Une vie fut un de mes premiers coups de coeur littéraires, une déflagration par la noirceur et la pesanteur du réalisme du désespoir. J'étais alors jeune collégien, puis j'ai lu quelques nouvelles, parmi les plus connues :
le Horla,
Boule de suif... sans jamais revenir à
Maupassant, jusqu'alors.
Et
Bel-Ami m'a rappelé au génie de l'auteur, à y sentir le disciple de
Flaubert et toute la puissance littéraire, évocatrice, qui fut la sienne.
Un ouvrage pessimiste, cruel et désenchanté. Georges Duroy est un arriviste, prêt à tout pour satisfaire ses ambitions, qui vont naturellement s'accroître à mesure de son ascension sociale. Pour
lui, les femmes ne sont qu'un marche-pied vers un succès futur. Il joue de sa séduction avec froideur, calcul, et en même temps une forme de candeur, de celle de l'imbécile maladroit qui n'a pas les codes des sphères qu'il veut conquérir.
C'est le triomphe du cynisme sous couvert de badineries. On peut penser aux Liaisons dangereuses, sans le lyrisme chatoyant
De Laclos, ou à un Loup de Wall Street dix-neuvièmiste.
Le style
De Maupassant est prenant, et aussi glaçant par son propos et la manière naturelle avec laquelle il développe sa critique subtile d'une société qui doit le débecter, en cela il laisse parler le personnage du poète, certainement à son compte, procédé connu de liberté de parole, comme peuvent être les fous chez
Shakespeare.
Bref, un très grand livre, qui ne laisse pas indifférent, à tous niveaux.