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EAN : 9782917094037
Le Vampire actif (09/10/2010)
4.79/5   7 notes
Résumé :
Dans un monde où le temps semble s’être mis au ralenti, une vieille originale, un chien parleur et un marquis extravagant se trouvent, par un curieux hasard, assemblés en une folle trinité. Trois solitudes qui, sans le savoir, se cousent les unes aux autres par l’entremise des langues qui les traversent, les pétrissent et les sacralisent malgré elles et qui empruntent des voies/voix surprenantes dans une recherche de l’autre à l’issue tout à fait inattendue… Au carr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
La vieille au buisson de roses de Lionel-Edouard Martin est une musique qui s'écrit en langue et se raisonne elle-même : sans arrêt et jusqu'à l'épuisement du sens saturé, débordant, fulgurant.
C'est pour moi, son plus grand texte en prose.

Lu à sa sortie, ( plusieurs fois), plongée dans la pureté de l'écriture, j'ai commencé à souligner les mots avec frénésie. Il arrive que les premières pages, voire les premières lignes, les premiers mots d'un roman vous sortent étrangement, soudainement de votre léthargie, vous bousculent, vous brûlent le corps, mettent votre pensée en effervescence. Si vous avez un crayon à la main, celui-ci dès lors va se déchaîner sur les pages...
Mon exemplaire de « La vieille » en porte les stigmates.
La veille au buisson de roses fait partie de ces romans dont la séduction fut immédiate, comme motivée à partir de vies vécues, d'expériences intérieures, du rapport aux autres.
Cette bouleversante trinité : La vieille, perdue, limpide et déchirante, « dans le noir à la messe, avec pas grand monde", " Monsieur de Cruid, marquis de", et "Diurc", le chien.

Mon crayon a ressenti ces secousses intérieures en dessinant "Diurc", en imaginant "Diurc" , dans la mesure où il est devenu un être de parole en saisissant pleinement la douleur, la recueillant dans les mots.
Marqueur impitoyable de mes sensations dont la lisibilité totale et directe peuvent se trouver dans la vie des gens de solitude.

"La vieille s'arrête parfois pour humer quelque chose : le chien, qui la précède, s'en rend compte, fait demi-tour, lui octroie sa présence, se frotte à ses jambes. Ils sont là, tous deux, comme une espèce de double vie bancroche dans l'humidité. Crus, tous deux, dans cette bouche végétale, mais la manducation ne touche que le sommet des arbres : plus bas, contre terre, ça suce, laisse fondre. La vieille et Diurc – deux bonbons dans cette bouche – à moins qu'hosties ? La vieille se voit déglutie par le sol, avec le chien, dans une grande mêlerie de leurs viandes ; pourtant : rien, ça procède, promenade mouillée, dure, sous les frondaisons, comme, à pas maigres, on va noyer des chatons dans une mare. Mais la vieille n'a pas de chat dans ses poches : juste, comme bête, Diurc qui court devant elle et revient la flairer, elle-même chemin, route, pour l'animal, avec des pissements à chacune des stations. Et le chemin fut long. C'est qu'on n'avait aucune perspective, que la vue était de tous côtés bornée par les taillis, qu'on ne voyait pas le ciel – des branches en voûtes, comme des mains fermées –, qu'on ne savait où l'on allait. Sans doute, aussi, le domaine était-il vaste, et devait s'étendre au loin sur des kilomètres : et avait-on pris seulement le bon itinéraire, celui qui menait tout bonnement au château ? Car château, bien sûr, il y avait, perdu dans ces bois, forcément un château posé dans ces bois, avec un noble, un duc, un baron, marquis ou comte – on s'y perdait –, pris dans les murs calcaires de la bâtisse comme l'huître ou la moule dans sa coquille, l'huître plutôt, supposément perlière ; et ça donne, cette tumeur de nacre, un léger défaut de prononciation, fait un tantinet zozoter le monsieur : car comment penser qu'il parle le langage ordinaire, qu'il n'a pas, dans sa bouche, le petit quelque chose qui le distingue d'autrui, du vulgaire qui vit dans la maison banale, et parle comme on parle ? Pas que le sang, bleu supposément, qui fait saigner une espèce de rupture parmi les autres hommes au sang rouge comme celui des bêtes, la volaille en premier : mais aussi la langue, qui doit être bleue comme est noir le gosier des chiens de race ; et la langue bleue, ce n'est pas une couleur, mais une manière de parler, comme moi je cause avec mes cheu cheu, mes yeu yeu."

