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EAN : 9781025200170
François Bourin (09/01/2014)
3.62/5   4 notes
Résumé :
Voici venu le temps des "technocorps" : l'hybridation technologique du corps humain ne vise plus seulement à le réparer mais à l'améliorer. Des handicapés, amputés et appareillés, défient des athlètes valides à des championnats mondiaux et des technoprophètes théorisent l'avènement prochain d'une posthumanité immortelle... Le rapport NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, infirmation et cognition), publié en 2002 aux Etats-Unis, affirmait déjà la possibilité d'amé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La technologie nous change, c'est un fait bien connu : notre représentation de nous-même s'est modifiée avec l'arrivée des réseaux sociaux, notre cerveau traite différemment les informations pour face au flux gigantesque qu'il reçoit. le technique est également présente dans nos corps même : pacemakers, prothèses, … tout récemment, un tétraplégique a pu commander à nouveau son bras grâce des implants capables de lire l'activité électrique du cerveau et la convertir en commandes pour ses muscles.

Ces succès ont de quoi alimenter les espoirs du camp transhumaniste, à savoir créer une nouvelle espèce mêlant biologie et technologie : une nouvelle espèce d'homme dont les capacités seraient boostées grâce à des cocktails chimiques sur demande, dont les faibles muscles seraient remplacées par des composants mécaniques bien plus puissants, et qui, surtout, serait débarrassé définitivement du soucis de la mort.

La « réparation » d'un individu après un accident ne pose généralement pas de problème pour la majorité des gens. Un « retour à la normale » de quelqu'un qui n'a pas eu les mêmes caractéristiques que les autres a la naissance a un taux d'acceptation un peu plus faible, mais à peine. Par contre, la possibilité d'une « amélioration » provoque des réactions nettement plus contrastées. le cas de Pistorius, athlète qui a défié les valides au plus haut niveau avec des lames de carbone en guise de jambes, est assez révélateur : les débats, enquêtes et contre-enquêtes pour déterminer si les lames lui donnaient ou non un avantage sur les autres concurrents (et donc s'il fallait lui interdire de courir) n'a jamais cessé.

Des positions transhumanistes extrêmes estiment qu'il est possible de « télécharger » son esprit dans une machine. Un chercheur a d'ailleurs proposé sérieusement il y a quelques années de s'injecter dans la tête un liquide capable de préserver la forme de son cerveau (bien qu'ayant le léger désavantage d'être létal), avant d'être le premier à bénéficier de cette technologie qui ne manquerait pas de faire bientôt son apparition (jusqu'à présent, il a bénéficié au mieux de l'indifférence polie de ses confrères).

Ces thèses me mettaient généralement mal à l'aise, de manière assez diffuse. Mais faute de connaître le sujet, contrairement à eux qui maîtrisent leurs arguments sur le bout des doigts, je n'arrivais pas vraiment à formuler mes objections. Ce livre, qui compile plusieurs textes d'experts sur le sujet, m'a donné quelques pistes intéressantes à explorer.

Le premier point est que ces idées sont fortement inspirées des concepts judéo-chrétiens du corps périssable et méprisable, et de l'âme divine et éternelle, les deux étant parfaitement dissociables (et d'ailleurs, destinés à être dissociés). On tente ainsi de capturer l'essence d'un être humain dans une toute petite partie de son corps, le cerveau, qui pourrait avoir une vie propre en dehors de tout corps. J'ai déjà du mal à accepter cette vision des choses quand on sait à quel point le climat, la luminosité, l'absence de maladies, … influence sur notre moral et notre motivation, états qui devraient être purement intellectuels.

Il est également difficile d'imaginer à quoi pourrait bien ressembler cette intelligence déconnectée de tout, sans aucun stimuli visuel, tactile, …, et sans aucune interaction avec d'autres êtres, (post-)humains ou non. Il est d'ailleurs assez amusant de constater que ces êtres du futur ne font généralement rien d'autres que faire des études, travailler ou se faire la guerre. Comme promesse de vie éternelle, on a quand même fait mieux.

