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Olivier Mannoni (Traducteur)
EAN : 9782378561949
512 pages
Verdier (01/02/2024)
3.36/5   37 notes
Résumé :
La capitale, c'est Bruxelles. Un cochon agressif se retrouve près de la place de la Bourse, un homme est tué par balle dans le même quartier, un homme qui travaille à la Commission européenne est témoin du bruit du coup de feu. Tous ces protagonistes participent à ce récit entremêlé où les personnages se croisent sans cesse.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Ce roman foisonnant et très riche a pour cadre principal Bruxelles, la capitale de l'Union européenne et met en scène de nombreux personnages dans des fils narratifs relativement indépendants les uns des autres. Au cours d'un prologue assez loufoque, les protagonistes principaux sont présentés et ont pour point commun de tous croiser la route d'un cochon en liberté dans les rues de Bruxelles.

Les fonctionnaires européens forment le groupe le plus important de personnages avec notamment la chyprio-grecque Fenia Xenopoulou et son collaborateur dépressif l'Autrichien Martin Susman. Noter l'emploi de la racine Xeno , qui veut dire ‘etranger' en grec et qui fait écho à la question de l'identité de celle qui porte ce nom et plus généralement de l'identité européenne, thème important du roman. On croise ensuite l'étrange Mateusz Oswiecki, un religieux polonais venu remplir une mission de l'ombre dans la capitale belge et que l'on suit dans sa fuite vers son pays natal. Avec ce dernier, le commissaire de police belge Brunfaut, imprégné des valeurs de résistance, complète le volet Espionnage du roman. L'ancien professeur de Vriend, juif rescapé des camps de la mort, et pensionnaire d'une maison de retraite ainsi que le professeur autrichien Alois Erhart, fils de sympathisants nazis, venu à Bruxelles participer aux travaux d'un Think Tank, sont les deux autres personnages importants du roman.

Ce foisonnement de personnages et de récits qui en découle est utilisé par Menasse pour montrer le double caractère de notre monde : fait d'éléments disparates et de confettis qui néanmoins finissent par former un tout qui a une apparence de relative cohérence. Menasse donne d'ailleurs à chacun de ses chapitres des titres assez longs qui sont des sources de réflexion par eux-mêmes. Je ne donnerai à titre d'exemple que le titre du premier chapitre : ‘il n'est pas obligatoire qu'il existe des liens entre les choses, mais sans eux tout se désagrégerait'. Menasse nous décrit un monde fait d'intrications plus ou moins ténues entre les choses et notamment entre les différentes strates du temps.

Il me semble qu'avec ce roman, le premier de lui que je lis, Menasse s'inscrit dans la continuité de se glorieux prédécesseurs autrichiens : Hermann Broch et Les Somnambules , Robert Musil et L'homme sans qualités. Broch et Musil ont connu la désagrégation de l'Empire austro-hongrois. Il y a dans le roman de Menasse une ambition de décrire l'Europe dans sa situation actuelle et aussi dans ses racines historiques proches, et au-delà de soulever des questions qui me semblent importantes et qui tournent autour des notions d'identité, d'histoire, de mémoire, d'oubli, de mort, de vivre ensemble. le traumatisme de la seconde guerre mondiale et de la Shoah revient souvent dans le roman. Et au travers de la vie de certains personnages et notamment celle du vieux de Vriend atteint de la maladie d'Alzeimer, Menasse pointe du doigt le danger de l'oubli. L'Union Européenne s'est construite sur les décombres de la guerre avec la volonté de ses leaders de ne plus jamais revivre cela. La génération actuellement au pouvoir n'a pas connu la guerre et le risque est grand d'oublier les principes fondateurs d'une union qui a donné à l'Europe occidentale sa plus grande période de paix.

Au-delà de sa réflexion sur l'Europe, Menasse a le don d'exploiter les scènes de la vie quotidienne pour donner une vision très riche de la société et du monde actuels. L'épisode où Martin Susman part acheter des sous-vêtements par exemple est l'occasion , si on y prête bien attention, de voir un tas de caractéristiques de notre monde d'aujourd'hui : les idées toutes faites qu'ont les gens sur les habitants des pays voisins, l'impact des normes sur la vie quotidienne, la prise en compte de la souffrance animale, la façon dont le commerce s'organise… L'épisode anodin où un fonctionnaire européen part en déplacement à Doha est l'occasion de dénoncer l'absurdité du recours exagéré à la climatisation et par là de dénoncer les excès et les disfonctionnements du monde d'aujourd'hui. le monde du travail et de la bureaucratie est bien rendu par les nombreuses scènes qui ont pour cadre les bureaux de l'administration européenne.

