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sur 941 notes
Tokyo, la nuit. Mari Assaï, une jeune fille de 19 ans, est installée à une table du Denny's. C'est là qu'elle compte attendre le matin, seule avec une tasse de café, quelques toasts et un gros livre. Sa tranquillité est perturbée par l'arrivée d'un jeune homme qui la reconnaît et s'assoit avec elle. C'est Takahashi, un ami de sa soeur. Il vient prendre un café au milieu de la répétition du groupe dans lequel il joue du trombone. Plus tard encore, c'est Kaoru qui vient interrompre sa lecture. Cette gérante d'un love hotel vient d'avoir un problème avec un client parti sans payer après avoir tabassé une prostituée chinoise. Elle vient, envoyée par Takahashi qui lui a dit que Mari parle couramment le chinois et pourrait servir d'interprète auprès de la victime.
Pendant ce temps, Eri, la soeur De Mari dort paisiblement dans l'appartement parental. Paisiblement ? Rien n'est moins sûr. A y regarder de plus près, Eri semble dormir trop profondément pour que son sommeil soit naturel. D'ailleurs, dans sa chambre, d'étranges évènements se produisent...


Dans cette histoire en apparence banale, Haruki MURAKAMI propose au lecteur d'être un oeil dans la nuit, comme l'oeil d'une caméra qui survolerait Tokyo, s'attarderait dans les ruelles désertes, pour finir par se poser dans des lieux précis, pas tout à fait choisis au hasard : un bar ouvert toute la nuit, un love hotel, un bureau où, malgré l'heure tardive un informaticien travaille encore, un combini où un téléphone portable sonne au rayon frais et la chambre d'une Belle au bois dormant où la télévision, bien que débranchée, s'allume et laisse voir un homme en complet marron qui observe ou veille sur le sommeil de la jeune fille. Cela pourrait être une nuit comme toutes les autres sans cet écran qui s'anime de lui-même, sans un miroir qui conserve le reflet de ceux qui s'y regardent, sans cet étrange sommeil qui semble ne vouloir jamais finir...Ce sont ces petites touches fantastiques dans un récit où rien ne se passe qui intriguent et accrochent le lecteur. Cette nuit qui semble comme toutes les autres et pourtant ne l'est pas va transformer les protagonistes, rien de renversant mais de petites touches, fruits de leurs réflexions, de leurs discussions.
Poétique, mystérieux, envoûtant et magnétique, ce passage de la nuit emporte aux confins de l'imaginaire. La dernière page tournée, tout est encore possible, toutes les questions n'ont pas trouvé réponses mais le lecteur peut choisir de faire vivre encore les personnages dans son imagination, de leur trouver une route. Une lecture originale et énigmatique, à expérimenter.
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Chez Haruki Murakami j'aime ce mélange très particulier d'étrangeté et de familiarité, d'étonnement et de douce sensation d'être dans son univers comme chez moi. Mais dans le Passage de la nuit, du moins dans la première moitié, c'est l'étrangeté qui domine, l'écriture est plus sèche au début, touche moins en profondeur que d'autres de ses romans.
Mais quand même, c'est un très bon livre, avec ce côté très séduisant d'un réalisme magique à la japonaise, et s'il me semble un peu moins subtil ici, ça reste assez fascinant. le réalisme et le basculement dans un monde où disparaissent les balises rassurantes de la normalité sont moins mêlés que dans mes précédentes lectures de Murakami. On suit deux soeurs, chacune de son côté. Mari Assaï et les gens qu'elle croise au fil de la nuit - La nuit, lui dit un barman, possède une horloge différente, et elle donne aux rencontres une texture particulière. La jeune fille va donc faire de belles rencontres nocturnes, profondes et inspirantes, notamment avec Takahashi, qui se décrit comme plutôt en retrait: « Je suis meilleur en tant qu'accompagnement. Comme les frites, ou le coleslaw. » Mais en fait il m'a tellement plu que ça ne m'aurait pas du tout dérangée de l'avoir en personnage principal.
Du côté de la soeur De Mari, la situation est beaucoup plus bizarre et flippante. Depuis deux mois, Éri Assaï dort tout le temps, et la voilà qui passe de l'autre côté d'un écran de télévision, qui devient évanescente, un corps creux, comme si tout ce qui la constituait avait été arraché par une main invisible.
Énigmatique, mais moins envoûtant que d'autres oeuvres de Murakami, ce roman montre bien néanmoins que son auteur était sans doute un des mieux à même de rendre compte du passage de la nuit, de ses rencontres insolites et de ses mystères.
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le récit nous entraîne dans un monde particulier où on ne sait jamais si on est dans le virtuel, le rêve, la réalité car tout s'entremêle. Haruki Murakami utilise toutes les phases du sommeil : l'écran regarde Eri la soeur De Mari, en train de dormir profondément, l'espionne pendant son sommeil dans son intimité dans laquelle il nous fait pénétrer tels des voyeurs. Big Brother n'est pas loin… qui regarde qui ? Qui se cache derrière l'écran ? Pourquoi le téléviseur se met-il en marche tout seul ?