On constate généralement aussi une volonté de simplifier au maximum le fonctionnement de l'esprit humain, comme si on tentait de compenser le retard pris par la technologie en diminuant la charge de travail à réaliser. Certains auteurs n'hésitent pas à déclarer qu'on pourrait simuler le cerveau humain avec moins d'un million de lignes de code (là où un programme comme Windows ou un gros jeu en ligne en prend 40 à 100 millions). Quand on met ses déclarations à côté des nombreuses interrogations qui entourent encore le fonctionnement du vivant, il est difficile de prendre ces thèses au sérieux.

L'essai fait moins de 200 pages, mais fournit beaucoup de pistes de réflexion, et vous donnera de quoi vous occuper pour vos vacances. le sujet est très sensible, puisqu'il touche à la définition de l'être humain et à la conception de ce qui constitue notre propre personnalité. Vraiment à conseiller aux personnes qui désirent défricher la thématique.
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Un ouvrage collectif passionnant.
Riche en idées, en articles, en pensées, en références, et très clairement structuré. Hormis le chapitre "Des enjeux de la tentation posthumaine" (je n'ai pas adhéré à la pensée et au cheminement intellectuel de l'auteur), j'ai tout trouvé passionnant, intéressant, riche, suscitant la réflexion.

Les sujets abordés sont pourtant complexes et en perpétuelle et rapide évolution, voire mutation. Jugez plutôt, le titre du livre n'est pas mensonger !

Le corps, l'image du corps, le corps et la société ... le corps et la personne ...
Le progrès, les prothèses techniques, la compensation du handicap ou de la maladie, la normalité du corps ... l'augmentation du corps, la condition humaine, la nature humaine ...
Mais aussi : la machine, le mythe juif du Golem, le robot, l'invention de l'ordinateur et d'Internet, la cyber culture ...
La pensée, le cerveau, l'information ... la langue et la parole, le sens ...
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Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
Mauss parlait des techniques du corps et de leur classification, comme des gestuelles et des attitudes codifiées, des manières de se comporter et d'utiliser le corps, par exemple la nage, la marche ou la danse. Le corps apparaît comme "le premier et le plus naturel instrument de l'homme. Ou plus exactement, (...) le premier et le plus naturel objet technique, et en même temps moyen technique, de l'homme, c'est son corps."

Mauss a donc constaté qu'avant l'outil, le corps est un instrument naturel fondateur. Il fait du corps un objet technique/naturel ne voulant pas distinguer entre nature et technique, mais aussi le véhicule d'une symbolique.
Et Lévi-Strauss dans son Introduction à l'œuvre de Marcel Mauss souligne que "c'est l'homme qui, toujours et partout, a su faire de son corps un produit de ses techniques et de ses représentations". Le corps est indistinctement nature, technique et symbolique. Et d'ailleurs Mauss constate que "acte technique, acte physique, acte magico-religieux sont confondus pour l'agent". Il ne dissocie pas la technique de la magie et du religieux : "J'appelle technique un acte traditionnel efficace (et vous voyez qu'en ceci il n'est pas différent de l'acte magique, religieux, symbolique). Il faut qu'il soit traditionnel et efficace."

Mais ce continuum nature-technique-symbolique est aujourd'hui brisé par la "technologisation généralisée et accélérée" de la société et du corps.
Le corps est dissocié de la personne, puis éclaté en autant d'organes comparés aux composants d'une machine. Le corps extériorisé de l'homme est mis face à l'automate ou au robot, le cerveau humain est assimilé à un ordinateur, ce qui conduit à souligner les limites, les fragilités et les insuffisances humaines. Le corps devient ainsi une machine précaire.

