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Excellent roman que Klaus Mann écrivit après avoir fui l'Allemagne où régnait désormais l'ordre nazi et son cortège de violences de tous ordres.

Ce roman décrit avec beaucoup de justesse la lente dégradation d'un individu, comédien talentueux certes, mais dont la faiblesse morale le conduit à se compromettre, sacrifiant son honneur à son ambition qui est d' occuper la première place sur les scènes de théâtre de son pays.

Reniant ses idéaux, ses amitiés au profit de sa réussite, il se livrera à ses adversaires pour atteindre le plus haut niveau de célébrité, et y perdra son âme, sachant cependant que tout pourrait basculer au moindre faux pas.

Klaus Mann s'est inspiré pour ce personnage, d'un comédien qu'il a bien connu, ce qui donne à ses descriptions, des accents de vérité incontestable.

Les personnages sont remarquablement dépeints, et l'atmosphère oppressante remarquablement rendue.

L'auteur dresse avec intelligence et finesse le tableau d'une époque cruelle et brutale, avec beaucoup de justesse, sans négliger l'humour pour se moquer de ceux qui sont à l'origine de son exil, et qu'il combattra jusqu'à leur chute.

Un très beau roman, qui fait réfléchir et dont la problématique reste d'actualité, la liberté de pensée et d'expression restant encore de nos jours en bute à de nombreuses difficultés de par le monde.
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Mephisto
Traduction : Louise Servicen

Le seul reproche que l'on pourrait faire à "Mephisto", c'est un début un poil trop lent même si la scène d'ouverture se situe à une réception donnée par Goering et son épouse, c'est-à-dire alors que Hendrik Höfgen est déjà devenu l'acteur du IIIème Reich.

D'un autre côté, cette lenteur s'allie bien avec ses débuts provinciaux et cette sensation d'enlisement dans la petite-bourgeoisie de province - son milieu natal - qui l'étouffe à un point tel qu'il est prêt à faire n'importe quoi pour prouver au monde qu'il s'en est sorti.

Le premier acte par lequel le futur comédien marque sa volonté d'en finir avec son enfance minable, c'est son changement de prénom. Il troque donc un "Heinz" tout ce qu'il y a de plus banal pour le très raffiné Hendrik, méprisant au passage la forme "Henrik" qui avait convenu à un Ibsen mais qu'il jugeait pour sa part trop plébéienne.

Maintenant, a-t-il du talent ? Oui, c'est indéniable. Ses pires ennemis eux-mêmes - et il s'en fait pas mal - ne le lui dénient pas. Sur scène, Hendrik Höfgen est un grand, voire un très grand. Seul bémol - qui ne retentit qu'à la fin, après la représentation d'"Hamlet" : il n'a pas cette grâce innée qui permet au comédien d' "être" tout et n'importe qui. Sa personnification du prince de Danemark est bonne, certes mais elle ne transcende rien : pour une fois, Hendrik Höfgen n'habite pas son personnage, Hamlet le fuit et le nargue car Hamlet n'est pas, ne sera jamais du côté des vainqueurs.

Autant qu'un réquisitoire implacable contre la lâcheté et le carriérisme, le "Mephisto" de Klaus Mann est aussi l'histoire d'une fascination amoureuse, celle que l'auteur éprouvait pour l'acteur Gustaf Gründsgen. Car, derrière "Mephisto", c'est bien son ancien amant que Mann met en scène. Il nous conte sa sexualité trouble, orientée vers le sado-masochisme, son impuissance vis à vis des femmes qui, pour lui, symbolisaient la Mère, sa soif d'arriver tout au haut de l'affiche, son désir de puissance et de reconnaissance, ses petites manies, son opportunisme sans vergogne et toutes ses traîtrises : envers ses camarades de scène, envers ses amis, envers son épouse légitime et même, par la réplique finale, celles, encore à venir, envers ses maîtres du moment.

Hendrik Höfgen est comme ça : une belle machine sans âme, simplement préoccupée d'elle-même, encore d'elle-même et toujours d'elle-même.

