Merci aux Editions Riveneuve/Archimbaud et à Babelio de m'avoir offert ce livre-disque à l'occasion de la Masse critique de Septembre 2019. Il faisait partie de ma sélection car il se trouve que j'habite la petite ville de Seine et Marne où Estelle Meyer a grandi, que je l'ai vue sur scène et à l'écran (Rêves de jeunesse cet été) et que je l'ai rencontrée.
Si je n'ai pas accroché au style de la préface de l'actrice-chanteuse Judith Chemla, je suis en revanche d'accord avec ses premiers mots : « Estelle est tonitruante » et aussi lorsqu'elle souligne son extravagance. Hors contexte, ces deux mots pourraient paraître péjoratifs. En effet, si vous cherchez l'adjectif « tonitruante » dans le dictionnaire, vous trouvez « assourdissante, bruyante », bref qui produit un bruit énorme et qui évoque le tonnerre. Quant à « extravagance », le mot renvoie à « absurdité, bizarrerie déraisonnable, excès ». Quelqu'un d'extravagant est hors de la norme. Mais cette vision s'attache au côté négatif. Si l'on veut au contraire s'attarder sur le côté positif, on trouvera que « tonitruant »signifie « éclatant, retentissant, puissant » et qu' « extravagance » a pour synonymes « fantaisie, imagination, singularité ».
C'est sur France Culture que j'ai entendu en 2018 l'adjectif qui la décrit le mieux à mon sens : « incandescente », qui signifie « rendue lumineuse » et qui évoque la braise. C'est cela : avec ses yeux de braise et sa chevelure noire, Estelle est lumineuse, elle rayonne. Ou encore pour reprendre le mot qu'elle utilise elle-même dans la chanson « Pour toutes mes soeurs », elle est « tellurique ». Ou encore dans « Mon amoureux », elle se décrit comme « un troupeau de bisons qui dévale une pente ».
Ce livre-disque nous offre des textes courts, des poésies et des chansons de cette auteure-compositrice, interprète, une artiste complète qui a suivi une formation tant en art dramatique qu'en chant lyrique.
En guise d'introduction à ce recueil poétique, l'auteure révèle comment son prénom l'a en quelque sorte prédestinée à monter sur scène : Estelle vient du latin stella, l'étoile. Elle a voulu faire du théâtre dès l'âge de six ans, ce qui l'a un jour conduite au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris ; le rêve est devenu réalité.
Dès l'enfance aussi, elle s'ouvre au chant lyrique, que pratique sa mère, et à la musique. Comme Judith Chemla, elle dit qu'elle est tonitruante mais avec ses mots à elle : « je beuglais pas mal pour me faire entendre » et « j'essayais d'être une chanteuse normale, mais ça débordait toujours ».
Son texte Haydée à l'orage m'a donné à penser que ses écrits avaient un caractère autobiographique. En effet, ne connaissant pas ce prénom, j'ai fait des recherches et ce que j'ai trouvé m'a rappelé Estelle : « le prénom Haydée évoque l'exotisme et le charme oriental, le parfum des épices et de l'encens ». A l'instar d'Haydée, voluptueuse fille du roi turc, dans le Don Juan de Lord Byron au 19ème siècle. Estelle a elle aussi un physique très exotique malgré ses origines alsaciennes. Haydée serait-elle son double ?
Dans ses textes, la jeune femme chante souvent les étoiles (cela ne vous étonnera plus maintenant), la terre, le ciel, l'eau sous toutes ses formes, les couleurs, bref la vie. La teneur des textes varie : parfois sensuels, voire coquins, farfelus, poétiques. Pas toujours très prude, ce qui dérangera peut-être certains lecteurs.
De la même façon que je pense qu'une pièce de théâtre ne se lit pas mais s'écoute – ou se regarde -, je pense qu'il faut entendre les poésies et chansons d'Estelle Meyer plutôt que les lire, sinon il manque une dimension.
La poésie est une langue à part, plus ou moins accessible. Les mots et les associations de mots forment plus souvent des sons qu'ils n'ont de sens. Les images qui surgissent – ou pas – sont toutes différentes selon les lecteurs. La poésie d'Estelle Meyer n'échappe pas à la règle. Chacun peut y trouver – ou pas –ce qu'il veut. Pour moi, elle est davantage un enchaînement de sonorités qu'une succession d'idées précises. D'où ma préférence pour celles qui sont chantées, portées par la musique, la voix et le rythme.
Si vous ne connaissez pas encore Estelle Meyer, laissez-vous tenter et faites - vous votre opinion.
https://www.youtube.com/watch?v=eLjFTHDP6lE
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J'essayais d'être une chanteuse normale, mais ça débordait toujours. Qu'est-ce qui débordait?
Ma folie, mon amour, mon trop, trop d'émotions, trop de feu, de chaos, mon urgence à vivre, mon besoin d'avoir près de moi des anges, des chouettes, des vaches et des loups, de donner du sens au monde, de pleurer devant sa Beauté.
Offerte, choisie, dégingandée
Amère, douce, rugueuse
Bonne, pulpeuse, effrayante
Tendre, charmeuse, ensorcelée
Fourmillante et alambiquée
Moi
Il y a dans mon souffle
Un chant cassé
Et si beau
Que la lumière vient s'y consoler
Écoutez "Niquer la fatalité", une fiction d'Estelle Meyer, ici : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-niquer-la-fatalite-chemin-s-en-forme-de-femme
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