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4,04

sur 483 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une fois n'est pas coutume, j'ai vu et adoré le film avant de lire le livre. du coup, hérésie suprême, j'avais peur d'être déçue par le livre ! Bien évidemment et heureusement, cela n'a pas été le cas, même si les deux oeuvres sont assez différentes.

Pour commencer, parlons de l'histoire. Ou plutôt, DES histoires. Car oui, ce livre est composé de six histoires, se déroulant à des époques différentes avec six personnages principaux.

Nous avons Adam Erwing, homme de loi du XIXème siècle ; Robert Frobisher, un talentueux compositeur en 1931 ; Luisa Rey, une journaliste dans les années 70 ; Timothy Cavendish, un éditeur dans les années 2000 ; Sonmi-451, une clone dans un futur pas si lointain ; et enfin Zachry, qui vit dans un futur post-apocalyptique.

Ces personnages sont bien sûrs liés, et on découvre comment au fil de la lecture.

Le grand talent de l'auteur est d'avoir réussi à écrire ces six histoires dans des styles complètement différents. du journal de bord au récit oral en passant par le roman épistolaire ou l'interview, chaque type de narration correspond parfaitement à l'époque où se situe l'histoire.

L'auteur a même fait évoluer la langue au cours des époques, passant du langage châtié de Erwing à celui, plus familier, de Cavendish, avant d'en inventer des évolutions possibles dans les deux époques futuristes. Cela donne une tangibilité incroyable à ces deux époques, même si le récit de Zachry en devient parfois difficile à comprendre (d'ailleurs, chapeau au traducteur, il a dû s'arracher les cheveux sur cette période ! ).

Bien que j'aie mes petits chouchous (Cavendish et Sonmi-451), toutes ces histoires sont aussi intéressantes les unes que les autres. le même thème revient dans chacune d'entre elles, à savoir la révolte contre une injustice, mais cette lutte est toujours racontée différemment, et de manière très talentueuse.

On a également une impression de fatalité, voire de pessimisme. Les gens peuvent peut-être changer des choses au cours de leur vie, mais l'humanité, elle, progresse dans une direction déterminée et rien de pourra dévier sa course.

Ce pessimisme est d'ailleurs à mon sens ce qui différencie le plus profondément le livre du film. En effet, les histoires ont été modifiées dans le film, notamment leurs fins, afin d'apporter une touche d'espoir que ne possède pas vraiment le livre.

Quoi qu'il en soit, j'ai adoré ce livre. Il n'est peut-être pas d'un abord très facile, surtout si l'on n'a pas vu le film, car on peut se demander où l'auteur veut en venir. de même, les changements d'époque sont parfois déstabilisants, le récit pouvant être coupé au beau milieu d'une phrase. Mais la récompense est à la hauteur de l'effort fourni, car il s'agit d'un roman vraiment riche et passionnant, et une expérience littéraire inoubliable.

Je pense que je vais beaucoup le faire lire autour de moi, et je vous le conseille chaudement, même (et surtout) si vous n'avez pas aimé le film.
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Pfiou... Quel choc !!

Cartographie des nuages… c'est le nom donné à son sextuor par Robert Frobisher en 1931. le jeune homme est installé dans le château de Zedelghem, et sert d'assistant au vieux Ayrs, un compositeur anglais de renom. Il écrit de longues lettres à son ami Sixsmith dans lesquelles il lui narre son quotidien et lui décrit les affres de la création musicale.

Et voilà qu'il découvre une moitié de livre qui l'intéresse fort, contant les pérégrinations d'Adam Ewing, homme de loi anglais qui voyage dans les Iles Chatham en 1850. Ce dernier assiste, impuissant et résigné, à l'esclavage pratiqué par des autochtones sur d'autres tribus. C'est la première histoire de ce livre incroyable qui m'a émue et captivée, un vrai coup de coeur !

Le ton est en effet donné dès le premier récit - il y en a 6, tour à tour drôles, tragiques, émouvants, dont 5 sont découpés en deux parties. Ces derniers sont tous imbriqués (vous découvrirez comment on passe de l'histoire d'Ewing à celle de Frobisher, puis Luisa Rey, Sonmi 451 et Zachry…), se passent à des époques différentes certes mais ont un commun des individus étrangement reliés par une tache de naissance, et mettent en lumière un destin individuel, un homme ou une femme ayant à lutter contre des événements plus ou moins dramatiques.

