"Chaque homme dans sa nuit s'en va vers sa lumière " (
Les contemplations -
Victor Hugo) c'est de cela que nous parle
Haruki Murakami dans son roman, au travers des déambulations nocturnes de ses personnages qui progressent, tous autant qu'ils sont, au gré du tic-tac immuable de l'horloge.
Ce roman est à mon sens l'un des plus atypiques de l'auteur, de part son style d'écriture qui est plus brut, plus épuré qu'à l'accoutumée mais aussi de par sa forme narrative. Murakami nous offre une histoire simple en apparence mais d'une profondeur psychologique exceptionnelle, accentuée par la minutie avec laquelle il nous décrit ses personnages.
Le récit est organisé à la manière de séquences cinématographiques, la narration est neutre, impersonnelle, l'auteur utilise le "nous", caméra embarquée et voix off, il nous fait toucher du bout des doigts, non sans un certain sentiment de voyeurisme jubilatoire, les personnages de sa vision d'un Tokyo sombre et mélancolique.
Il mélange savamment, comme à son habitude, le banal du quotidien et la fantasmagorie. Car oui Murakami est capable de nous décrire minitieusement une bouteille de lait "
Takanashi" demi-écrémé et dans la seconde qui suit il est aussi capable de nous faire pénétrer dans les méandres obscures de son monde étrange et fascinant dans lequel dort d'un
sommeil sans fin la belle Éri Assaï sous l'oeil terrifiant de l'homme sans visage, dans lequel se croisent les destins d'un joueur de trombone, d'une étudiante en mal de repères, d'une gérante d'un love hôtel, d'un salaryman en proie au vice et à la violence...
La nuit de Murakami appaise les âmes égarées et elle ne saurait exister sans musique. L'auteur dont l'on connaît la passion pour le jazz a truffé son récit de pas moins d'une douzaine de morceaux référencés, pour notre plus grand plaisir.
Won't you go away (little girl)
Wish you wouldn't stay (little girl)
Won't you go away (little girl)...
(Percy Faith - Go away little girl)
Bonne lecture !