En toile de fond, les dernières années de la République de Weimar et l'arrivée au pouvoir des Nazis. de la démocratie corrompue qui agonise jusqu'à la dictature arrogante qui va prendre sa suite, Höfgen oscille entre des professions de foi plutôt à gauche et l'amitié du maréchal Goering qui le présentera au Führer. Mais le pire, c'est que, foncièrement, il n'a d'opinion sincère que sur lui-même. Les tourments politiques et sociaux, en fait, il s'en contrefiche - à condition toutefois qu'ils ne nuisent pas à son ascension sociale. C'est parce qu'il se sent menacé dans son confort - matériel et moral - que Höfgen se donne aux Nazis, non parce qu'il partage leurs idées sur la race ou le communisme. Cet homme qui, sur scène, est un sublime "Méphisto", se révèle, dans la vie, un petit bonhomme égocentrique qui traverse l'une des plus grandes tempêtes de l'Histoire sans pratiquement en avoir conscience.

Précis, littéraire et pourtant simple, parfois brillant, le style de Klaus Mann n'a pas, pour les digressions, l'amour qui caractérise celui de son père. Ses personnages sont moins "kolossaux" mais gagnent en complexité même si, bien entendu, le romancier se refuse à rendre subtils l'infernal trio des dirigeants nazis. Cà et là cependant, il nous laisse entendre que Goering (jamais appelé par son nom dans le roman mais toujours désigné sous le terme "l'Obèse" comme Goebbels est "le Boiteux") est bien plus intelligent et même bien plus ouvert qu'il ne veut le paraître.

Enfin, ce témoin privilégié rétablit L Histoire en toute innocence, bien avant qu'elle ne soit réécrite. Il nous donne en effet du peuple allemand aux prises avec le Nazisme un portrait dépourvu de tout manichéisme. Après avoir lu "Méphisto", on comprend mieux pourquoi, après la guerre, la RFA fit grise mine devant les ouvrages de Klaus Mann : ce qu'il dépeignait ne correspondait pas tout à fait à ce que les vainqueurs voulaient imposer comme seule et unique vision de l'Allemagne hitlérienne. S'il n'y avait que cela dans Méphisto", ce roman vaudrait déjà d'être lu. Mais on y trouve aussi le talent d'écorché vif et l'humanité d'un écrivain qui mérite au moins autant que son père d'être cité avec honneur dans l'Histoire de la Littérature mondiale. Lisez, vous ne serez pas déçu. ;o)
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Klaus Mann est beaucoup moins connu que son père, Thomas Mann.
Fils écrivain d'un père extrêmement connu, homosexuel dans une famille bourgeoise, Klaus Mann est un écrivain touchant, sensible et talentueux. D'abord gêné dans ses aspirations par la grande notoriété de son père, profondément attristé et révolté par le nazisme installé dans son pays, il fuit l'Allemagne dès 1933 pour les Pays-Bas, où il rejoint les autres exilés. Devenu soldat américain opposé à son pays d'origine, il se suicide en 1947 à Munich.

Mephisto est son meilleur roman. Se déployant sur fond d'Allemagne pré-nazie puis nazie, ce livre met en scène Hendrik Höfgen, comédien arriviste (réplique supposée de Gustav Gründgens, beau-frère détesté de Klaus Mann) dans une reprise intéressante du mythe de Faust.

Personnifiant Faust, Hendrik Höfgen est un talentueux comédien qui, d'abord naïf et optimiste, va peu à peu se laisser entraîner dans les sphères noires du nazisme pour pouvoir exercer son art en toute tranquillité. Dès le début, on remarque son goût pour le côté mauvais des choses, rien que par sa liaison avec la prostituée noire, qui satisfait ses désirs masochistes. Devenu directeur du théâtre national, à la fin, il n'a plus d'ami, sa femme ne l'aime pas, il est devenu paranoïaque et ressemble de plus en plus à un diable.