Qu'ils soient englués dans un monde terrifiant (qui peut prendre bien des aspects, de la maison de retraite à la société du futur) ou en butte à l'hostilité de leur milieu, chacun est seul. Luisa Rey, mon personnage préféré, combat une installation nucléaire dans les années 70, Sonmi 421 est un clone qui s'est rebellée et qui a découvert l'horrible destin de ses semblables, Cavendish est un vieux bonhomme mis au rebut dans une maison qui n'aurait rien à envier à l'établissement de Vol au-dessus d'un nid de coucou…

Le constat est donc amer. L'humanité est perdue. Il n'y a plus rien à en espérer pour la simple et bonne raison que personne ne tire les leçons du passé, chacun répète les mêmes erreurs. voilà, c'est un éternel recommencement.

La civilisation elle-même est un leurre. Il suffit d'un grand « boum » nucléaire pour que l'homme retourne à l'état de barbare. le récit "La croisée d'Sloosha pis tout c'qu' a suivi" est plutôt édifiant. C'est le seul qui soit "entier" et qui constitue le point d'orgue de cette histoire de l'humanité. C'est la réponse de Mitchell à la naïve question d'Ewing : "Prétendez-vous que la race blanche ne domine point par la grâce divine mais par le mousquet ?"

C'est un roman bourré de références ciné et littéraires si on sait lire entre les lignes, construit de manière brillante, qui m'a vraiment estomaquée. La traduction est excellente, cela a dû constituer un tour de force pour reproduire ces styles littéraires différents, SF, thriller, récit de voyage du 19ème, genre épistolaire et surtout le langage imaginaire de l'histoire centrale. Chapeau.

Génie et inventivité de l'écrivain qui imaginé toutes ces boites gigognes pour amener le lecteur à réfléchir sur nous, jeu de miroirs, voyage dans le temps qui laisse songeur. Je ressors étourdie de cette lecture, éblouie par la virtuosité de Mitchell et son implacable logique. Légèrement tempérée par la dernière phrase...

Le 13 mars sort l'adaptation ciné. J'ai vu le trailer récemment, en suis tombée amoureuse, je fonce le voir la semaine prochaine. Evidemment.
Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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Je ne suis pas sûre d'avoir su tracer une cartographie des nuages ni d'avoir saisi toutes les subtilités de cet étonnant roman, mais le fait est que j'en sors enchantée et impressionnée devant la construction intellectuelle qui le sous-tend.
Plusieurs époques, différents personnages, diverses intrigues se croisent dans ce livre. A priori rien ne les relie et pourtant, d'indices en signes, on comprend peu à peu que tous ces récits sont liés, les personnages se retrouvent sous d'autres identités dans chaque histoire, et là le tournis délicieux vient de se dire que la dimension temps n'a pas de sens, que les actes des uns à un moment donné influent sur ceux des autres en un temps autre, voire que ces histoires se déroulent en parallèles dans des couches de réalités concomitantes, illustrant la fascinante théorie des multivers...
Mais même sans aller jusque là, on se régale à suivre chaque histoires, toutes écrites dans des styles différents avec un étonnant brio.
J'ai une tendresse particulière pour le personnage de Zachry, clé de voûte me semble-t-il du roman, qui, depuis son temps futur, pose toutes les interrogations profondes qui donnent un sens à ce livre brillant et singulier, et qui pousse la réflexion plus loin que l'oeuvre cinématographique pourtant bonne qui en a été tiré.
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J'ai eu envie de lire ce livre, car le film Cloud Atlas qui s'en inspire m'avait beaucoup plu. Mais comment parler de ce livre ?

Pour commencer, il est bien écrit, et très bien traduit. J'ai pris un immense plaisir à le lire !

