le pércurseur de Simone de Beauvoir, un génie.
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C’est toujours une lourde tâche que d’attaquer une opinion à peu près universelle. À moins d’un très grand bonheur ou d’un talent exceptionnel, on n’arrive pas même à se faire écouter. On a plus de peine à trouver un tribunal qu’on n’en aurait ailleurs à obtenir un jugement favorable. Parvient-on à arracher un moment d’attention, il faut, pour le payer, subir des conditions inouïes. Partout la charge de faire la preuve incombe à celui qui affirme. Quand un individu est accusé de meurtre, c’est à l’accusateur de fournir les preuves de la culpabilité de l’accusé, non à celui-ci de démontrer son innocence. Dans une contestation sur la réalité d’un événement historique qui intéresse médiocrement les sentiments de la plupart des hommes, la guerre de Troie par exemple, ceux qui soutiennent la réalité de l’événement sont tenus de produire leurs preuves avant leurs adversaires, et ceux-ci ne sont jamais astreints qu’à démontrer la nullité des témoignages allégués. Dans les questions d’administration, on admet que le fardeau de la preuve doit être supporté par les adversaires de la liberté, par les partisans des mesures restrictives ou prohibitives, qu’il s’agisse d’apporter une restriction à la liberté, qu’il s’agisse de frapper d’une incapacité ou d’une inégalité de droits une personne ou une classe de personnes. La présomption a priori est en faveur de la liberté et de l’égalité ; les seules restrictions légitimes sont celles que réclame le bien général ; la loi ne doit faire aucune exception, elle doit à tous le même traitement, à moins que des raisons de justice ou de politique n’exigent que l’on fasse une différence entre les personnes. Pourtant ceux qui soutiennent l’opinion que je défends ici n’ont à se prévaloir d’aucune de ces règles. Quant aux autres, qui prétendent que l’homme a droit au commandement, et que la femme est naturellement soumise à l’obligation d’obéir ; que l’homme a, pour exercer le gouvernement, des qualités que la femme ne possède pas, je perdrais mon temps à leur dire qu’ils doivent être tenus de prouver leur opinion sous peine de la voir rejeter. Il ne me servirait de rien de leur représenter qu’en refusant aux femmes la liberté ou les droits dont les hommes doivent jouir, ils se rendent doublement suspects d’attenter à la liberté et de se déclarer en faveur de l’inégalité, et qu’en conséquence ils ont à fournir des preuves palpables de leur opinion, ou à passer condamnation.
Tant qu’une opinion est implantée sur les sentiments,
elle défie les arguments les plus décisifs ; elle en tire de la
force au lieu d’en être affaiblie.
La liberté d'expression est le sujet d'ardentes polémiques depuis plusieurs années.
D'un côté, l'abondance de commentaires, d'analyses "à chaud" et de polémiques donnent l'impression d'un brouhaha permanent. de l'autre, de nombreuses voix s'inquiètent de l'apparition de nouvelles formes de censures qui émaneraient de la société civile elle-même et redoutent la "cancel culture".
Des juristes s'inquiètent quant à eux des appels à durcir la législation dans le cadre de la lutte antiterroriste et redoutent que l'État ne finisse, au nom de la protection de la liberté d'expression, par s'en prendre à cette dernière. Dans un essai dense, "Sauver la liberté d'expression", la philosophe Monique Canto-Sperber retrace l'histoire de ce principe moral, élevé au pinacle du système de valeurs dans nos sociétés libérales. Elle rappelle que pour de nombreux auteurs fondateurs de nos modèles politiques comme le philosophe John Stuart Mill, c'est de l'échange public et contradictoire qu'émerge le progrès intellectuel et, éventuellement, la vérité.
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer, l'invité était Monique Cantos-Sperber (07h40 - 08h00 - 23 Avril 2021)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
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