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EAN : 9782080707949
217 pages
Flammarion (04/01/1999)
4.21/5   7 notes
Résumé :
En publiant, plus de trente ans après Le Monde comme volonté et comme représentation, sur la religion et les Paralipomena (1851), Schopenhauer (1788-1860) propose une reprise, dispersée mais fidèle, des thèses de son oeuvre maîtresse. L'âge du " solitaire de Francfort " avive son discours sur la douleur multiforme du monde, cauchemar dont toute conscience devrait tenter de s'éveiller - en se niant elle-même.
Au règne des hommes, cet effort de renoncement radi... >Voir plus
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
[...] Mais, de leur propre aveu, les religions ne s’adressent pas à la conviction fondée sur des raisons; elles s'adressent à la foi étayée sur des révélations. Or, c’est dans l’enfance que l’aptitude à la foi est la plus forte; voilà pourquoi on vise avant tout à s’emparer de cet âge tendre. C’est par là, bien plus encore que par les menaces et les récits de miracles, que les doctrines de foi s’enracinent. Si, dans la première jeunesse, on expose fréquemment à l’homme, avec une solennité inaccoutumée et un air sérieux, tout nouveau pour lui, certaines vues et doctrines fondamentales; si on exclut en même temps la possibilité d’un seul doute à leur sujet, pour indiquer que ce doute est le premier pas vers la perdition éternelle, l’impression sera si profonde que, en règle générale, c’est-à-dire dans la majorité des cas, l’homme ne pourra guère douter de ces doctrines plus que de sa propre existence. Voilà pourquoi, sur des milliers d’individus, un seul à peine possédera assez de fermeté d’esprit pour se demander sérieusement et sincèrement : cela est-il vrai ? Aussi la qualification d’"esprits forts" donnée à ceux qui la possèdent, est-elle beaucoup plus juste qu’on ne se l’imaginait. Quant aux autres, il n’est aucune chose si absurde ou si révoltante qui, inculquée de cette façon, ne s’enracinerait en une foi profonde. Si le meurtre d’un hérétique ou d’un infidèle était, par exemple, un point essentiel du salut futur de leur âme, presque tous en feraient l’objet principal de leur existence et trouveraient, en mourant, une consolation et un réconfort dans le souvenir de leurs hauts faits à cet égard. C’est ainsi que, autrefois, presque chaque Espagnol regardait
un autodafé comme l’œuvre la plus pieuse et la plus agréable à Dieu. L’Inde nous en offre un pendant avec sa secte des Thugs, que les Anglais ont récemment détruite, grâce à l’exécution d’un grand nombre d’entre eux ; ils témoignaient leur religiosité et leur respect envers la déesse Kali, en assassinant en chaque occasion leurs propres amis et compagnons de voyage, pour s’emparer de leurs biens, et ils s’imaginaient très sérieusement accomplir ainsi quelque chose de très louable et d’utile à leur salut éternel. La puissance des dogmes religieux inculqués de bonne heure est si forte, qu’elle peut étouffer la conscience, et par là toute pitié comme toute humanité. Veux-tu voir de tes propres yeux et de près ce que produit
l’inoculation précoce de la foi ? Regarde les Anglais. Vois cette nation favorisée entre toutes par la nature, et douée plus qu’aucune autre d'intelligence, d’esprit, de jugement et de fermeté de caractère ; vois-la profondément rabaissée au-dessous de toutes les autres, et rendue réellement méprisable par sa superstition stupide qui apparaît, au milieu du restant de ses qualités, comme une idée fixe, une monomanie. Cet état de choses est uniquement dû à ce que l’éducation des Anglais est entre les mains du clergé, qui prend soin de leur inculquer dès l’âge le
plus tendre tous les articles de foi, de façon à produire chez eux une sorte de paralysie partielle du cerveau ; celle-ci se manifeste ensuite tout le restant de leur vie par cette idiote bigoterie qui dégrade des gens très intelligents sous d’autres rapports, et nous égare complètement sur leur compte. Si nous considérons combien l’inoculation de la foi dès le bas âge est essentielle à une pareille œuvre, le système des missions ne nous apparaîtra plus seulement comme le comble de l’importunité, de l’arrogance et de l’impertinence humaines, mais aussi comme une absurdité, s’il ne se borne pas à des peuples encore à l’état d’enfance, tels que les Hottentots, les Cafres, les insulaires de l’océan Pacifique, et autres. Là il a obtenu un réel succès. Dans l’Inde, au contraire, les brahmanes accueillent les discours des missionnaires avec un sourire d’approbation condescendante, ou avec un haussement d’épaules; on peut affirmer qu’en ce pays, malgré les circonstances les plus favorables, les tentatives de conversion des missionnaires ont complètement échoué. Un rapport authentique consigné dans l’Asiatic Journal, t. XXI, année 1826, établit qu’après tant d’années d’activité des missionnaires, on ne trouve pas dans l’Inde entière, où les seules possessions anglaises comptent cent quinze millions d’habitants, plus de trois cents convertis vivants ; et l’on avoue en même temps que les convertis chrétiens se distinguent par leur excessive immoralité. Juste trois cents âmes lâches et vénales parmi tant de millions ! Je ne vois pas que, depuis, le christianisme fasse de meilleures affaires dans l’Inde ; les missionnaires cherchent cependant encore, contrairement aux conventions, dans les écoles exclusivement consacrées à l’instruction anglaise laïque, à agir en leur sens sur l’esprit des enfants, pour faire passer en contrebande le christianisme ; mais les Indous se tiennent jalousement en garde contre lui.