Le roman est long et dense. Il n'est donc pas possible d'en faire ressortir les multiples facettes. C'est d'ailleurs la seule réserve que j'apporte au roman : la mise en avant des idées prend parfois le pas sur le contenu purement littéraire du livre.
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Travaillant à Bruxelles, dans le milieu des institutions européennes, j'ai remarqué lors de ces derniers mois que "la capitale" commençait à se faire un nom dans notre capitale européenne. Vu le peu de livres, ou films décrivant tant Bruxelles comme la politique européenne j'ai commencé ce livre avec grande avidité. Si vous pensez trouver un house of cards, à la sauce Commission européenne, détrompez-vous. Les critiques semblent très positives mais moi je suis énormément resté sur ma faim, et j'ai carrément eu l'impression de perdre mon temps, étant très content d'arriver à la dernière page de ce livre pour enfin le renfermer. J'ai trouvé que les histoires des différents personnages partaient dans tous les sens, attendant en vain une connexion commune qui fasse sens. L'histoire de cochon et de meurtre me semble très artificielle et l'objectif de l'auteur est assez dur à comprendre (j'ai repéré dans d'autres critiques que je ne suis pas le seul à avoir cette impression). Il est vrai que j'ai tout de même apprécié la description de certains aspects du travail des fonctionnaires, ou l'on retrouve des vérités sur l'absurdité des processus bureaucratiques. Mais il aurait été souhaitable d'aller plus en profondeur dans le cynisme si possible. Si quelques endroits de Bruxelles sont décrits (centre, quartier européen), l'auteur ne fait pas assez vivre le reste de la ville, qui regorge d'ambiances et de personnages formidables, surprenants et souvent chaotiques.
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Roman multiple, à plusieurs étages, foisonnant… c'est comme vous voulez.

Mais c'est surtout plusieurs angles de vue sur Bruxelles et sa ‘bubble', c'est-à-dire la bulle européenne à l'intérieur de Bruxelles, une sorte de ghetto ; oui un ghetto où la plupart des protagonistes n'ont pas jugé nécessaire d'apprendre une des langues nationales de Belgique.

Un fil conducteur ? oui un cochon. Dans l'antre du surréalisme, c'est bien trouvé.

En fait le vrai fil conducteur est peut-être le pourquoi de l'Union européenne et les risques de son ébranlement. Née sur les décombres de la guerre – « plus jamais ça ». Mais qu'est-ce ça ? Pourquoi Auschwitz et pas d'autres camps ? Et les nationalismes actuels ? Et les fonctionnaires européens qui sont plus mus par leur propre ambition que par l'intérêt commun ? Et la police belge qui se désintéresse du cochon tant que la presse ne s'en mêle pas ? Et les think tanks ? Et Alzheimer ?

Ce sont ces multiples facettes qui forment ce roman dense. Livre qui ne donne pas une mais plusieurs réponses, sans préciser à quelle question.

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » disait Lavoisier, qui lui-même s'inspirait de Anaxagore de Clazomènes : « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau. »

Plus une réflexion sociologique qu'un roman, à qui il manque une trame tangible et du rythme.

Dans tous les cas, à découvrir.
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Une critique pleine d'humour du fonctionnement des institutions de l'union européenne. A travers le quotidien de quelques fonctionnaires européens, l'auteur d'écrit les mille et uns petits travers de chacun et des institutions dans lesquelles ils travaillent. Toutefois malgré l'enquête pour decouvrir l'assassin d'un mystérieux cadavre qui a disparu et les péripéties de cet assasin en Europe de l'Est, l'ensemble manque un peu de rythme.
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En ce mois de mai que viendront clore les élections européennes, je vous propose de découvrir un roman où l'Europe et la ville de Bruxelles jouent un rôle prépondérant : La capitale de Robert Menasse, pour lequel l'auteur fut récompensé en 2017 par le « Deutscher Buchpreis », un prix littéraire couronnant lors du salon du livre de Francfort le meilleur livre de langue allemande de l'année.

Écrivain autrichien né en 1954, Robert Menasse est à la fois traducteur (du portugais vers l'allemand) et auteur. Déjà lauréat du Prix du livre européen en 2015 pour « Un messager pour l'Europe : plaidoyer contre les nationalismes », l'Europe tient donc un rôle essentiel dans son oeuvre.

Dans « La capitale », tout commence de façon assez surprenante par un cochon se promenant en liberté dans les rues du centre-ville de Bruxelles, effrayant les passants. Une occasion pour Menasse pour introduire les personnages principaux du roman, tous témoins de cette scène surréaliste ; et aussi d'instiller un humour qui accompagnera le lecteur tout au long de sa lecture. S'y ajoute un meurtre commis dans un hôtel et qui lui confère un côté « thriller ».