Eri dort tout le temps, d'un sommeil paisible dont elle émerge parfois brièvement (sommeil, coma, trouble de la personnalité, tout est possible) comme si elle voulait fuir quelque chose, s'abstraire du monde, alors que dans la nuit extérieure, la vie est un cauchemar, telle l'agression gratuite de la prostituée, par un homme bizarre la plupart du temps derrière son écran d'ordinateur, au travail dont il ne sort que pour les courses ou la recherche d'une prostituée.

On suit en fait plusieurs sortes de noctambules : ceux qui travaillent la nuit, ceux qui vivent leurs passions (la musique) ou qui tentent de fuir une situation familiale stressante. L'auteur nous décrit très bien les dangers de la nuit, les rencontres improbables, certaines ne font que de côtoyer quelque instants, d'autres où il y a un véritable, échange, une relation qui commence et les rencontres vont se répéter dans la nuit. Deux vies qui se croisent –elles par hasard ou nécessité ?

Dans ce roman, on côtoie l'absurde, on passe d'une situation à une autre, d'un moment de réflexion sur la vie à une situation concrète angoissante, ou on s'insinue dans le monde clos quasi schizophrène de l'informaticien. Comme on peut le vivre lorsqu'on rêve. L'auteur nous implique, et on ne sait jamais où sont les limites, ni même s'il y en a.

le rythme est tout d'abord lent, presque soporifique, puis on a des variations subtiles, des accélérations, puis un ralentissement à nouveau, comme les phases du sommeil mais aussi comme dans les improvisations de jazz, il y a une musique Murakami que j'ai retrouvée avec plaisir, la musique des mots et celle de Takahashi qui répète avec son trombone dans les sous-sols.

C'est le troisième roman de Haruki Murakami que je lis et il m'enchante toujours, je ne sais jamais où il va m'entraîner mais je me laisse guider, il me surprend toujours, il m'enchante. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire mais je vous laisse découvrir…

Note : 8,2/10
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Premiers pas dans la littérature japonaise avec ce roman, sous l'influence positive d'une charmante babélienne, inconditionnelle du genre.
C'est un roman court de 149 pages que je n'ai pas été en mesure de lire d'une traite. Les dix-huit chapitres nécessitent d'être absorbés et digérés avec délicatesse.
Nous traversons une nuit entière, sous la lumière spectrale de Tokyo, façon cinématographique.
Le lecteur devient l'oeil de la caméra pour observer le destin croisé de plusieurs personnages.

Mari, une jeune fille de 19 ans, s'installe dans un café pour lire et rencontre Takahashi, un garçon du même âge. Ils se sont déjà rencontrés, il y a plus d'un an, lui se souvient d'elle et il l'entraîne dans un fil de discussions : la vie de famille, les études, le rapport aux autres.
Ce jeune homme profite de la nuit pour ses répétitions musicales avec son groupe. Il joue du saxophone. Ce contexte musical conduit l'auteur à ponctuer ses lignes, ses pages d'une vingtaine de références musicales jazz. J'ai associé l'écoute de ces propositions musicales à ma lecture qui ont favorisé l'immersion.

Au même moment, la caméra nous conduit dans la chambre d'Eri, soeur De Mari, plongée dans un sommeil profond où la camera observe, scrute chaque détail et nous interroge sur la situation. Ce sont peut-être les passages les plus denses, les plus mystérieux de ce roman. J'ai eu l'impression d'être plongé dans un film de Jean-Luc Godard tellement l'appel à la réflexion est intense.