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Mais, de leur propre aveu, les religions ne s’adressent pas à la conviction fondée sur des raisons; elles s'adressent à la foi étayée sur des révélations. Or, c’est dans l’enfance que l’aptitude à la foi est la plus forte; voilà pourquoion vise avant tout à s’emparer de cet âge tendre. C’est par là, bien
plus encore que par les menaces et les récits de miracles, que les doctrines de foi s’enracinent. Si, dans la première jeunesse, on expose fréquemment
à l’homme, avec une solennité inaccoutumée et un air sérieux, tout nouveau pour lui, certaines vues et doctrines fondamentales; si on exclut en même temps la possibilité d’un seul doute à leur sujet, pour indiquer que ce doute est le premier pas vers la perdition éternelle, l’impression sera si profonde que, en règle générale, c’est-à-dire dans la majorité
des cas, l’homme ne pourra guère douter de ces doctrines plus que de sa propre existence. Voilà pourquoi, sur des milliers d’individus, un seul à
peine possédera assez de fermeté d’esprit pour se demander sérieusement et sincèrement : cela est-il vrai ? Aussi la qualification d’"espritsforts" donnée à ceux qui la possèdent, est-elle beaucoup plus juste qu’on ne se l’imaginait. Quant aux autres, il n’est aucune chose si absurde ou si révoltante qui, inculquée de cette façon, ne s’enracinerait en une foi
profonde. Si le meurtre d’un hérétique ou d’un infidèle était, par exemple, un point essentiel du salut futur de leur âme, presque tous en feraient
l’objet principal de leur existence et trouveraient, en mourant, une consolation et un réconfort dans le souvenir de leurs hauts faits à cet égard. C’est ainsi que, autrefois, presque chaque Espagnol regardait
un autodafé comme l’œuvre la plus pieuse et la plus agréable à Dieu. L’Inde nous en offre un pendant avec sa secte des Thugs, que les Anglais ont récemment détruite, grâce à l’exécution d’un grand nombre d’entre eux ; ils témoignaient leur religiosité et leur respect envers la déesse Kali, en assassinant en chaque occasion leurs propres amis et compagnons de voyage, pour s’emparer de leurs biens, et ils s’imaginaient très sérieusement accomplir ainsi quelque chose de très louable et d’utile à leur salut éternel. La puissance des dogmes religieux inculqués de bonne heure est si forte, qu’elle peut étouffer la conscience, et par là toute pitié comme toute humanité. Veux-tu voir de tes propres yeux et de près ce que produit
l’inoculation précoce de la foi ? regarde les Anglais. Vois cette nation favorisée entre toutes par la nature, et douée plus qu’aucune autre d'intelligence, d’esprit, de jugement et de fermeté de caractère ; vois-la profondément rabaissée au-dessous de toutes les autres, et rendue réellement méprisablepar sa superstition stupide qui apparaît, au milieu
du restant de ses qualités, comme une idée fixe, une monomanie. Cet état de choses est uniquement dû à ce que l’éducation des Anglais est entre les mains du clergé, qui prend soin de leur inculquer dès l’âge le
plus tendre tous les articles de foi, de façon à produire chez eux une sorte de paralysie partielle du cerveau ; celle-ci se manifeste ensuite tout le restant de leur vie par cette idiote bigoterie qui dégrade des gens très intelligents sous d’autres rapports, et nous égare complètement sur leur compte. Si nous considérons combien l’inoculation de la foi dès le bas âge est essentielle à une pareille œuvre, le système des missions ne nous apparaîtra plus seulement comme le comble de l’importunité, de
