Citations sur Le combat d'hiver (102)
" Dans mon panier,
Dans mon panier, il n'y a pas de cerises,
Mon prince...
Il n'y a pas de mouchoirs,
Pas de mouchoirs brodés,
Ni de perles, non.
Non plus peine et chagrin, mon amour,
Non plus peine et chagrin..."
La force brutale était bien sûr du côté des barbares, mais comment croire qu'il n'y a pas, tapi dans le coeur des gens, le souvenir précieux de leur vie d'avant? Il y avait à coup sûr une braise sur laquelle souffler avant que les ténèbres ne recouvrent tout à fait le monde.
La chambre minuscule ne comportait qu’un lit étroit, une table, une chaise, un lavabo et deux étagères. Un simple cordon tendu à l’angle du mur tenait lieu de penderie. Mais Helen serrait dans sa main la clef de chez elle, pour la première fois de sa vie, et elle en éprouva un bonheur violent. Un radiateur de fonte diffusait une douce chaleur. Elle monta sur une chaise pour atteindre la lucarne qui donnait sur le ciel. Elle vit le fleuve, large et silencieux, la ville endormie où des lumières scintillaient. Un commencent, se dit-elle, c’est un commencement. Tout ira bien.
- Tu crois en Dieu, Dora ?
- J'avais des doutes, avant. Depuis qu'ils m'ont écrasé la main, et qu'ils ont lâché les chiens sur Eva, je n'en ai plus. Mais je ne veux pas en dégoûter les autres... Tu me demandes, je te le dis.
- Mais alors, qu'est-ce qui te donne la force d'être... comme tu es ?
- Comme je suis ?
- Oui. Tu souris toujours, tu sais consoler, tu es drôle...
- On n'a pas besoin de force pour ça. En tout cas pas plus que pour être triste ou cruel, non ? Je ne sais pas. Ça doit être ma façon de résister.
Comment imaginer qu'elle avait dans la gorge de quoi "soulever les gens"? Elle-même ne semblait pas en croire un mot à cet instant-là.
- Qu'est-ce que vous lui avez dit ?
- Que vous en aviez sept. Tous des garçons. Et jumeaux par- dessus le marché! Le temps qu'il y réfléchisse, il nous laissera tranquilles !
(Tiens tiens, ça me rappelle un certain roman... :))
p.369
C'est comme naître, se dit-il. Les bébés doivent éprouver cette violence quand ils sont projetés dans la vie en sortant du ventre de leurs mère.
Milena, même avec un orchestre symphonique dans son dos, ne manquait jamais de lui adresser de loin un discret signe de tendresse : " Tu te rappelles la cour de l'internat ? Tu te rappelles le dortoir glacé et les longs hivers ?" Puis son chant s'élevait, vibrant d'humanité. Helen se laissait emporter par cette voix familière et pourtant mystérieuse comme on se laisse emporter par un bateau. Elle regardait alors, au hasard du voyage, défiler les images secrètes de son âme : le grand fleuve tranquille qui coulait sous les ponts, l'infini poids d'amour des consoleuses, le souvenir tremblotant de ses parents engloutis et, pour toujours, le visage souriant d'un garçon aux boucles brunes.
Il se sentait aussi fragile qu'une flamme au vent. le moindre souffle l'éteindrait.
Plus tard, Helen se rappela toujours ces premiers mots échangés, la sympathie immédiate éprouvée pour cette personne, le sentiment de confiance irraisonnée. Elle se dit aussi que cette rencontre ne s'était pas faite par hasard dans une cuisine, sous la terre, là où sont les choses chaudes et profondes.