L' originalité de ce petit livre de
Michel Meyer réside dans sa réponse -ou plutôt son re-questionnement- des fondements de la pensée en ce début de XXIème siècle, grâce à ce qu'il a appelé
la problématologie.
Constatant le refoulement contemporain face à l'impossibilité de trouver des réponses satisfaisantes aux questions fondatrices du soi, du monde et d'autrui, et cela depuis
Kant et les déclinaisons positivistes et nihilistes qui l'ont suivi, il propose dans cet ouvrage de revenir aux sources du questionnement socratique.
En effet, pour lui, penser, c'est questionner le questionnement lui-même.
Michel Meyer n'hésite pas à développer son argumentaire en s'appuyant sur le raisonnement mathématique et sur les sciences modernes, faisant le parallèle avec la mécanique quantique s'opposant à celle de Newton. Dans un monde où tout est relatif, le réel se construit par étapes successives de questionnement et par des lois de statistique où différentes alternatives coexistent, bien loin du raisonnement déductif d'ordre propositionnel d'
Aristote ou de
Descartes.
Dès lors,
la rhétorique traditionnelle du philosophe, renforcée par les découvertes de la linguistique et de l'épistémologire, prend un nouveau sens dans la démarche ontologique des anciens, rompant avec la subjectivité des modernes. L'absence de solution n'est pas un problème : ce qui donne sens au réel, c'est l'acte de questionnement métaphysique lui-même, la dynamique résolutoire progressive.
Enfin, s'appuyant sur une vision de l'Histoire chère à Hegel et Marx, sur un homo aeconomicus que Pareto n'aurait pas déjugé, et sur la rationalité très relative de l'homme social vu par Boudon ou
K. Popper, il réinterprète le politique de la République de
Platon à l'aune des "grandes" expériences totalitaires du siècle passé.
Dans ce dernier domaine, comme dans les précédents,
Michel Meyer conclut toujours que philosopher, c'est oser repenser les fondements, et que cela est d'autant plus important dans le monde incertain et de plus en plus amoral que nous vivons. Questionner, c'est répondre à une exigence de l'Histoire, c'est remettre en cause l'opposition éculée entre sciences humaines et sciences de la nature, c'est aussi ne pas s'enfermer -en bon aristotélicien- dans les excès d'idéalisme ou de réalisme, c'est enfin donner sens au réel, au présent, en lui permettant de se transcender.
Un petit bouquin de 150 pages cohérent, bien pensé, qui amène le lecteur à se requestionner, sans le perdre en route. Merci M. Michel Meyer.