C'est un livre très intéressant, où Klaus Mann déverse tout son fiel envers le nazisme et tous ceux qui se sont vendus à lui. A lire !
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Mephisto de Klaus Mann est un très grand livre, mais pas un chef-d'oeuvre absolu. Pourquoi ?
Il s'agit d'un roman à charge où les partis pris de l'auteur sont trop clairement visibles : les deux grands dignitaires nazis n'y apparaissent que sous leurs sobriquets (l'Obèse, le Boiteux), la maîtresse du premier n'est guère qu'une mauvaise actrice. A certaines pages on quitte la trame narrative pour évoquer le sort des Allemands expatriés dont la lutte de certains contre le nazisme. Et j'en passe.

Cela dit, le livre contient des pages et des chapitres très forts. On ne sera pas près d'oublier Hendrik Höfgen dans ses prestations sur scène, notamment dans le rôle de Méphisto, où il se révèle un acteur hors-pair. Être pitoyable aussi, qui par veulerie et arrivisme tourne casaque quand change le vent et qui adore ce qu'il a brûlé : il renonce à sa maîtresse noire, se détache de sa femme, délaisse ses camarades d'antan. Prêt à toutes les compromissions, il finit par ne plus être qu'une marionnette dont le sort dépend du caprice de l'Obèse et qui pleure dans le giron de sa mère.

Bref, à force de vouloir gagner sa vie, il finit par perdre son âme.
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CR336 : Mephisto (1936) - Klaus Mann

Ce n'est jamais facile d'être le fils de son père surtout quand ce dernier s'appelle Thomas Mann, écrivain de génie allemand s'il en est. Mais ce n'est pas parce que son père était un génie que le jeune Klaus n'avait pas le droit d'écrire et c'est ce qu'il fit sans doute avec moins de talent que Thomas quoique la chose se discute.
Ce roman se déroule entre la fin des années 20 et les années qui suivent l'arrivée des nazis au pouvoir. Hendrik Höfgen est le comédien et metteur en scène de théâtre tragique le plus talentueux de sa génération. Il flirte parallèlement avec les milieux communistes dans une Allemagne où Adolf Hitler (jamais nommé) attire de plus en plus les foules. Hendrik ne croit pas en la capacité de ce clown à arriver au pouvoir. Il montre dans un premier temps déjà que la gloire l'intéresse plus que la qualité des oeuvres dans lesquelles il joue en signant dans une compagnie faisant dans le théâtre de boulevard. Il s'enfonce encore plus en devenant une sorte de ministre du théâtre sous Hitler. du fait de ses relations, on lui excuse ses amitiés socialistes.
L'arrivisme et la compromission de l'exigeant et bon Hendrik Höfgen montre à quel point il était difficile dans les années 30 de ne pas succomber aux sirènes national-socialistes. Klaus Mann, juif de son état s'est exilé aux Pays-Bas pour l'écriture de ce roman que sera bien sûr censuré en Allemagne.
Je ne crois pas avoir appris grand chose à la lecture de Mephisto mais une piqûre de rappel est nécessaire de temps en temps pour montrer combien l'homme peut être faible lorsque la gloire lui tend les bras.
Je crois bon de signaler que la chose est d'actualité quand on voit que l'extrême droite est aux portes du pouvoir en France (après avoir conquis d'autres pays d'Europe) dans l'indifférence la plus générale.

lecture : décembre 2018
Kindle, équivalent : 414 pages
note : 3.5/5
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Mephisto hante depuis toujours les coulisses du théâtre humain.
Il nous apparaît là dans les années 1930 en Allemagne et semble un bien petit joueur face à la capacité humaine à exacerber sa propre bassesse.
Un diable dépassé par l'horreur d'un "pauvre petit messie" au nom de führer et se déclenchera la bagatelle pour un massacre.
Les années ont passé et Mephisto a repris ses ouailles mais attention il reste tapis dans l'ombre à l'affût de toute demande de pacte de fureur.
(Bien sûr ceci est une fiction et toute ressemblance avec des personnages pouvant exister est impossible.)
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MEPHISTO résonne, tel un pamphlet, un ouvrage militant qui se lit avec jubilation tant il se gausse de l' inculture et de la fatuité des voyous et criminels parvenus au pouvoir sur fond de crise économique : le personnage central , Hendrik HOFGEN a été nommé par « l' obèse » ( en l' occurrence GOERING , président du conseil et général d' aviation ) administrateur du théâtre national de BERLIN
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