Le livre vous déplace du lieu où vous êtes assis, vous souffle une bouffée de vertige, mais la lucidité revient tout de suite avec la musique et vous pouvez suivre la dissolution de votre opacité - dans les sons, le dénouement de votre sexualité, de vos sens, de votre corps, de votre chair, aveugles , organiques, meurtriers - dans un geste délié, coulant, lancé des corps à la langue.

Il faut donc lire, entendre, plonger dans la langue de Lionel-Edouard Martin, retrouver sa musique, ses gestes, sa danse, faire danser son temps, de l'histoire dans la réalité du vécu des petites gens, de leur quotidien simple, rempli le plus souvent de l'énergie de leurs silences.
Il y a quelque chose d'une plongée sous-marine dans le ventre de la Vieille , une violence spasmée mais indicible et sauvage.

Quel beau texte !

J'ai "musiqué" le roman comme on lit une partition de mots, inventive et intuitive, une oeuvre exigeante qui frappe par sa langue, ses rythmes, recherchant à chaque note, un absolu de dire.
Ce sont des mots qu'il faut vivre, lire et relire encore ; relire les personnages, les paysages, les arbres, les chemins, l'air, les saisons, la pierre, les buissons d'épines mêmes où les phrases se nouent, s'élèvent, se relèvent (comme La Vieille) et s'arrêtent.
Livre très émouvant, écrit dans une langue magnifique, dont on savoure avec bonheur les phrases comme le parfum des roses.

"La vieille" est une conquête du sens pulsé par la vie d'êtres presque minuscules, l'art brut de l'amour. le chant espéré d'un ange...
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Écrivain assez incompréhensiblement confidentiel, Lionel-Édouard Martin possède pourtant à son actif, avec "La vieille au buisson de roses" près de vingt ouvrages. L'ensemble de son oeuvre, qui s'inscrit aussi bien dans le registre de la poésie que du roman ou du récit, possède une impressionnante cohérence interne, mêlant des interrogations universelles sur l'humain,les éléments naturels, la place occupée par le langage (pierre angulaire de tous ses ouvrages)et la manière qu'il a de façonner les individus (et vice-versa) dans le cadre d'une parole ciselée, riche et musicale, véritable outil de construction de sa mythologie personnelle, empreinte d'influences littéraires solides (antiques, bibliques mais aussi contemporaines)et d'éléments autobiographiques qui ont modelé l'écrivain de talent qu'il est devenu... "La Vieille au buisson de roses" est peut-être aujourd'hui le texte qui réunit le plus fortement toutes les problématiques de son travail d'écrivain à travers une écriture magnifique et des personnages qui en portent toute la générosité. Un chef d'oeuvre.
A voir sur le site de l'éditeur, des extraits et des liens qui renvoient sur les articles parus sur l'ouvrage et sur une interview de l'auteur, véritable leçon de littérature : http://www.vampireactif.com/category/les-seditions/
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J'ai fait une première lecture de ce livre puis une seconde pour le plaisir des mots, pour en apprécier le fumet et la saveur.
D'abord, il y a la vieille et puis il y a le chien, Diurc. Ainsi est-il nommé par la vieille. La vieille elle, n'a pas de nom. Diurc c'est Duc. 
«La vieille a de la peine à dire certains mots. On ne sait d'où lui vient qu'elle prononce gamion camion et diurc duc. Elle déforme, gauchit la parole ; le patois local sans doute y est pour quelque chose, qui insuffle au français des sonorités nouvelles, l'empreint de son argile»

Diurc est un bâtard «d'une vaste laideur de chien déformé par les aléas de son existence» qui erre dans les rues de la ville haute où habite la vieille et se précipite dans ses jambes dès qu'elle sort. La nuit de Noël, elle a pitié et le laisse l'accompagner et s'installer chez elle.