Enfin nous rencontrons Kaoru, gérante d'un love-hôtel, où les thèmes de la prostitution, de la violence vont être abordés, le rapport distendu avec les chinois.

« le passage de la nuit » est un voyage onirique au plus profond d'une nuit japonaise teinté de poésie et des couleurs nocturnes de cette mégalopole tentaculaire.
A lire et à relire pour en extraire sa substantifique moelle.
Une belle découverte.

Bien à vous tous amis Babéliens !
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Il est près de minuit, nous poussons la porte du restaurant Denny's. A une table est assise Mari, jeune fille plongée dans la lecture de son roman. Quelques minutes plus tard, arrive un jeune homme, musicien de jazz, Takahashi, qui reconnaissant Mari, s'installe en face d'elle. le dialogue s'installe tout doucement entre eux... Nous les suivrons toute la nuit, jusqu'au petit matin, où nous ferons connaissance d'une tenante d'un love-hotel, des deux femmes de ménage de cet établissement et d'une jeune chinoise tabassée par un client...
Au même moment, nous sommes dans la chambre d'Eri, la grande soeur De Mari, qui semble dormir d'un sommeil profond. La télé s'allume toute seule, et nous regardons à travers cet écran Eri, que rien ne semble troubler... C'est au cours de cette nuit que nous allons suivre le destin de ces deux soeurs...

Tout simplement étrange et envoutant, Murakami plonge le lecteur, tel un voyeur, avec un oeil-caméra, dans la vie de ces deux femmes. Il décrit, le temps d'une nuit, un univers sombre et inquiétant. A l'instar d'un scénario, chaque scène est décrite d'un point de vue extérieur et différent.
Malgré l'étrangeté de ce roman, on est transporté durant cette nuit par l'écriture poétique de Murakami. On suit avidement la nuit des protagonistes dont les destin vont se croiser. On a tout simplement l'air de survoler, de flotter dans les airs. le sujet principal reste évidemment la nuit, lumineuse, opaque, transcendante et pleine de vie et de richesse.

Le passage de la nuit vous mettra des étoiles dans les yeux...
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Énigmatique et étrange roman que ce Passage de la nuit. Mais la phase nocturne n'est-elle pas, de tout temps, propices aux récits fantasmatiques? le voile entre réalité et surnaturel se caractérise déjà par une poreuse ténuité dans l'oeuvre de Murakami Haruki. Si en plus, il place son histoire la nuit, ça ne peut que renforcer cet aspect.

Déjà, et tous les insomniaques partageront, je crois, mon avis, le temps semble suivre un autre rythme, durant la nuit, plus lent et presque immobile par moments. Comme le dit le barman du Skylark, amateur de jazz sur vinyle : "(...) la nuit possède une horloge différente."

Mais de quoi parle-t-il se roman? de rencontres surtout, pour Assai Mari, étudiante en langue chinoise de dix-neuf ans qui a décidé de fuir la maison familiale où sa magnifique grande soeur Eri joue la Belle au bois dormant. Elle entend passer une nuit blanche à lire dans un resto ouvert jusqu'au petit jour.

Comme souvent dans la vie, tout ne se passe pas comme prévu et elle va ainsi rencontrer un étudiant joueur de jazz sur trombone, une ancienne catcheuse professionnelle gérante d'un love-hotel, brute de décoffrage mais au coeur grand comme le Fuji, ses deux collègues femmes de ménage dont une est en fuite depuis trois ans, une immigrée clandestine chinoise prostituée par un gang et qui s'est fait violemment tabassée. D'autres personnages fluctuent dans cette nuit étrange, certains peu recommandables, d'autres inquiétants. Sans compter une télé qui s'allume toute seule dans la chambre d'Eri.

Et nous, quel est notre rôle dans tout ça? Nous laisser porter par le point de vue caméra que l'auteur déploie tour à tour dans la chambre de la dormeuse, autour De Mari et même dans une boîte d'informatique.

