Philippe Muray commence son Journal à l'âge de trente-trois ans, en 1978. Il a déjà écrit à cette date quatre ouvrages d'avant-garde (donc peu lisibles et presque indécelables dans la production du temps), marqués par l'idéologie et les modes intellectuelles, littéraires, de ces années-là. Il n'a pas encore trouvé sa propre voix, même si son regard sur les horreurs contemporaines commence à s'aiguiser et progresser en lucidité, ce dont nous profitons, nous lecteurs, en lisant ses Exorcismes Spirituels et son Empire du Bien, livres plus tardifs. Dans ce premier volume du Journal, on voit donc naître le
Philippe Muray que l'on connaît, on le voit se former et s'extraire des "scories" idéologiques de son temps. Cependant, il reste encore marqué par les tics et les modes de l'époque, et comme le lecteur ne retrouve pas le Muray qu'il connaît, il sera frappé par les défauts d'un diariste intellectuel, totalement aveugle au monde extérieur, obsédé de femmes, de sexe, de psychanalyse et de théorie du roman (c'est la grande époque structuraliste). Cette lecture m'a été pénible, mais je me garderai de déconseiller ce livre, qui contient des pages magnifiques et saisissantes, et peut intéresser un lecteur plus philosophe et théoricien que moi.