Comme un certain nombre de lecteurs de ma génération j'ai eu une découverte, livresque, de l'univers du chamanisme à travers le livre de Carlos Castanada (‘« l'herbe du diable... ») et ses suites censés rapporter l'initiation d'un jeune homme par un sorcier mexicain et le peyolt. Une lecture pas inoubliable mais à la mode dans le contexte d'une culture alternative de l'époque.
Là c'est de tout autre chose dont il s'agit, une présentation bien charpentée sur le monde du chamanisme, un quasi travail universitaire.
Le chamanisme est le plus ancien système spirituel alliant guérison et établissement de l'ordre d'un monde. Bien que nous n'en n'aurons sans doute jamais la preuve, les créations dans l'art pariétal des grottes préhistoriques sont vraisemblablement, peu ou prou des expressions du chamanisme.
Le mot chaman signifierait « celui qui remue, s'agite, qui est transporté, bouleversé » en langue toungouse, une tribu sibérienne.
Car si cette étude est centrée sur les pratiques en Amazonie et l'Ayahuesca, un constat troublant frappe l'observateur. le chamanisme étonne par son universalité. Des pratiques parfois très similaires existent dans des régions souvent très éloignées les unes des autres et concernent des peuples qui ne sont jamais entrés en contact.
La raison d'être du chamanisme est de trouver la cause d'un désordre, qui ne pourrait être neutralisé qu'en demandant aux esprits de rétablir un équilibre dans un autre niveau de réalité et ce afin que ce rétablissement puisse être « exporté » dans le monde visible, siège du désordre.
Qu'est-ce que l'Ayahuesca ?
Il s'agit en fait du mélange de deux plantes, la chacruna (alcaloïde puissant en principe neutralisé dans l'organisme de l'homme par un enzyme) et la liane de l'Ayahuesca proprement dit qui permet de lever la protection de l'enzyme. Evidemment, la réalisation de ce « cocktail » demande une connaissance intime de ces végétaux et de leur environnement. Il est aujourd'hui établi que les chamanes disposent d'une connaissance exceptionnelle des éléments de la forêt, de leurs propriétés biochimiques.
Avant le voyage proprement dit, il y a une purification, un « nettoyage » dans tous les sens du terme. Cette phase préliminaire qui entraines des nausées et autres peut être éprouvante avant même le début du principal. Au cours de la phase principale, les sens sont profondément altérés, des rencontres plus ou moins fantastiques ont lieu.
Au-delà des aspects spectaculaires des transes procurées par l'Ayahuesca et des voies suivies par les personnes engagées dans cette quête, il apparait que ces états modifiés de la conscience interpellent au moins les pratiques de la psychologie, de la psychiatrie et de la psychanalyse conventionnelles.
Ces disciplines ont exclusivement recours à l'histoire personnelle et à l'expression par le langage des patients. le chamanisme interpelle l'invisible, traque les esprits, les affronte, se les conci-lie.
Plus radicalement et plus fondamentalement, le monde du chamanisme est celui de l'interdépendance. Il tendrait à établir que la conscience ne serait pas logée étroitement dans la boite crânienne mais extérieure, sous forme d'énergie dans l'univers. le cerveau ne serait qu'une sorte de filtre, de noeud dans un vaste réseau.
Fatalement après des siècles de répression et de dénigrement sous les directives d'institutions et d'idéologies bien connues, le chamanisme, les propriétés de l'Ayahuesca et un engouement dans une population de privilégiés en mal d'exotisme new age sont susceptibles d'aiguiser des appétits commerciaux et industriels et de provoquer un tourisme de masse toxique.
Il est à craindre que ce terroir si riche soit un peu plus ravagé. Et puis, on peut se demander si le chamanisme, tel que décrit et analysé par l'auteure soit exportable dans notre environnement urbain et occidental.
