A mon grand bonheur, les éditions Verdier ont eu l'heureuse idée de publier le roman
Stern 111 qui est sorti en Allemagne en 2020. Son auteur,
Lutz Seiler, est un écrivain allemand bien connu dans son pays natal, suite à la publication de son premier roman
Kruso en 2014, qui a d'ailleurs recu le Prix du Livre allemand.
Le roman débute avec Carl Bischoff qui rejoint ses parents à Gera – ces derniers veulent profiter de l'ouverture inattendue des frontières et, comme la situation politique reste imprévisible, ils prennent une décision rapide : partir à l'ouest et laisser la garde de la maison à leur fils Carl. Maman a pensé à tout, les enveloppes avec de l'argent et même les bocaux sont prêts et Carl n'aura donc aucun souci à se faire.
Carl, alors âgé de 26 ans, n'ayant aucune nouvelle de ses parents, s'impatiente et quitte finalement son poste de gardien pour partir à Berlin. Par un jeu de circonstances, ses pas l'amèneront dans des groupes qui occupaient (ou habitaient comme ils disaient) des appartements ou immeubles entiers inhabités.
Avec Carl, on parcourt Berlin dans sa shiguli, on adhère à un mouvement qui rêvait d'un nouvel ordre… Ces immeubles squattés dans le centre de Berlin donnent l'impression d'être une zone extraterrestre, hors la loi, au milieu d'un pays qui cesse d'être partagé en deux. Une situation unique et passionnante. L'endroit, où Carl (alias Seiler comme je l'explique plus loin) travaillait comme serveur est le fameux Cloporte (die Assel en allemand; vous pouvez d'ailleurs visionner des photos des lieux et de certains personnages du livre sur Internet) qui attirait diffèrents individus – des artistes de toutes sortes, des existences perdues, des voyous… Les détails m'étaient inconnus (la naissance du Cloporte, la scène berlinoise ou alors comment choisir un appartement apte à être squatté ?), j'étais donc ravie d'en apprendre plus. Carl, en tant que maçon, est apprécié (on avait besoin d'outils et de savoir-faire), mais il rêve aussi de devenir poète, il écrit, réécrit, philosophe. de temps à autre, il reçoit des nouvelles de ses parents que j'ai littéralement pris en affection. J'avoue avoir à chaque fois vérifié combien de pages il me restait encore à lire avec Carl avant d'enfin retrouver Inge et Walter. L'auteur a su dresser un portrait très touchant et tendre de ses parents. La volonté de saisir la (peut-être) dernière opportunité à l'âge de 50 ans, le passage de la frontière, les premières rencontres avec ceux de l'autre côté, le séjour dans un camp pour les réfugiés, la recherche du travail… tout ça pourrait donner un livre à part entière.
Une fois le livre refermé, je suis comme d'habitude allée voir la biographie de l'auteur. Son parcours, tel qu'il est décrit sur Wikipedia, laisse entrevoir que
Stern 111 est largement autobiographique – l'auteur ayant beaucoup de points communs avec le personnage principal, Carl. J'admets aussi que j'ai un petit faible pour les romans qui traitent de la RDA, du Mur de Berlin… il n'est donc pas étonnant que j'ai savouré ce roman qui, malgré le nombre de pages, n'est pas difficile à avaler.
Très intéréssant du point de vue linguistique, on devine derrière de nombreux passages l'autre facette de l'auteur qui écrit également de la poésie.
Lutz Seiler ne s'attarde pas forcément sur la politique, elle n'est mentionnée qu'à travers certaines mesures (par exemple la réforme monétaire). Il saisit parfaitement l'ambiance, nous rapproche du milieu de cette gauche révolutionnaire avec ses discours idéalistes dans des maisons délabrées tout en contraste avec des développeurs immobiliers qui rôdent déjà autour, sentant une opportunité unique. Avec Inge et Walter, on redescend sur terre et on revit le tatonnement hésitant entre deux pays qui se découvrent pour former finalement un tout… A lire !
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