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EAN : 9782379331961
350 pages
Passes Composes (04/09/2019)
4.26/5   17 notes
Résumé :
L’histoire des cinq siècles de l’Empire islamique, de la mort du Prophète en 632 à l’éviction des Arabes des structures de pouvoir et à l’émergence des sultanats turcs au XIe siècle, en passant par les conquêtes, la mise en place du califat, l’éclosion et la chute des dynasties abbasside, omeyyade ou fatimide, tel est le propos de Gabriel Martinez-Gros. Mais pour éviter le biais d’une histoire de l’Islam vue d’Occident ou l’essor de l’un est inévitablement le décl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Que savons-nous de l'Empire islamique, à part que sa progression à l'ouest fut interrompue en 732 près de Poitiers ? On nous a abreuvés pendant nos études de l'hégémonie romaine ... Mais rien ou presque sur cet immense empire étendu des confins de la Chine au sud de l'Espagne.

Voici un livre bref, mais captivant et d'accès facile, fondé sur les écrits de l'immense philosophe, juriste et historien arabe du 14ème siècle Ibn Khaldûn. Il faut s'accrocher - c'est un travail d'universitaire - qui nous apprend à regarder l'histoire sous un autre angle, comme le faisait ce grand intellectuel, plus proche de la sociologie que de la chronologie.

J'emprunte à la présentation d'un autre ouvrage de Gabriel Martinez-Gros (né en 1950), professeur d'histoire du monde musulman à l'Université de Nanterre (Brève histoire des empires) ces lignes qui s'appliquent parfaitement à celui-ci : « Cette lecture audacieuse, qui place en son coeur les questions de la violence et de la paix, qui oppose le centre pacifique de l'empire et ses marges violentes, est inspirée de la pensée d'un grand théoricien de l'Etat et de l'Islam médiéval qui vécut au XIVe siècle, Ibn Khaldûn. Cette pensée universelle, d'une portée équivalente à celle de Marx ou de Tocqueville, l'une des seules sans doute qui ne soit pas née en Occident, est plus qu'un fil rouge ».

Ibn Khaldûn, né à Tunis en 1332 et mort au Caire en 1406, est l'auteur d'une Histoire universelle en sept volumes dont la thèse centrale est l'opposition entre sédentaires et bédouins, les premiers sous contrôle de l'Etat et soumis à l'impôt et les autres hors de contrôle. Car selon Ibn Khaldûn, l'Etat est d'abord caractérisé par sa fonction fiscale. Par définition, le cercle dirigeant est issu du monde des tribus bédouines. Il est étranger aux populations sédentaires qu'il domine et exploite. Mais devenu roi, le chef tribal désarme sa propre tribu devenue obstacle à la perception de l'impôt … ce qui lui permet de payer des mercenaires extérieurs - donc des marges - pour se défendre ou entreprendre de nouvelles conquêtes, nécessaires à l'accroissement de ses revenus.

C'est une grille de lecture qui s'applique aussi à Alexandre le Grand … qualifié d'envahisseur « bédouin ». Une autre perception de l'Empire islamique, où les dynasties se consolident dans la première génération de leur existence, atteignent leur floraison dans la deuxième, vieillissent et agonisent dans la dernière, avant d'être renversées par un nouveau chef, inaugurant un nouveau cycle. Autant de "vies " : la première est celle des Arabes (660 - 780), dans la deuxième vie (780 - 900), le califat se sépare de la guerre et de la religion, la troisième (900 - 1020) voit l'essor de l'Occident musulman, la quatrième (1020 - 1100) est celle des peuples nouveaux.

Selon Ibn Khaldûn, la violence vient des marges, les tribus bédouines entrent dans l'histoire lorsqu'elles prennent possession d'un territoire sédentaire. Mais l'arrêt des conquêtes se traduit par un retour de la violence au centre de l'Empire après les échecs devant Constantinople et Poitiers. Au 11ème siècle, avec la séparation entre sultanat et califat, donc entre le politique et le religieux, le fossé se creuse et se double de divergences ethniques (Arabes/Persans versus Turcs) et culturelles : les Seldjoukides choisissent le persan comme langue d'Etat mais la pratique du droit et de la foi maintient l'arabe.

Enfin aussi, une explication argumentée des différences entre sunnisme et chiisme, au-delà de la rivalité entre les deux branches de la famille du Prophète.

Après la mort du Prophète, rivalités, guerres civiles, assassinats, massacres, califats opposés, retraits d'allégeances, hégémonie turque et berbère, expansion franque, ravages de la peste : la période racontée par Ibn Khaldûn est particulièrement mouvementée.

Au-delà de l'histoire des différentes dynasties qui se succèdent et s'affrontent, on évoque naturellement le parallèle avec ce que nous observons aujourd'hui dans les tentatives de prise de contrôle par des groupes armés extérieurs de villes sédentaires et même d'états représentant une masse fiscale importante.

« L'Histoire ne se répète pas, elle bégaie », a-t-on fait dire à un certain Marx.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Martinez-Gros Gabriel – "L'empire islamique VIIe-XIe siècle" – Ed Passés composés / Humensis, 2019 (ISBN 978-2-3793-3196-1)
– format 22x15cm, 336p.
– Annexes : planches de cartes entre les pages 168 et 169, présentation synthétique des principaux personnages et lieux pp. 269-281, lexique pp. 283-289, notes complémentaires réparties par chapitre pp. 290-316, bibliographie pp. 317-320, index des lieux et des personnes pp. 321-329, table des matières détaillée pp. 331-335.