Pour être réparé, augmenté et transformé, le corps est de plus en plus technologisé : les prothèses techniques se multiplient sur, dans et autour du corps. Cette technicisation du corps humain entraîne avec elle une inflation des métaphores, des images, des craintes et des fantasmes. (...) Or, le corps étant une surface privilégiée de projections culturelles, son hypertechnicisation est génératrice d'une surcharge métaphorique. Le technocorps (...) agrège et confond l'imaginaire du corps et des techniques associées.
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En écho à la fiction, journaux et magazines sacrifient également au modèle convenu d'un corps, non point encore devenu cyborg, mais standardisé : peu importe l'âge, l'origine et l'histoire pourvu que l'on exhibe une vitalité saine et sportive propre à faire oublier la fragilité d'une nature promise à la mort.
Les récentes prouesses d'une médecine réparatrice contribuent à entretenir les fantasmes d'un corps réformable et plastique que l'on aimerait soustraire à la fatalité de ses limites originelles.
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Les modalités du saut vers le futur (...) demeurent confuses
et l'on ne sait guère comment les cyborgs standardisés (tous pareillement high-tech), supporteront cette immortalité sans idéaux ni projets, hormis ceux que fournissent les progrès de la technoscience.

En renonçant au corps humain, physique et mortel, le cyborg semble bien devoir aussi perdre émotions et sensibilité :
c'est le prix de la conversion du Golem en cyborg.

Peut-être les Successeurs, guéris du goût de la liberté et de l'ambiguïté humaines, auront-ils atteint l'indifférence des philosophies orientales,
à moins qu'ils n'empruntent à la morne sagesse des machines ...
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L'intelligence artificielle bute sur deux obstacles qui, à y regarder de près, n'en forment qu'un.

Le premier est l'impossibilité manifeste de tout ordinateur, quelle que soit sa puissance, à avoir un comportement autre que celui pour lequel il a été programmé. (...) Cela ne l'empêche pas de réaliser des performances remarquables (battre l'homme aux échecs, par exemple) (...)

Le deuxième obstacle est l'incapacité récurrente de l'ordinateur à passer avec succès le test de Turing (...)
L'ordinateur a un langage, il peut même avoir une langue, mais il n'a pas de parole. Ces deux obstacles n'en font qu'un, car l'ordinateur est incapable de sortir de l'horizon de son langage programmé là où la parole est une réinvention permanente et évolutive du langage.

La différence est de taille et pourrait bien constituer une frontière indépassable.
Cela nous renvoie à la question de savoir si la parole humaine ne doit pas sa spécificité et son altérité radicale au fait que précisément elle s'ancre dans une corporéité biologique, celle-là même dont l'intelligence artificielle entend justement se débarrasser.
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La monstruosité du Golem vient donc de l'identité plus que de la différence :
si le Golem-robot est indiscernable de l'homme, allant jusqu'à se surpasser,
se pose alors la question de l'exception humaine et, avec elle, celle de la pertinence de l'humanisme classique.

La faveur actuelle du mythe du Golem est aisément concevable : l'horreur de la création par l'homme de son semblable trouve un écho dans les polémiques suscitées par les manipulations génétiques dont Dolly, brebis clonée, demeure l'emblème. Si le clonage humain angoisse Jurgen Habermas, par exemple, c'est qu'il soulève la question de la subjectivité : copier un être humain le banalise et suppose qu'il peut aimer ou penser sans le secours d'une intériorité.

(...) La majoration de ce constat explique la diffusion croissante du mythe qui pose aujourd'hui le problème ontologique de la nature humaine : la terreur du démiurge devant le Golem évoque le conflit entre la conception substantialiste d'un homme doté d'une âme et les théories contemporaines qui la récusent : l'intériorité humaine paraît superflue aux psychologues behaviouristes comme aux cognitivistes tandis que "la personne n'existe pas" pour les biologistes, comme l'écrit Henri Atlan (...)

Le Golem, homme fabriqué, créature sans âme, alimente désormais les rêves et les cauchemars d'un corps transformé.
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