Le passage de la nuit est un des romans les plus courts de l'auteur mais s'y retrouvent nombre de caractéristiques figurant  dans d'autres de ses livres :
- la musique très présente, jazz et classique surtout. Murakami, qui tint un temps une boîte de jazz, en est féru et connaisseur
- la présence de chats aussi, ici dans un rôle nettement moins crucial que ceux de Kafka sur le rivage
- des liens distendus voire conflictuels entre les principaux personnages et leur famille
- des protagonistes dits secondaires typiquement hors norme selon les critères japonais : Kaoru l'ex-catcheuse aux cheveux blonds très courts, par exemple, dont la personnalité me plaît tout particulièrement.

Cette nuit en dehors de toute zone de confort pour Mari est aussi un passage vers une phase autre, presque une transition initiatique afin d'être révélée à elle-même grâce à ces fameuses rencontres.

A lire de préférence by night, pour être en concordance avec les personnages, cette lecture a le don de nous emporter sur les ailes oniriques que l'auteur déploie au-dessus de la capitale japonaise.

Évidemment, avec Murakami, mon objectivité tend à se réduire encore plus que d'habitude. J'aime ses mondes réels qui ne le sont pas toujours complètement, et sa faculté à dépeindre caractères et événements avec beaucoup de finesse, souvent avec de surprenantes comparaisons et qui me laissent rêveuse au sortir du dernier chapitre.
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Haruki Murakami a proposé un roman original et intéressant à lire.
Avec les histoires des 2 soeurs , Haruki Murakami décrit un amour fraternel vital.
La plus jeune des soeurs s'est lancée dans un parcours initiatique durant cette nuit alors que son ainée, en attendant l'évolution de sa soeur s'est arrêté de vivre.
Haruki Murakami a profité pour faire quelques digressions intéressantes comme son intérêt pour Jean-Luc Godard, la pègre chinoise au Japon, l'hypocrisie de certains salary men.
La mise en scène de l'étrange sommeil de la soeur ainée, est sans doute pour indiquer au lecteur que l'amour fraternel est surnaturel.
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Encore un livre de Murakami qui ne m'a pas déçue, bien au contraire. de toute façon, étant donné que j'adore cet auteur, je ne crois pas que cela pourrait être possible.

Ici, l'histoire - ou devrais-je plutôt dire les histoires - se déroule en sept heures, durant une nuit quelconque à priori dans une ville japonaise. Et pourtant, cette nuit n'a rien de banal car au cours de ces sept heures seulement va se dérouler une multitude d'évènements, des personnages qui n'auraient probablement jamais dû se rencontrer dans d'autres circonstances ou, pour certains, se revoir vont pourtant le faire cette nuit. Tel est par exemple le cas De Mari et de Takahashi. Pourquoi ces deux-là ne se seraient sans doute jamais revus ? Tour simplement parce que Takahashi connaît en réalité la soeur De Mari, Eri Assaï.
Mais bien des liens peuvent se créer au cours d'une nuit, en quelques heures seulement et c'est ce qui va en partie se produire ici. Je dis bien en partie car l'histoire est en réalité bien plus complexe que cela et bien des choses, aussi étranges puissent-telles paraître, peuvent se dérouler alors que toute la ville - ou presque - dort.

Un roman fantastique absolument envoûtant, comme tous les livres de Murakami que j'ai lus d'ailleurs, et qui laisse une grande part à l'imagination du lecteur. Tout dépend si ce dernier accepte de jouer le jeu et de croire à l'incroyable. C'est ce que j'ai fait et je n'ai pas pu m'arrêter dans ma lecture et que j'aurais bien aimé le livre fasse une centaine de pages de plus pour me permettre d'apporter des réponses à des questions qui resteront sans réponse...si ce n'est dans mon imagination !
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"Chaque homme dans sa nuit s'en va vers sa lumière " (Les contemplations - Victor Hugo) c'est de cela que nous parle Haruki Murakami dans son roman, au travers des déambulations nocturnes de ses personnages qui progressent, tous autant qu'ils sont, au gré du tic-tac immuable de l'horloge.