Un ouvrage tout à la fois original, complexe et cependant facile d'accès en raison de sa clarté d'écriture, ce qui est rarissime. Comme le résume la dernière phrase de la quatrième de couverture, ce livre combine subtilement trois niveaux de réflexion.

Le premier niveau est contenu dans le titre : l'auteur expose ici une histoire du monde islamique au cours de ces siècles où il se met en place, du septième au onzième de notre mode chrétien de datation, avec la succession de l'expansion musulmane arabe portant le message du Prophète, bientôt relayée par l'empire "irano-sémitique" à dominante persane, pour finir subjugué par l'invasion turque et refoulé à l'Ouest par les royaumes francs et les débuts de la "reconquista" espagnole.

Le deuxième niveau réside dans l'originalité du point de vue adopté : l'auteur s'appuie sur l'oeuvre d'un historien musulman, Ibn Khaldûn (né à Tunis en 1332-mort en 1406 au Caire) dont la démarche s'appuie sur une périodisation méthodique clairement affichée.
Pour lui en effet, l'histoire du monde islamique s'organise en une succession de périodes d'environ cent vingt ans, soit trois générations humaines :
- la première génération – nomade, bédouine, guerrière – se livre à la conquête par la violence d'empires déjà existants (empire byzantin, empire perse) ;
- la deuxième génération se coule dans le moule de l'empire conquis, se sédentarise, s'urbanise et fait appel à d'autres tribus pour assurer sa sécurité ;
- la troisième génération s'avère incapable de maintenir son héritage et se fait submerger par ces tribus appelées en renfort, qui elles mêmes vont connaître la même évolution.
Ainsi se succèdent les dominations arabe, puis iranienne-persane (califat), puis turque (sultanat), reléguant progressivement la souche arabe au rôle de gardien de la religion (la branche sunnite s'opposant peu à peu à la branche chiite d'abord dominante).
Le lecteur voit se dessiner une histoire du monde musulman échappant à l'européocentrisme habituel, les croisades, les royaumes francs de Sicile et du Maghreb ainsi que les débuts de la Reconquista espagnole ou la chute du royaume du Ghana sont replacés dans le contexte de l'époque tel qu'il est vu par un musulman.

Troisième niveau enfin, l'auteur produit une réflexion sur la façon même d'écrire l'histoire, par laquelle il ouvre l'ouvrage dès l'introduction et les trois premiers chapitres. Dans sa conclusion, il n'hésite pas à dresser des parallèles avec le monde d'aujourd'hui...

Cet ouvrage passionnant est de surcroît rendu fort maniable grâce à ses nombreuses annexes : planches de cartes, présentation synthétique des principaux personnages et lieux, lexique, notes complémentaires, bibliographie, index des lieux et des personnes, table des matières détaillée en font un ouvrage de référence.

Un livre à lire, à consulter, à offrir.
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Gabriel Martinez-Gros, historien spécialiste de l'Islam médiéval, introduit sa monographie par un constat : la prétention de l'Occident à l'universalité de sa civilisation a imposé depuis deux siècles une lecture particulière de l'Histoire, où l'examen du passé n'a d'autre but que d'expliquer le cheminement vers le modèle occidental, appelé à éclairer le monde par ses promesses de progrès infini.
Ainsi, pendant longtemps, le monde islamique n'a été étudié que pour mieux expliquer son déclin, qui aurait coïncidé par un effet de balancier avec le réveil de l'Europe.
Pour écrire une autre histoire de l'Islam, l'auteur a voulu sortir de cette idéologie et chercher une grille de lecture inédite, celle du plus grand historien musulman du Moyen Âge, Ibn Khaldoun (1332-1406).
Gabriel Martinez-Gros examine ainsi les quatre premiers siècles de l'histoire islamique à travers le regard et la pensée de cet historien célèbre, et notamment de ses concepts sur la naissance et la chute des empires.
Voilà donc un ouvrage stimulant mais en même temps assez exigeant.
Petit point négatif : au-delà de l'histoire politique de l'empire islamique, le livre aurait gagné à donner quelques détails sur la culture et la civilisation née de cet empire, dont on sait qu'elle fut florissante.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le sunnisme n’est pas plus bédouin que le shiisme, il est au contraire le stade ultime de la sédentarité. Il atteint son but dernier avec ce que nous avons nommé le "pacte sunnite", la séparation dogmatique et ethnique de ceux qui gouvernent l’État et de ceux qui gèrent la religion du quotidien. À la différence du shiisme, attentif aux décisions de l’iman ou de ses interprètes, le sunnisme ne fait pas profession d’obéissance à l’État, comme on le dit souvent, mais bien obligation d’indifférence à l’égard de ceux qui ont le sabre à la main. Qu’ils soient turcs ne diminue en rien leur légitimité, puisqu’ils n’en ont par définition aucune. (…) Le sunnisme ne goûte dans l’État que sa faiblesse. Ses "réformateurs" armés finissent toujours par l’indisposer, parce qu’ils prétendent restaurer, entre l’État et la religion, une unité de vue que tout projet sunnite vise à briser.
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Vidéo de Gabriel Martinez-Gros
“Les Religions naissent de la poussière des Empires” - entretien avec Gabriel Martinez-Gros
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