Ce n'est pas une, mais six histoires, qui se déroulent à des époques différentes, et qui sont écrites dans des styles eux aussi variés :
* première époque : nous lisons le journal que rédige vers 1850 Adam Ewing, jeune notaire de San Francisco qui traverse le Pacifique en bateau avec son ami le Dr Henry Goose. Dans un style très littéraire, le protagoniste prend conscience des injustices subies par certains peuples (roman historique).
* deuxième époque : nous découvrons les lettres écrites en 1931 par Robert Frobisher, jeune musicien déshérité. Anglais réfugié dans les Flandres pour échapper à ses créanciers, il se met au service d'un vieux compositeur reconnu (roman épistolaire mélodramatique).
* troisième époque : nous suivons l'enquête de Luisa Rey, jeune journaliste qui découvre un complot de grandeur ampleur, au cours d'un récit trépidant comme savent le raconter les Américains (polar).
* quatrième époque : de nos jours en Angleterre, nous nous amusons des catastrophes arrivant à Timothy Cavendish, éditeur misanthrope se retrouvant enfermé dans une maison de retraite par son frère encore plus filou que lui (comédie britannique).
* cinquième époque : dans une Corée futuriste inspirée de Philip K. Dick, nous assistons à l'interrogatoire de Somni~451, clone humain arrêtée et condamnée car elle menace cette société consumériste reposant sur l'esclavage des clones (science-fiction dystopique).
* sixième époque : dans un très lointain futur à Hawaï, Zachry et sa tribu survivent et combattent une horde cannibale. La civilisation a disparu, et avec elle le savoir et le beau langage… (roman post-apocalyptique)

C'est un roman où il faut accepter de se laisser emporter par la narration, les protagonistes et les événements. La langue évolue et perd sa beauté au fil du temps : élégante au XIXe siècle, standard dans la deuxième moitié du XXe siècle, elle devient malmenée dans le monde apocalyptique où règles et syntaxes sont oubliées. Il faut souligner le talent du traducteur, qui non seulement respecte le style de chaque époque, mais aussi qui arrive à nous rendre très lisible la dernière époque (post-apocalyptique) alors que le langage n'est plus qu'une bouillie, à tel point qu'on l'oublie et que l'on continue à plonger dans le récit pour suivre les aventures de Zachry.

Les liens entre les histoires et les personnages sont tenus, mais ils installent une ambiance légèrement fantastique : une tache de naissance similaire, et un document produit par le personnage de l'époque précédente qui tombe entre les mains du protagoniste de l'époque en cours sans qu'il y ait réellement d'impact sur son histoire.

Alors quels sont le vrai lien et le sens général de ce roman ?

La réponse réside dans la construction du récit, qui est très différente de celle du film. Dans la version cinématographique, les réalisateurs passent constamment d'une époque à l'autre. Pour le roman, l'auteur a choisi d'abord de raconter chaque aventure dans l'ordre chronologique, en s'arrêtant à chaque fois à la moitié de l'histoire pour passer à la période suivante. Arrivé à la sixième et dernière époque (post-apocalyptique), il va jusqu'au bout de la narration, pour remonter le temps et terminer les récits des époques précédentes. Lors de la période polar des années 70, un paragraphe nous suggère qu'il est possible de modifier le futur. Je m'attendais donc à un événement fantastique, et… pas du tout !

Nous remontons peu à peu dans le temps, nous prenons du plaisir à retrouver des personnages que nous avions laissés de côté, nous nous demandons sans cesse quel est le fin mot de l'histoire… Et nous découvrons enfin le thème qui lie les époques et qui soutient le récit dans les dernières pages. Et oui, les dernières pages. Mais quand on le lit, cela semble tellement évident ! Ce tour de force est permis par la construction du roman qui est très solide, plus que celle du film, tout en délivrant un message plus subtil.

J'ai regardé divers commentaires de ce livre après l'avoir lu, et les jugements sur la tonalité optimiste ou pessimiste de l'oeuvre diffèrent grandement selon les chroniqueurs. de mon côté, j'ai préféré y voir une note positive : l'avenir de l'humanité est entre nos mains, si nous le voulons bien.