Ce roman est à mon sens l'un des plus atypiques de l'auteur, de part son style d'écriture qui est plus brut, plus épuré qu'à l'accoutumée mais aussi de par sa forme narrative. Murakami nous offre une histoire simple en apparence mais d'une profondeur psychologique exceptionnelle, accentuée par la minutie avec laquelle il nous décrit ses personnages.
Le récit est organisé à la manière de séquences cinématographiques, la narration est neutre, impersonnelle, l'auteur utilise le "nous", caméra embarquée et voix off, il nous fait toucher du bout des doigts, non sans un certain sentiment de voyeurisme jubilatoire, les personnages de sa vision d'un Tokyo sombre et mélancolique.
Il mélange savamment, comme à son habitude, le banal du quotidien et la fantasmagorie. Car oui Murakami est capable de nous décrire minitieusement une bouteille de lait "Takanashi" demi-écrémé et dans la seconde qui suit il est aussi capable de nous faire pénétrer dans les méandres obscures de son monde étrange et fascinant dans lequel dort d'un sommeil sans fin la belle Éri Assaï sous l'oeil terrifiant de l'homme sans visage, dans lequel se croisent les destins d'un joueur de trombone, d'une étudiante en mal de repères, d'une gérante d'un love hôtel, d'un salaryman en proie au vice et à la violence...

La nuit de Murakami appaise les âmes égarées et elle ne saurait exister sans musique. L'auteur dont l'on connaît la passion pour le jazz a truffé son récit de pas moins d'une douzaine de morceaux référencés, pour notre plus grand plaisir.

Won't you go away (little girl)
Wish you wouldn't stay (little girl)
Won't you go away (little girl)...
(Percy Faith - Go away little girl)

Bonne lecture !
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Quel puissant roman, sombre, fantasmagorique, énigmatique ! Il est facile à lire, les chapitres sont très courts et vous tiennent en haleine comme dans un bon thriller. le vocabulaire est simple, les personnages ordinaires vous ressemblent. L'écriture est sèche, saccadée, avec des solos magnifiques qui vous nouent les tripes. L'atmosphère est celle d'un film noir.
Au début, à 23h 56 vous survolez la ville comme un oiseau de nuit. Monstrueuse créature qui se régénère perpétuellement. "Agrégat" de corps interconnectés "qui clignotent au rythme des battements du coeur". Et puis vous plongez vers le centre-ville et plus exactement vers cette zone de néons multicolores où s'agglutinent les étudiants de retour de soirée, les prostituées, les rabatteurs de karaoké etc. Un monospace noir aux vitres opaques passe. Et vous vous rapprochez encore. Vous entrez au Denny's. Un restaurant sans charme appartenant à une chaîne. Et là vous vous fixez sur une fille attablée avec un gros bouquin.
Elle s'appelle Mari. Elle est étudiante en chinois. le genre banal et sérieux Elle lit un pavé. Elle n'a pas sommeil. Un gars nommé Takeshi qui porte un trombone s'installe à côté d'elle. Il l'a déjà vue avec sa soeur aînée Eri qu'il connaît.
Eri c'est une beauté. Dans le chapitre 2 à 23h56. elle est allongée et dort comme une belle endormie. Un torrent de cheveux noirs déborde de son oreiller. Elle est dans une pièce sans personnalité. Vous l'observez avec un autre observateur qui se cache et vole l'image de la belle. Vous voyez qu'elle est plongée dans un profond sommeil. A minuit vous entendez un grésillement. L'écran de la télé clignote. Il se passe quelque chose derrière l'appareil. Non, la télé est débranchée. Pourtant sur l'écran une image prend forme. Une pièce avec une chaise. Un type d'un âge indéterminé aux habits sombres et au visage caché y est assis...

Le roman fait alterner les deux récits le temps d'une seule nuit. Mari va se déplacer, quitter son abri de néons et son bouquin malgré elle, rencontrer des gens, une prostituée chinoise battue, des femmes blessées, d'autres coeurs solitaites qui vont lui parler, se livrer, lui donner. Eri, la belle endormie semble immobile. Rêve-t-elle ? Est-elle l'objet du rêve de sa soeur au physique banal ? de ce type inquiétant qui la regarde? de nous tous voyeurs ? Nous sommes tous complices semble dire Murakami, tour à tour victimes et prédateurs de la video surveillance, des images en général, du conformisme, du productivisme hyper moderne. Qu'est-ce qu'il reste d'authentique dans ce monde ? Comment y (re)trouver notre place ? Comment nous (ré)unir ?



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