Dans ces adorables yeux embués, ses pensées chamboulées,voici ce qui pourraient s'y lire.
« Va , je ne te hais point ». Non !
Ou peut-être, si, mais quelles règles du jeu compliquées !
Pourquoi, ne pas se déclarer ? Est-ce impudique ? Ceci dit, je ne pourrais le faire.
Devant les autres, devant Jeanson le professeur.
Je crains que sur une scène, sur la scène, mes émotions ne m'échappent, je crains d'être moi et trahir « Chimène » ou de ne pas être assez tout simplement.
Chloé, la pauvre petite fille riche qui sanglote, qui soupire, sans soupirants.
Le vieux Jeanson nous provoque. Il nous dit furieusement que le monde se fiche des sentiments de Bastien, de Neville ou des miens, Chloé.
Mais pas moi.
J'arrive à peine à me sortir de moi-même, je goutte à cette liberté nouvelle, quelle ivresse !
La majorité et une foule de possibles ou presque.
Quel chemin prendre sans se fourvoyer ? Je ne peux choisir.
Je serai fidèle aux attentes parentales, la prepa, et je tenterai aussi le conservatoire, en même temps. Je prend le train du théâtre, vivre mille vies, être avec Bastien le rigolo et Neville le ténébreux.
Ils m'adorent, je les aime aussi. Comme des amis chers, des compagnons de combat sur le champs du Théâtre, plus peut-être. Qui sait ? Qu'est-ce que j'en sais ? C'est une catastrophe, j'en pleurerais.
Nous répétons ensemble les scènes, travaillons nos rôles avec force et effort, parfois, nos sentiments font sauter le masque, mais jamais complètement .
3000 façons de dire je t'aime. Merci, d'être là.
Bastien, Chloé et Néville, les trois mousquetaires.
Qui de l'un ou de l'autre fait battre mon coeur, qui de l'un ou de l'autre restera sur le côté. Qui de l'un ou de l'autre sera un jour un monstre sacré ?
Le jeu brûlant de l'amour et du hasard. Une vraie vie à assumer.
Encore une scène à apprendre, je ne sais si je pourrais allez au bout.
Sortir de la coquille, habiller un autre costume et l'habiter.
Serai-je à la hauteur ?
: «
3000 façons de dire je t'aime » de
Marie-Aude Murail est une ode au Théâtre, en effet, mais c'est aussi vous l'aurez compris la nouvelle vie de Chloé, Bastien et Neville, un trio de futurs amis aux origines sociales et caractères divers, qui se sont trouvés à la sortie de la scolarité et depuis, ne se sont plus quittés.
Chacun se cherche.
Neville essaye de trouver sa rédemption, ne pas être le fils du voleur, de répondre à l'appel fascinant et difficile des « planches ». Il apprend l'exigence, la rigueur, les contraintes d'une vie et un projet professionnel en devenir. Il est l'élément malicieux qui s'immisce et trouble le trio, réunissant les duo, les brisant doucement, refaisant les couples par goût du jeu comme un « Puck » de
Shakespeare s'amusant de son nouveau tour.
Bastien est le plus enjoué, le plus franc et sincère. Quoi que. Au jeu de l'humour et de la comédie, il pourrait s'y trouver des peines, des regrets, déjà. le jeune homme est clairement amoureux de Chloé mais ne l'assume pas complètement au début, c'est un « mec », un vrai. Neville le pousse dans ses retranchements. En tout cas, Bastien est le lien, le brave sur lequel on peut compter les yeux fermés, il trouve que le monde est triste et se donne le projet de le faire rire. Tout un métier !
Chloé, enfin, est une petite poupée pleine de réserve, bridée par sa bonne éducation et qui apprend à faire ses choix, être dans le respect de celle-ci et faisant ses propres expériences de la vie. Elle est comme un petit oiseau au bord de sa branche, avec la peur au ventre avant de voler de ses propres ailes. Les retrouvailles inattendues de Bastien et Neville suggèrent des aventures drôles et sympathiques, de l'imprévue, de l'interdit, la petite fille sage apprend à faire ses propres choix en forçant la main de ses parents et s'imposant la Prépa et l'examen du Conservatoire pour ne pas perdre son ticket vers une autre vie moins rangée. « Mais le Théâtre, Comédien, ce n'est pas une vie, un métier sérieux », pourrait-on entendre.
L'auteure nous démontre le contraire.
L'exigence, le travail énorme de chercher les sentiments, être dans l'empathie des personnages, imaginer leur existence en chaussant leurs souliers mais de ne pas surjouer.
Ne pas servir au public sa propre vie, la laisser aux vestiaires ou dans les coulisses, mettre le masque de circonstance et offrir généreusement ses héros et héroïnes.
Que de contraintes qui permettront aux trois jeunes adultes à se construire et se trouver à divers niveaux.
Marie-Aude Murail ne fait pas dans le faux-semblant, la vie, c'est aussi être vrai.
Trois amis, trois possibilités, avec jeu et pudeur.
Un récit fort sur la difficulté d'entrer dans la vie adulte, trois parcours initiatiques qui s'entremêlent et il n'en restera que deux. Mais lesquels ?
Pour grands ados