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La tentation est forte de classer ce récit parmi les incontournables de la science-fiction : un bon tiers de l'ouvrage se déroule effectivement dans des ambiances futuriste et post-apocalyptique. Ce choix serait pourtant profondément réducteur. Cartographie des nuages est un roman choral intercalant six époques différentes du 18ème siècle (ou avant ?) au XXIIIème (ou après ? ) intimement liées entre elles par des détails narratifs presque dérisoires et pourtant lourds de sens dans la construction du récit et pour le message final que voudrait nous transmettre l'auteur. Car il ne s'agit pas d'un roman distrayant facilement compris devant la toile blanche d'un cinéma de quartier. Si le film est dense et constitue une excellent adaptation, le livre va bien au-delà . J'y ai retrouvé immédiatement cette sensation de tournis face à la multiplicité de détails significatifs proposés, il m'aura fallu patienter près d'un tiers de l'ouvrage pour enfin lâcher prise, accepter de ne pas tout saisir et me laisser embarquer dans le troisième épisode truffé d'humour que constitue L'épouvantable calvaire de Timothy Cavendish, éditeur aliéné en fin de vie. Chacune des histoires rapportées possède son style, son genre et son ambiance propre : roman historique, polar, journal, correspondance, entretien, humour, science-fiction frisant parfois la fantasy ; amours et aventures scabreuses y trouvent également leur place, enfin et surtout le Bien et le Mal sont au centre du récit insidieusement sans être pour autant imposés au devant de la scène. le génie de David Mitchell réside aussi dans ce dernier point. Cartographie des nuages est incontestablement un roman complet témoignant du talent et de la maitrise littéraire de son auteur.

Les six univers de Cartographie des nuages ne m'ont pas tous emballée de la même manière. Cela s'explique d'avantage pas mes préférences littéraires que par la qualité propre à chaque récit. Je ne suis pas une grande adepte de roman humoristique a priori, pourtant les aventures de Timothy Cavendish m'ont fait rire aux éclats, celles d'Adam Ewing ouvrant et clôturant le livre sont magnifiques et forment le ciment de l'ensemble – d'où la brièveté de l'extrait sélectionné, je préfère vous laisser le plaisir de la découverte. J'aime beaucoup la révolte de Sonmi~451, beaucoup moins les péripéties de Luisa Rey – les polars et moi, c'est compliqué… Incontestablement, en revanche, mon coup de coeur revient à La croisée d'Sloosha et tout c'qui a suivi pour le style d'abord qui n'est pas sans rappeler celui de certains passages de la horde du Contrevent, pour le personnage de Zachry aussi et surtout, pauvre bougre malmené par la vie, dans un monde dévasté, profondément humain et droit autant que possible malgré le sort que la vie lui réserve. Voilà bien l'objet du livre : les choix de comportement justes ou lâches des différents protagonistes en réaction aux vicissitudes de mondes régis par des puissants ne servant que trop rarement l'homme et bien plus souvent l'argent ou le pouvoir, et les heureuses ou déplorables conséquences de ces choix….
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A six époques différentes, les destins de plusieurs protagonistes se retrouvent mêlés, liés, comme si l'univers s'était déjà joué...

Nous avons là un récit extrêmement ambitieux et original, minutieux et vaste, nébuleux et éclairé (l'opposition est voulue mais surtout vraie).
L'histoire n'est pas des plus aisées à suivre mais s'avère fort agréable à lire. Il est néanmoins difficile de tout appréhender correctement, dès la première fois, et de comprendre initialement l'intégralité de l'intrigue. Chaque époque narrée constitue une mise en abyme façon poupées russes de l'époque précédente, elles-mêmes connectées via l'idée que le passé et le futur se rejoignent. Dur à suivre ? Normal, cependant c'est délicieux et brillant, franchement captivant malgré des longueurs certaines, surtout quand on erre dans le récit sans savoir encore où on va, même si à la fin on n'est toujours pas sûr de l'endroit où on s'est rendu. Car les indices semés ça et là concernant aussi bien les liens entre les époques que la finalité du bouquin ne sont pas nombreux sur 700 pages et ont surtout tendance à être tellement épars et modestes qu'on peut vite passer dessus sans les voir.
Ce livre, je l'ai personnellement acheté après la sortie de son adaptation en film que je n'avais pas vraiment comprise, comme beaucoup. Il me tarde de la revoir en fait, car les images et le fait que les acteurs soient plus ou moins les mêmes sur plusieurs époques a de quoi grandement éclaircir la beauté de l'oeuvre de Mitchell.
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En 600 pages, six histoires se déroulant sur plusieurs siècles se succèdent. Chacune pourrait être lue indépendamment des autres, tant l'auteur manie à la perfection les différents styles littéraires. Les intrigues, les personnages ont une valeur en eux-mêmes.
Cependant ce sont les échos entre elles qui révèlent le message philosophique du livre. La construction peut dérouter mais semble moins complexe que celle de l'adaptation cinématographique (que je n'ai pas encore vue) : cinq histoires sont scindées en deux, les premières parties se suivant dans un ordre chronologique. Au sommet du livre, l'histoire centrale est narrée dans son entier, puis les secondes parties des autres épisodes se succèdent de nouveau, cette fois dans un ordre antéchronologique. Cette construction en miroir permet de tisser des liens, explicites ou ténus, entre les protagonistes et leurs destinées.

