Quand l'immense historien de
la révolution française revient sur l'histoire de la petite soeur russe, on peut être certain que c'est rigoureux. Quelques uns diront, que ce n'est pas neutre, parce qu'Albert Mathiez avait des convictions politiques. Ceux-là oublieront évidemment de vous dire pour quelle écurie ils courent (et pour cause, leurs couleurs sont souvent bien peu reluisantes). Albert Mathiez est communiste. Il fait de l'histoire, pas de la propagande (lui). C'est passionnant et ça remplit son office : nous renseigner sur les mécanismes à l'oeuvre (même si le propos est ici assez rapide), en l'espèce, que ces deux révolutions, française et russe, présentaient le point commun d'être non pas des coups d'État comme aime à faire croire la propagande qui se targue d'être de l'histoire (Cf. Furet, Courtois et compagnie), mais avant tout des mouvements populaires.
« On se trompe ou on essaie de tromper quand on représente le gouvernement bolcheviste, après le gouvernement jacobin, comme une construction artificielle, sortie à coups de prikazes (en russe, loi, ordonnance) et de décrets du cerveau de quelques illuminés ou de quelques ambitieux. La réalité est tout autre. Les bolchevistes n'ont pas créé les soviets qui existaient avant leur accession au pouvoir. Les soldats russes n'avaient pas attendu Brest-Litovsk pour faire la paix avec les Allemands [Mathiez fait référence aux scènes de fraternisation qui eurent lieu sur le front, entre soldats russes et allemands au printemps 1917]. Les moujiks n'ont pas attendu davantage le prikaze du 25 octobre 1917 pour se mettre en possession des terres des moines et des seigneurs. Dans les usines les ouvriers s'étaient déjà organisés en comités d'exploitation avant que
Lénine ait réussi son coup de force […] Jacobins et bolchevistes sont emportés par un courant plus fort qu'eux-mêmes. Ces dictateurs obéissent à leurs troupes pour pouvoir les commander. »