macabre et picturale que dans «Kaputt», cette cité peuplée de femmes et d’enfants décharnés, aux visages couleur de cendre, de napolitains réduits à la honte face à aux soldats américains. La misère et la honte des napolitains luttant pour survivre les réduisent à une condition, selon Malaparte, encore plus tragique que la guerre.

«Avant la guerre, nous avions lutté et souffert pour ne pas mourir. Maintenant, nous luttions et nous souffrions pour vivre.».

«Vous ne pouvez pas imaginer de quoi est capable un homme, de quels héroïsmes, de quelles infamies il est capable, pour sauver sa peau. Cette sale peau.»

Comme dans «Kaputt» publié six ans auparavant, il est impossible démêler le reportage de la fiction dans «La peau», deuxième volet de cette fresque tragique de l’Europe en guerre, publié et traduit en français en 1949 par René Novella pour les éditions Denoël, somme hallucinée de mensonges qui permet de raconter la vérité.

La suite sur mon blog ici :
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Livre magnifique, livre déroutant, livre ardu...

La prose magnifique de Malaparte (que je découvre avec ce livre) au service d'un pan de l'histoire que les francophones connaissent peu : la libération de l'Italie par les Américains en 1943.

Malaparte écrit magnifiquement bien, avec peut être trop de références et descriptions artistiques qui alourdissent la lecture, mais qui en même temps permettent de respirer en lisant ce livre. Ce rythme sans doute voulu de l'auteur nous permet de prendre conscience des faits relatés et évite ainsi une lecture éclair.

A mon sens, un très grand livre.