Quoiqu'il en soit, un livre passionnant, en vision « panoramique », parfaitement construit pour un non initié comme moi et qui sollicite en profondeur la réflexion
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C'est une plongée dans l'univers du chamanisme, que se soit en Europe, en occident, en orient ou aux Amériques que nous propose l'auteur qui a elle même fait l'expérience de la voie chamanique. le sujet me passionne depuis longtemps déjà et j'ai vraiment aimé ce témoignage documentaire sur la question. Je le trouve complet tout en étant pas rébarbatif et accessible.
L'auteur ne prend pas parti, elle raconte son expérience et ses recherches , elle nous emmène sur les trace de cette pratique ancestrale que les diverses religions ont voulu éradiquer à coups de conversion forcée. Elle nous rappelle tout d'abord que le chamanisme constitue la plus vieille religion du monde et que le chamanisme apparaît spontanément dès la préhistoire et de façon simultanée dans tous les pays du monde.
On découvre qu'il existe plusieurs chamanismes, dont le "chamanisme végétal" qui utilise des plantes hallucinogènes particulièrement répandu en Amérique du Sud et au Mexique, le chamanisme originel sibérien et mongol qui utilise plutôt le tambour et les chants pour arriver à la transe. Elle a passé 6 mois avec des chamanes traditionnels au Pérou, c'est très intéressant les descriptions qu'elle nous fait sur les cérémonies et la prise de Ayahuasca une plante qui permet d'entrer en communication avec d'autres mondes. Elle n'oublie pas de nous mettre en garde contre ce type d'expérience car malheureusement il y a des faux chamanes peu regardant et qui peuvent abuser de personnes trop fragiles.
C'est vraiment un ouvrage très dense avec des descriptions des rites, des témoignages de chamanes et de personnes ayant fait une séance de chamanisme, plantes utilisées, des interviews, des études. Cela apporte de nouvelles idées, un oeil neuf sur la question et c'était pas gagné car il y a tant de livres sur le chamanisme et pas mal de médiocres.
Une réussite et ça m'a donné envie de lire les autres ouvrages de l'auteur.
VERDICT
Ce petit livre est assez complet et intéressant. A lire pour les curieux ou amateurs et pas seulement pour les connaisseurs. Une très bonne référence sur le sujet.
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Ces découvertes contribuent à rendre crédibles les intuitions ancestrales majeures de toutes les sociétés traditionnelles - des peuples indigènes à la philosophie hindouiste - qui ont toujours évoqué l’existence d’un champ de conscience universelle faisant le lien et l’unité entre toutes les manifestations de la vie et de la matière.
(p.74)
A partir du XVIIIéme, siècle des lumières, l'Europe entre dans la science du matérialisme, du rationalisme et du cartésianisme.
On n'accorde de l'intérêt qu'à ce qui est palpable et matériel, refusant catégoriquement de tenir compte de l'indémontrable, de l'invisible.
(p.19)
Les chamanes du bassin amazonien détiennent une connaissance impressionnante du monde végétal qui les entoure.
Ce qui est encore plus étonnant, c'est qu'ils l'aient acquise dans un milieu aussi diversifié.
74% des remèdes ou des substances d'origine végétale, utilisés dans la pharmacopée moderne ont été découverts en premier lieu par des sociétés traditionnelles.
(p.48)
Faisant écho à la théorie de Jung, les récentes découvertes en physique quantique ont permis de mettre en évidence que l'ensemble de la matière dans l'Univers était connectée au niveau subatomique, de comprendre que nous serions connectés avec tout ce qui existe dans le monde et que nous pourrions même être en contact avec ce qui se trouve aux confins du cosmos.
(p.72)
Le monde du chamanisme s'avère, au contraire, être un milieu très guerrier.
Bien souvent, le chamane se doit devenir un vaillant combattant des mondes invisibles résister aux attaques - spirituelles - d'autres chamanes, en accumulant des armes énergétiques » efficaces de défense et de protection.
Car certains chamanes sont de redoutables sorciers.
(p.56)
Audrey Mouge et le Chamanisme