Puis apparaît le troisième larron Olivier marquis de Cruid, qui vit retiré dans son domaine ne sortant que pour des courses au supermarché et l'achat de quelques livres de linguistique car Monsieur de Cruid s'intéresse «à la métaphysique du langage et veut savoir d'où vient que les hommes parlent». Les chiens aussi parlent, du moins Diurc.

Et ces trois-là, vont se trouver réunis par une lettre de la vieille au marquis dont elle prétend avoir accueilli Duc, son chien perdu. Ils vont aller à la rencontre les uns des autres mais leur lien c'est avant tout la langue, la manducation de la langue, la langue qui n'est pas étrangère au corps mais au contraire y est intimement mêlée, la langue qui est cri, rythme, la langue qui est en train de se perdre, de perdre en richesse.

Il y a des scènes inoubliables férocement drôles, comme la messe de minuit, violentes ou d'autres pleine de poésie comme la scène où le rosier pleure ses pétales sur la vieille en train de plumer le poulet qu'elle vient de tuer. Poésie mais avec une part inquiétante. Cette rose vivante apparaît comme menaçante «on aurait peine à voir ce qui, dans les soubresauts de la fleur, la travaille en trèfonds, comme elle engoule l'air doux, le lèche, le suce, et tellement le reçoit qu'elle tremble jusqu'aux moelles : et c'est, végétale, cette matière qui prend du pied jusqu'à la cime, s'ébroue comme une chienne au sortir de l'eau, libère sa sève.»

Au final ce conte, cruel parfois, est un grand déploiement de langue, une orgie de mots et de vie que je n'oublierai pas.

Encore un grand merci à Moustafette et la ruelle bleue pour m'avoir donné envie de découvrir ce livre et cet auteur.
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Un texte en forme de partition musicale, une symphonie de mots, une écriture magistrale qui mérite d'être portée à la connaissance du plus grand nombre, tant la lecture de ce extraordinaire ouvrage émeut avec la force qu'on ne rencontre que chez les plus grands.

4è de couverture :
"Dans un monde où le temps semble s'être mis au ralenti, une vieille originale, un chien parleur et un marquis extravagant se trouvent, par un curieux hasard, assemblés en une folle trinité. Trois solitudes qui, sans le savoir, se cousent les unes aux autres par l'entremise des langues qui les traversent, les pétrissent et les sacralisent malgré elles et qui empruntent des voies/voix surprenantes dans une recherche de l'autre à l'issue tout à fait inattendue… Au carrefour de plusieurs genres, La Vieille au buisson de roses orchestre la douloureuse quête existentielle de ses personnages, tout en articulant un jeu de piste littéraire jubilatoire où le lecteur, à l'aide d'un langage généreux, est mis en portée dans une musique, une pulsation du verbe lui permettant de savourer cette idée que « la littérature se fait dans la bouche », pour reprendre une formule chère à l'auteur ; littérature qui, dans ce texte, se mue en une invitation au voyage dans l'insolite champ/chant des mots/maux. La Vieille au buisson de roses ouvre une porte d'accès à l'oeuvre et à l'univers d'un écrivain qui, dans chacune de ses publications, confirme sa singularité"
Lien : http://www.vampireactif.com/..
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« Qu'est-ce que ce désir de vieille et de chien ? Cela a-t-il du sens ? » On peut effectivement se poser la question et au coeur de cette question (celle du sens, de la vieille et du chien), ce livre signé Lionel-Édouard Martin, La vieille au buisson de roses, troisième titré des éditions du Vampire Actif, tout à fait hypnotique, tout à fait singulier.
Je n'avais jamais lu Lionel-Édouard Martin, La vieille est mon premier. C'est un récit aux frontières, frontières des genres d'abord, on commence un point A, pour dévier lentement, presque imperceptiblement, vers un point B ailleurs, le texte en avançant aura fait déplacer la trame. Chaque partie (il y en a trois en tout) possède sa propre identité, les lignes se croisent. Aux frontières des langues, ensuite, de cet accent qui chuinte, de ce latin qui pue, de ces prononciations, de ces rythmes, qui trahissent l'identité de qui parle. Aux frontières du temps, enfin, récit ancré dans un passé figé, le lieu la campagne, l'époque cet « antan » dont on parle parfois, celui enfoui « en longue plongée dans mon enfance », comme l'explique le narrateur très discret de ce texte, en tout début du livre.

