Quelle oeuvre célèbre commence par une phrase aussi lapidaire ? Le jour de son arrivée, le thermomètre atteignit trente-deux degrés centigrades. Percutant, non ? Vous ne reconnaissez pas ? Je provoquai l'hilarité de mes amies de Newnham qui étudiaient la littérature anglaise quand je leur affirmai que La vallée des poupées valait bien n'importe quel roman de Jane Austen. Elles s'esclaffèrent, et se payèrent ma tête pendant des mois. Or elles n'avaient jamais lu une ligne des oeuvres de Jacqueline Susann. Mais quelle importance ? Qui s'intéressait à l'avis incompétent d'une mathématicienne ratée ? Pas moi ni mes amies. A cet égard, au moins, j'étais libre.
L'évocation de mes habitudes de lecture durant mes années de licence n'est pas une digression. Je dois à ces livres ma carrière dans le renseignement.
D'après lui, il n'était pas si rare, pour un service de renseignements, de promouvoir la culture et de soutenir les intellectuels qui le méritaient. Les Russes le faisaient bien, alors pourquoi pas nous ? C'était la version douce de la guerre froide.
Par-dessus le fracas iambique du train (et qui donc m'avait appris ce mot ?) j'entendais Tom déclamer son propre texte.
Il jubilait à la perspective d'apporter dans une nouvelle le paradoxe du choix pondéré.
J'expliquais que je n'aimais pas les tours de passe-passe, que je préférais voir la vie telle que je la connaissais recréée sur la page. Il rétorqua qu'il était impossible de recréer la vie sur la page sans tours de passe-passe.
Le Royaume-Uni avait succombé à l'akasia - en grec, la tendance à agir en dépit du bon sens, me rappela Tony. (Je n'avais donc pas lu le Protagoras de Platon ?) Un terme utile. Je le stocke dans ma mémoire.
J'appris que, depuis le XVIe siècle, la politique anglaise, puis britannique, en Europe, se fondait sur une recherche de l'équilibre des pouvoirs.
Livrée à moi-même, j'aurais choisi de préparer une simple licence d'anglais dans une université provinciale très au nord ou très à l'ouest de chez moi. J'adorais lire des romans – je pouvais en terminer deux ou trois par semaine – , et faire cela pendant trois ans m'aurait parfaitement convenu. Cependant je passais plus ou moins, à l'époque, pour une erreur de la nature : une fille douée en maths. Cette discipline ne m'intéressait pas, j'y prenais peu de plaisir, mais j'aimais être la première sans trop me fatiguer.
Mes paroles auraient d'autant plus de pouvoir qu'elles ne seraient pas diluées .
La lecture est un moyen de ne pas penser aux Maths . Plus que cela ( ou bien moins que cela ) c'est un moyen de ne pas penser du tout .