l’arrogance et de l’impertinence humaines, mais aussi comme une absurdité, s’il ne se borne pas à des peuples encore à l’état d’enfance, tels que les Hottentots, les Cafres, les insulaires de l’océan Pacifique, et autres. Là il a obtenu un réel succès. Dans l’Inde, au contraire, les brahmanes accueillent les discours des missionnaires avec un sourire d’approbation condescendante, ou avec un haussement d’épaules; on peut affirmer qu’en ce pays, malgré les circonstances les plus favorables, les tentatives de conversion des missionnaires ont complètement échoué. Un rapport authentique consigné dans l’Asiatic Journal, t. XXI, année 1826,établit qu’après tant d’années d’activité desmissionnaires, on ne trouve pas dans l’Inde entière, où les seules possessions anglaises comptent cent quinze millions d’habitants, plus de trois cents convertis vivants ; et l’on avoue en même temps que les convertis chrétiens se distinguent par leur
excessive immoralité. Juste trois cents âmes lâches et vénales parmi tant de millions ! Je ne vois pas que, depuis, le christianisme fasse de meilleures
affaires dans l’Inde ; les missionnaires cherchent cependant encore, contrairement aux conventions, dans les écoles exclusivement consacrées à l’instruction anglaise laïque, à agir en leur sens sur l’esprit des enfants, pour faire passer en contrebande le christianisme ; mais les Indous se
tiennent jalousement en garde contre lui.
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Une autre tare fondamentale du christianisme […] est la suivante : il a, contredisant la nature, arraché l’homme au « monde animal » auquel il appartient pourtant essentiellement et veut à présent le faire valoir totalement seul, considérant les animaux très exactement comme des « choses ».
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Mais, de même que, pour la connaissance approfondie d'une espèce, celle de son genus est requise, et que celui-ci ne peut cependant être connu à son tour que dans ses speciebus; de même, pour la compréhension radicale du christianisme est requise celle des deux autres religions négatrices du monde, à savoir le brahmanisme et le bouddhisme, et une compréhension à vrai dire solide et la plus précise possible.
Car, de même que le sanskrit nous ouvre en tout premier lieu à la compréhension approfondie des langues latine et grecque, de même le brahmanisme et le bouddhisme ouvrent à celle du christianisme.
Je caresse même l'espoir qu'un jour viendront des chercheurs bibliques familiers des religions indiennes, lesquels pourront présenter par des aspects tout à fait spécifiques la parenté de ces dernières avec le christianisme.
Paragraphe 179, Ancien et nouveau testament.
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La différence fondamentale des religions, c’est qu’elles sont optimistes ou pessimistes, et nullement qu’elles portent ces noms : monothéisme, polythéisme, trimourti, trinité, panthéisme, athéisme (comme le bouddhisme). Aussi l’Ancien Testament et le Nouveau Testament sont-ils diamétralement opposés l’un à l’autre, et leur réunion forme un étrange centaure. Le premier est optimiste, le second pessimiste.
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Vidéo de Arthur Schopenhauer
« […] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux. […] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes. […] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions. […] » (Roland Jaccard.)
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Référence bibliographique : Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration : Vauvenargues : https://www.buchfreund.de/de/d/p/101785299/luc-de-clapiers-marquis-vauvenargues-1715-1747#&gid=1&pid=1 Georges Perros : https://editionsfario.fr/auteur/georges-perros/ Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jpg Prince de Ligne : https://tresorsdelacademie.be/fr/patrimoine-artistique/buste-de-charles-joseph-prince-de-ligne#object-images Jules Renard : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a5/Jules_Renard_-_photo_Henri_Manuel.jpg Blaise Pascal : https://www.posterazzi.com/blaise-pascal-french-polymath-poster-print-by-science-source-item-varscibp3374/ André Ruellan : https://www.babelio.com/auteur/
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"Les uns croient au communisme, les autres en Dieu, les autres à la psychanalyse, mais à la fin, on termine tous dans une tombe."

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