Les histoires
1. Journal de la traversée du Pacifique d'Adam Ewing
Au XIXe siècle nous suivons les aventures néozélandaises et le voyage maritime d'Adam Ewing, homme de loi américain. Ce dernier, sous la coupe du douteux Dr Goose, voit croître son hypocondrie. Sur les îles Chatham, il apprend comment le pays a été colonisé, d'abord par les Maoris, peuple ayant décimé les pacifiques Morioris, puis par les Européens. Ewing se trouve obligé de protéger un esclave indigène, descendant des Morioris.
Le style soutenu reflète l'élocution d'un homme bourgeois de l'époque. Nous sommes en présence d'un journal de bord proche du roman d'aventures.

2. Lettres de Zedelghem
Dans les années 1930, un jeune Anglais arriviste, Robert Frobisher, s'introduit auprès d'un compositeur sur le déclin. Adopté par le vieil homme, il retranscrit sa musique. En même temps, il séduit son épouse et le dépouille de ses biens. Mais il se trouvera lui-même pris sous la coupe de son hôte. Frobisher raconte tout cela à son ami et amant Rufus Sixsmith. L'auteur suit ici la forme du roman épistolaire.

3. Demi-vies, la première enquête de Luisa Rey
Dans la Californie des années 70, une journaliste tente de mettre au jour un scandale industriel et financier autour d'une centrale nucléaire. Fait d'espionnage, de dossiers secrets, de meurtres sordides et de poursuites haletantes, cet épisode nerveux est construit comme un thriller.

4. L'épouvantable calvaire de Timothy Cavendish
Nous sommes de nouveau en Angleterre, à l'aube du XXIe siècle. Timothy Cavendish est un éditeur vieillissant. Il parvient à s'enrichir sur un fait-divers glauque, le meurtre commis par l'un de ses auteurs. Bientôt poursuivi par les frères de ce dernier, Cavendish se retrouve contre son gré enfermé dans une maison de retraite. Tout cela est narré par le personnage principal avec beaucoup d'ironie et d'humour noir.

5. L'oraison de Sonmi-451
Dans un futur relativement proche, le monde est devenu une dystopie dans laquelle l'argent et les gènes purs sont rois, dans laquelle Orwell et Huxley (et sans doute Bradbury également, bien que la référence n'apparaisse que dans le nom du personnage) sont des auteurs "utopistes".
La Corée domine la planète et son "Juche" impose une loi implacable. La consommation contrôle les humains, les objets ne sont plus nommés que par des marques.
Sonmi-451 est une clone destinée, comme tous ses frères, à une fonction précise (en l'occurence serveuse). Mais douée d'une conscience et d'une culture hors du commun, elle devient un objet d'étude pour étudiants frivoles avant d'être prise en main par l'Union, groupe terroriste. Sonmi se prend à souhaiter un bouleversement de l'ordre établi mais sera arrêtée dans un final particulièrement cynique.
Son ultime oraison est recueillie par un archiviste, historien du régime.
Nous sommes ici dans un univers de science-fiction et anticipation, empruntant aux auteurs cités plus haut mais aussi à des références plus récentes comme Matrix.