Venez voir comme on a aimé "la vieille" sur Culturopoing !
Lien : http://www.culturopoing.com/..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
On a froid, sous ces ramures à peine bourgeonnantes, tout est gorgé d’eau ; sous la terre, doivent ramper des ruisseaux dépourvus d’yeux et de reflets, tout au plus chichement peuplés de bêtes aveugles, crevettes de source, mollusques : et c’est ça qui sans doute fait racines, parce que ces bois semblent morts, immobiles, on n’entend rien. La vieille s’arrête parfois pour humer quelque chose : le chien, qui la précède, s’en rend compte, fait demi-tour, lui octroie sa présence, se frotte à ses jambes. Ils sont là, tous deux, comme une espèce de double vie bancroche dans l’humidité. Crus, tous deux, dans cette bouche végétale, mais la manducation ne touche que le sommet des arbres : plus bas, contre terre, ça suce, laisse fondre. La vieille et Diurc – deux bonbons dans cette bouche – à moins qu’hosties ? La vieille se voit déglutie par le sol, avec le chien, dans une grande mêlerie de leurs viandes ; pourtant : rien, ça procède, promenade mouillée, dure, sous les frondaisons, comme, à pas maigres, on va noyer des chatons dans une mare. Mais la vieille n’a pas de chat dans ses poches : juste, comme bête, Diurc qui court devant elle et revient la flairer, elle-même chemin, route, pour l’animal, avec des pissements à chacune des stations. Et le chemin fut long. C’est qu’on n’avait aucune perspective, que la vue était de tous côtés bornée par les taillis, qu’on ne voyait pas le ciel – des branches en voûtes, comme des mains fermées –, qu’on ne savait où l’on allait. Sans doute, aussi, le domaine était-il vaste, et devait s’étendre au loin sur des kilomètres : et avait-on pris seulement le bon itinéraire, celui qui menait tout bonnement au château ? Car château, bien sûr, il y avait, perdu dans ces bois, forcément un château posé dans ces bois, avec un noble, un duc, un baron, marquis ou comte – on s’y perdait –, pris dans les murs calcaires de la bâtisse comme l’huître ou la moule dans sa coquille, l’huître plutôt, supposément perlière ; et ça donne, cette tumeur de nacre, un léger défaut de prononciation, fait un tantinet zozoter le monsieur : car comment penser qu’il parle le langage ordinaire, qu’il n’a pas, dans sa bouche, le petit quelque chose qui le distingue d’autrui, du vulgaire qui vit dans la maison banale, et parle comme on parle ? Pas que le sang, bleu supposément, qui fait saigner une espèce de rupture parmi les autres hommes au sang rouge comme celui des bêtes, la volaille en premier : mais aussi la langue, qui doit être bleue comme est noir le gosier des chiens de race ; et la langue bleue, ce n’est pas une couleur, mais une manière de parler, comme moi je cause avec mes cheu cheu, mes yeu yeu.
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Son feu s"entretenait de beau bois, de boulets de charbon, c'est là qu'on était bien pour attendre la mort, près de la vraie flamme rouge, imprévisible et goinfre, un plaisir de lui voir mordre les rondins et le cul de la poêle invétérée, acafouie sur son rond de fonte.
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Mais il y a longtemps que c'est mort, tout ça, que les vieilles langues ne s'entendent plus dans les campagnes, pas plus que le latin dans les églises, et que le monde, petit à petit, maçonne sa coquille à coups d'absurde, muette et sourde uniformité.
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Ce sont des mots dans leur première fleur, un composé de blancheur et d'innocence. Quand on les a sur la langue, on a l'impression de sucer un lait tiède qu'on laisserait doucement couler : une libation de paroles.
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Vidéo de Lionel-Edouard Martin
Lionel-Édouard Martin - Mousseline et ses doubles .Lionel-Édouard Martin vous présente son ouvrage "Mousseline et ses doubles" aux éditions du Sonneur. Rentrée littéraire 2014. http://www.mollat.com/livres/martin-lionel-edouard-mousseline-ses-doubles-9782916136769.html Notes de Musique : ?Peas Corps? (by Podington Bear). Free Music Archive.
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