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J'avais introduit ma précédente critique de Kaputt du même auteur, en indiquant que l'oeuvre présentait "la seconde guerre mondiale comme on ne vous l'a jamais présentée". Pour La Peau, je pourrais reconduire cette même introduction, en y ajoutant une nuance : dans Kaputt, on était au fond de l'horreur; dans La Peau, on y est toujours, mais la guerre est finie et on a l'espoir que les choses changent. En effet, si on retrouve dans La Peau le constat qui caractérise Kaputt ("Il n'y avait plus rien à Naples, plus rien en Europe, tout en ruine, tout détruit, tout par terre, maisons, églises, hôpitaux, mères, pères, enfants, tantes, grand-mères, cousins, tout kaputt" - page 186), on assiste dans La Peau à la libération de Naples, en octobre 1943, et aux prémices de sa renaissance, renaissance dont il n'est pas question dans Kaputt ("Avant la libération, nous avions lutté et souffert pour ne pas mourir. Maintenant, nous luttions et souffrions pour vivre" - page 64). En d'autres termes, les Américains ont beau gagner la guerre, il leur reste -et surtout aux Napolitains- à gagner la paix.
Malaparte, officier de liaison italien auprès du Haut-Commandement allié, nous livre ainsi , de dîners mondains en conversations plus privées, ses réflexions sur la guerre, la paix, la victoire, la défaite, la vie, la mort, la dignité de l'homme et ses turpitudes aussi... J'y ai découvert et apprécié sa définition de l'Etat totalitaire : "un Etat où ce qui n'est pas défendu est obligatoire" (page 300).
Malaparte excelle aussi à décrire des scènes d'horreur avec détachement, froideur, humour -noir- (une main humaine trouvée dans la marmite de couscous - pages 410 à 418), voire cynisme. Ce qu'il décrit, avec un saisissant pouvoir d'évocation, frappe l'imagination du lecteur et la hante longtemps. Avec Malaparte, on reçoit la confirmation que la réalité, avec sa part de sordide (la clinique vétérinaire et les chiens opérés - pages 249 à 251), d'obscène (la prostitution des femmes et des enfants - pages 23 et 176) et de tragique (le massacre des brûlés de Hambourg - pages 158 à 161), dépasse la fiction. Même si La Peau est présentée comme un roman, on a parfois du mal à distinguer ce qui relève du roman et de l'imagination de l'auteur, de ce qui relève du récit historique. J'ai beaucoup aimé la scène du dîner offert par le Général Cork (pages 319 à 321) : en raison des mines qui empêchent les bateaux de pêche de sortir du port, les seuls poissons consommés sont désormais ceux du grand aquarium de Naples ; ce soir-là, en fait de sirène, c'est une jeune fille qui est servie à table ! Est-ce possible ? Il y a d'autres images qui interrogent le lecteur : les hommes crucifiés (page 233), la danse du bossu (page 363) ou le prix de revente des prisonniers allemands (pages 350 à 353).
Deux passages du livre expliquent son titre : le passage où Malaparte explique que les gens se battent maintenant, non pour sauver leur âme, mais pour sauver leur peau (pages 190 et 191), et celui où un homme meurt écrasé par les chenilles d'un char Sherman et devient "un tapis de peau humaine" (pages 433 à 435).
Au-delà du récit de la libération de Naples, La Peau est enfin et surtout une véritable déclaration d'amour à cette ville, qui en est finalement le personnage central, avec, comme décor, le Vésuve et le rocher de Capri. de la villa qu'il a fait construire à Capri sur la falaise, Malaparte observe et admire le paysage : "Assis dans la pièce qui donne sur le jardin, nous regardions, dans la nuit, le Vésuve et la surface argentée de la mer, où le vent soulevait les écailles dorées de la lune, les faisant scintiller comme des écailles de poisson" (pages 367-368). "La lune luisait au milieu du ciel, sur l'épaule du Vésuve comme l'amphore sur l'épaule de la porteuse d'eau" (page 357). Malaparte raconte, d'ailleurs, avoir reçu chez lui le Maréchal Rommel (pages 301-302). A celui-ci qui lui demande s'il a acheté sa maison toute faite, ou s'il l'a fait construire, Malaparte répond qu'il n'a dessiné que le paysage ! En toile de fond, pour couronner le tableau, le Vésuve entre en éruption en mars 1944.
Il importe de lire La Peau, après avoir lu Kaputt. Dans La Peau, en effet, Malaparte se met en scène lui-même et un personnage lui demande "ce qu'il y a de vrai dans ce que vous racontez dans Kaputt" (page 412). Un autre personnage répond : "Qu'importe si ce que Malaparte raconte est vrai ou faux. Ce qui importe, c'est la façon dont il le raconte". Je n'ai pas trouvé de meilleure conclusion à ma critique ! Lisez ce livre de Malaparte -à défaut, les citations que j'en ai extraites- et appréciez son merveilleux talent de conteur.
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Kaputt et la Peau. Les deux romans de Malaparte sont des iliades.
Il n'y a plus que des iliades, les odyssées sont mortes dans ce vingtième siècle, sans aucun retour possible à cette terre natale qui fume encore de ses charniers, du gaz sarin, des corps ensevelis. Il amène le roman sur les sentiers de la philosophie, comme l'ont fait Sade, Musil, Gadda avant lui.

"Je m'efforçais de penser à Rome non pas comme à une immense fosse commune, où les os des dieux et des hommes gisent pêle-mêle parmi les ruines des temples et des Forums, mais comme à une ville humaine, à une ville d'hommes simples et mortels, où tout est humain, où la misère et l'humiliation des dieux n'avilissent pas la grandeur de l'homme, ne donnent pas à la liberté humaine la valeur d'un héritage trahi, d'une gloire usurpée et corrompue."

Liberté ou libération, l'un ne sous-entend pas l'autre, s'excluant plutôt. Une fois libéré, est-on libre pour autant? Qu'est-ce que la liberté après ces massacres? Qu'est-ce que la honte après tant de misère humaine? Il fait oeuvre de philosophe, un nouvel Épictète qui veut la connaissance de cette liberté en lambeaux.

"Peut-être était-il écrit que, de même que la libération était née des douleurs de l'esclavage et de la guerre, la liberté devait naître des souffrances nouvelles et terribles, de cette peste apportée par la libération."

Adorno se demandait comment écrire après Auschwitz.
Malaparte envisage cette question par une autre interrogation: Mais pourquoi dire la honte?
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