6. La croisée d'Sloosha et tout c'qu'a suivi
Après la Chute des civilisations, dans un futur apocalyptique, l'humanité est revenue au stade de la Préhistoire. Zachry vit à Hawaii avec sa famille, dans un monde de superstitions et de lutte contre les tribus voisines. Un jour, accoste sur l'île un navire de Prescients, seule communauté à garder en mémoire quelques infimes traces du passé. Une femme, Méronyme, se propose de rester six mois dans le village de Zachry dans un but ethnologique, beaucoup plus tragique en réalité.


Des fils explicites apparaissent entre les histoires. Ainsi, l'on retrouve des personnages de l'une à l'autre et à travers les époques, les héros connaissent l'un des épisodes narrés plus haut : Frobisher se passionne pour le manuscrit d'Ewing, son ami Rufus est un physicien qui oeuvrera aux côtés de Luisa Rey, l'histoire de la jeune femme fait l'objet d'un roman lu par Cavendish et ce dernier est le héros d'un film vu par Sonmi. Enfin, la clone devient la déesse des humains retournés à la sauvagerie primitive.
On assiste là à une mise en abyme, de livres (ou films) dans le livre, structure reprenant celle de la matriochka, plusieurs fois mentionnée dans le roman.

D'autres éléments reviennent peu à peu tout au long du roman et tissent la trame commune de ces histoires.
La Cartographie des nuages est d'abord un morceau à six voix, un sextuor, composé par Frobisher. Luisa Rey l'écoutera. L'expression même de "cartographie des nuages" revient dans la bouche de certains personnages, comme une réflexion sur la vie et les âmes.
De plus, nombre de situations se répètent comme des phrases musicales : traversée de villes par les personnages et prise de conscience de l'environnement, rapports entretenus avec le même type de caractères (médecin malveillant, famille absente, prêtre ou gourou d'une communauté) etc. L'intérêt du roman tient aussi en la découverte de ces répétitions.

Si les époques sont différentes, en apparence, les unes des autres, l'espace est en revanche le même : les côtes du Pacifique reviennent fréquemment (Nouvelle-Zélande, Californie, Asie) ainsi que l'île d'Hawaii tout comme la vieille Europe et un autre espace insulaire, l'Angleterre.

Enfin, une mystérieuse tache de naissance en forme de comète orne le cou des personnages à travers les siècles, incitant à s'interroger sur les liens entre eux.

L'interprétation métaphysique de la réincarnation des âmes se fait jour peu à peu, elle est explicitée dans l'épisode centrale, Zachry y croyant fermement : "les âmes traversent les âges comme les nuages traversent les ciels, pis leur forme, leur couleur et leur taille ont beau changer, ça reste des nuages, et c'est pareil pour les âmes" (p. 404)
Toutes ces répétitions, la solitude de ces personnages luttant contre un ordre, le sextuor de Frobisher et les nombreuses impressions de déjà-vu ou les pressentiments tendent à aller dans ce sens.
Le roman mettrait en scène toujours le même protagoniste. le film ferait apparemment davantage de liens, mettant en scène ces réincarnations pour l'ensemble des personnages, pas seulement les héros, notamment en attribuant plusieurs rôles à un même acteur. Cela est moins clair dans le roman, même si quelques indices tendent à prouver que ce sont les mêmes âmes qui se côtoient au fil des siècles.

La Cartographie des nuages est une véritable réflexion sur l'humanité, sa nature et son devenir. le dernier épisode est très didactique à ce sujet, un peu trop peut-être.
Il apparaît que l'Homme vise en permanence à assouvir sa soif de domination, à asservir dans la destruction et la violence. Comme un leitmotiv, ces relations reviennent : Européens et indigènes, Maoris et Morioris, hommes et femmes, sang-purs et clones, continents entre eux, ethnies entre elles, vieux et jeunes. Des renversements s'opèrent parfois : ainsi l'Asie prendra le pouvoir face à des Américains boat-people et les Prescients du futur sont noirs. Mais sans cesse les plus faibles sont renversés, au nom de doctrines racistes, d'un pseudo ordre naturel ou d'intérêts politico-financiers. David Mitchell reprend des éléments historiques (colonies, guerres mondiales, Guerre Froide), parfois de façon cryptée, comme la mise à mort industrielle des clones destinés à devenir du savon, référence évidente aux camps de concentration.
Les relations personnelles sont la plupart du temps également corrompues et soumises à l'intérêt égoïste de chacun.
L'environnement, l'animal sont eux aussi victimes de l'Homme.