L'histoire met principalement en scène des fonctionnaires de la Commission Européenne, chargés d'améliorer l'image de cette dernière à travers un projet nommé « Big Jubilee Project ». On pénètre ainsi dans les arcanes de la Commission, où la culture ne semble pas bénéficier d'un grand prestige (proportionnel au faible budget), contrairement au commerce et à l'agriculture. Martin Susman, un des fonctionnaires, a l'idée de mettre en avant des survivants du camp d'Auschwitz lors de ce Jubilé, afin de revenir aux sources du projet européen. Robert Menasse offre une vision assez critique de certains personnages, comme sa chef Fenia Xenopoulou, toute déniée à son travail mais qui vit très mal son affectation à la culture et veut utiliser le succès du projet pour revenir à la Direction du Commerce, ou encore ce qu'il appelle les « salamandres ».

A côté de ces fonctionnaires, on suit l'enquête du commissaire Brunfaut sur le meurtre de l'hôtel Atlas, la participation d'un professeur d'université à la retraite à la réunion d'un « think tank » européen, ou encore l'un des derniers survivants du camp d'Auschwitz. J'avais lu sur ce livre qu'il était « foisonnant », et je ne peux trouver meilleur adjectif pour le caractériser. On suit les parcours des différents personnages (qui se croisent sans se rencontrer dans différents lieux de la capitale), le développement de préparation du Jubilé. D'un côté, on assiste à des luttes d'influence, on a l'impression que l'Europe devient un terrain d'opposition entre des personnes et des Etats Nations plutôt qu'un projet commun. A titre d'exemple, des négociations bilatérales sont entreprises avec la Chine par certains pays pour exporter de la viande de porc (et oui, le cochon est très présent dans ce livre), au détriment de l'unité européenne. de l'autre, on sent bien l'appel de Menasse à dépasser cette Europe uniquement « marché commun » pour revenir à l'essence du projet européen : la collaboration et la paix, symbolisé par la phrase « Plus jamais Auschwitz ».

Ainsi, quand un « think tank » européen n'est pas capable d'imaginer une seule idée neuve pour faire avancer l'Europe, c'est le professeur Erhard, vers la fin du roman, qui plaide pour une Europe dépassant les frontières, avec une nouvelle capitale européenne.

En résumé, de l'humour, de l'intelligence, et une réelle invitation à la réflexion sur le projet européen caractérisent ce livre.
Lien : https://evabouquine.wordpres..
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
18 janvier 2019
Avec La capitale, Robert Menasse a réalisé le premier roman où les héros sont les eurocrates et Bruxelles. Un livre choral, drôle et satirique, mais qui est aussi une réflexion sur l’avenir menacé de l’Europe.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeMonde
06 janvier 2019
Dans une fiction bruxelloise engagée et drôle, l’écrivain autrichien s’alarme pour l’Europe.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
...cet échelon du pouvoir (...) était dominé par les "énarques", les diplômés des usines à cadres du type de l'Ecole Nationale d'Administration, des hommes très minces portant des costumes discrets et pas trop chers, ascétiques en tous points et capables de négocier pendant des heures et des nuits entières. Ils semblaient n'avoir pratiquement pas besoin de nourriture ni de sommeil, ils étaient avares de leurs mots et de leurs gestes, ils évitaient d'entretenir l'hyperglycémie de leur âme avec le sucre de l'empathie, ils n'avaient pas besoin de public, le métabolisme de l'intérieur du pouvoir leur suffisait, ils avaient renoncé aux pompes de l'apparence.
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Il avait tout de même des souvenirs. Ils s’imposaient à lui. Dans sa mémoire, des noms brillaient, il voyait des visages, il entendait des intonations, il voyait des yeux sombres, des gestes et des mouvements, et il sentait la faim, ce hache-paille de la vie, qui dévore la graisse du corps, puis broie les muscles, puis l’âme que l’on découvre seulement, pour peu qu’on la découvre, au moment où la faim est devenue une métaphore : la faim de vivre. Il la sentait, cette faim, à présent, plus aussi forte, mais il la sentait, et il voulait établir cette liste, noter avec qui il avait partagé cette faim et…
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Le XXème siècle aurait dû être la transformation de l'économie nationale du XIXème siècle en économie de l'humanité du XXIème siècle. Ce mouvement a été empêché de manière tellement atroce et criminelle que la nostalgie de ce processus a ressuscitée, encore plus pressante. Mais elle ne l’a fait que dans la conscience d'une petite élite politique dont les successeurs ont vite oublié deux éléments: l'énergie criminelle du nationalisme et les conséquences que l'on avait déjà tirées de cette expérience. (p.290)
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Voilà, et maintenant imaginez un organisme, les poumons sévèrement atteints par le tabagisme, le foie par les excès d’alcool, l’estomac par la chimie alimentaire, et votre rôle est de désintoxiquer tout cela – et d’écrire les discours dans lesquels la bouche annonce que tout va pour le mieux dans la mesure où l’on produit les plus grands efforts pour assurer un meilleur fonctionnement de l’organisme, par exemple en amputant tous les doigts pour éviter qu’on se ronge les doigts.
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Qu’elle est sereine, la vie, quand c’est là où l’on ne s’attend nullement à tout comprendre que l’on est confronté à l’incompréhensible. (p. 13)
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