La vérité ne semble pas exister face aux croyances et aux dogmes construits, réinventés pour être imposés. Si la lutte peut émaner de consciences individuelles (incarnées par les six personnages), elle paraît vouée à l'échec tant le pouvoir, l'esclavage et la manipulation des masses prévalent. L'Histoire passée n'est qu'une interprétation a posteriori, le futur une projection.
L'humanité ne court pas à sa perte nous dit l'auteur, car elle y est déjà, elle s'y est toujours complu, à cause de sa nature.


La Cartographie des nuages, David Mitchell, 2007, Editions de l'Olivier (traduit par Manuel Berri). Version originale : Cloud Atlas, 2004
Lien : http://los-demas.blogspot.fr..
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Après une grosse panne de lecture de près d'un mois, je reviens enfin à mes amours. Et pour les retrouvailles, j'ai choisi Cartographie des nuages de David Mitchell et bien m'en a pris car je me suis régalée !

De nombreuses critiques ont déjà loué l'originalité de la construction de ce roman mais il faut aussi souligner la cohérence de l'ensemble. David Mitchell a magistralement bien mené sa barque et il m'a bluffée non seulement par l'intelligence de son propos mais aussi par ses capacités à changer de genre et de style et tout ça de façon brillante.

Cartographie des nuages est une composition de 6 histoires qui semblent n'avoir rien en commun au premier abord mais qui sont toutes liées entre elles par une thématique commune, par certains éléments et par le fait qu'elles s'insèrent les unes dans les autres.

En lisant Cartographie des nuages, on ne lit pas un roman mais six et tous de genre différent.
Ainsi, vous aurez la joie de vous plonger dans un roman d'aventure maritime du XIXème siècle pour enchaîner avec un roman sentimental classique de l'entre-deux-guerres façon Stefan Zweig. Un thriller politico-industriel qui rappelle Erin Brockovich vous attend au tournant pour vous emmener ensuite en maison de retraite pour un roman plus contemporain s'inspirant du Misery de Stephen King à la sauce humoristique. C'est un roman SF dystopique qui vous accueille ensuite pour aboutir enfin à un récit post-apocalyptique qui m'a fait penser un peu au Déchronologue de Beauverger.

Des genres différents donc mais aussi des styles différents. David Mitchell utilise tous les outils possibles : le Journal, les mémoires, le genre épistolaire, la narration classique, l'interrogatoire, le discours oral etc… Et il adapte le langage à chacun : tantôt raffiné, tantôt prétentieux, ici humoristique et là jargonnesque. Un véritable exercice de style dont l'auteur se sort avec brio.

Bien qu'ils semblent totalement aux antipodes les uns des autres, chaque récit suit la même logique. David Mitchell utilise la carte de la réincarnation pour nous montrer à quel point l'Histoire se répète et à ça, son explication tient en une maxime de Hobbes « l'homme est un loup pour l'homme ».
L'auteur nous en donne l'illustration à travers un même schéma : le rapport dominant-dominé, il nous démontre les mécanismes du pouvoir à travers plusieurs cas de figure : la colonisation des occidentaux et leur prétendue supériorité sur les autres « races », le pouvoir et l'emprise de l'amour et du jeu de séduction, la manipulation à des fins de réussite et de profit personnel, le pouvoir des grands lobbies industriels, la domination des plus jeunes sur les anciens jugés inutiles et encombrants, le pouvoir des peuples disposant des richesses et de la technologie sur ceux qui n'ont rien etc…
Chaque récit met donc en scène une ou plusieurs de ces formes de pouvoir et dans chaque récit, un ou plusieurs personnages tentent de se rebeller contre cet ordre établi et qui semble immuable et destiné à se répéter indéfiniment. Dans chaque exemple, toute tentative pour créer une situation d'égalité entre les hommes que ce soit par la religion ou par les lois semble vouée à l'échec. La nature humaine serait ainsi faite qu'elle se doit de dominer et d'écraser les plus faibles. Mais David Mitchell préfère conclure sur une note plus optimiste.

En revanche, ceux qui n'apprécient pas d'être interrompu en pleine intrigue risquent de grincer des dents. le procédé, un peu façon Si par une nuit d'hiver un voyageur de Calvino, peut être frustrant mais pour ma part, j'ai adoré. Et les nombreuses références culturelles que ce soit cinématographiques, artistiques et littéraires sont très appréciables.
Donc voilà un roman brillamment orchestré, toute en intelligence. Les pages défilent et on ne s'ennuie pas un instant. L'impression de lire six romans dans des registres si différents est très agréable et motivante. le propos est cohérent et même si certains rebondissements sont largement prévisibles, j'ai passé un excellent moment de lecture riche et divertissant.


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J'ai lu ce livre juste parce que le titre me plaisait.
Je n'en avais jamais entendu parlé, ni du film d'ailleurs. Donc la première rupture dans le récit m'à laissé un peu perplexe. D'autant plus que la première partie du roman ne me captivait pas vraiment.
J'ai donc lu quelques critiques "rassurantes" qui m'ont poussé à poursuivre ma lecture.
Et au fur et à mesure que j'avancais dans ces histoires imbriquées les unes aux autres comme des poupées russes, je restais de plus en plus "aimantée". Je cherchais en permanence ce qui les liait.

Maintenant j'ai bien envie de relire chaque histoire indépendamment des autres.
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Je suis toujours embêtée lorsque j'ai un réel coup de foudre pour un livre, parce que ce sont de ces livres-là dont j'ai le plus de mal à parler, même à donner un avis clair, ne serait-simplement que de répondre à la question : pourquoi l'ai-je tant aimé ?

J'ai découvert ce roman de David Mitchell après avoir été voir le film qui s'en inspire (Cloud Atlas). Avant d'aller le voir, je ne m'étais pas réellement renseigné sur le synopsis ni visionné la bande annonce, je savais juste qu'il y avait un mélange d'époques et de personnages et qu'il était réalisé par les Wachowski (argument de choc à mes yeux !).

Après moins de 3h enfermé dans la salle obscure, j'en suis ressortie époustouflée, pleine d'interrogations, presque perplexe, avec un besoin d'explication, de voir plus loin. Dès lors, lire Cartographie des Nuages a été en tête de mes « choses à faire ».

Il est sûr qu'il faut avoir l'esprit clair et concentré quand on se lance dans la lecture de Cartographie des Nuages, l'auteur nous livre, une par une, les histoires de personnages visionnaires et possédant le don de s'embourber dans des situations compliquées et parfois dangereuses.

D'abord, nous suivons Adam Edwing dans les années 1850 où à travers son journal, il raconte son voyage au bord d'un navire où il est confronté à la condition des esclaves. Ensuite, l'un de mes favoris, Robert Frobisher, dans les années 1930, relate par correspondance à son ami Sixsmiths son expérience professionnelle auprès d'un musicien de renommé. En 1975, à San Francisco, Luisa Rey une journaliste enquête sur un complot nucléaire. Pour ce qui est de nos années, nous avons droit à Timothy Cavendish, personnage particulièrement rigolo nous racontant une histoire étonnante sur son séjour en maison de retraite. Pour les époques futuristes, les personnages ont également été de grands coups de coeur avec Sonmi~451, une factaire génoformée qui nous offre, sous la forme d'un interrogatoire, un récit de pure science-fiction très passionnant. Et Zachry & Meronyme qui nous livrent une vision du monde à la fois douce et glaçante suite à la chute de l'empire…

Chacun des personnages nous montre, d'une façon à chaque fois plus originale, les grands questionnements et enjeux de son époque. Au fur et à mesure de la lecture, certains liens sont créés entre les histoires et personnages, c'est plutôt amusant à suivre.

Un très bel univers enrichi avec le langage, le vocabulaire, des questionnements sur l'existence et sur l'homme,… A mes yeux, une pépite…
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