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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dom Antonio Manuel est ordonné prêtre dans son Kongo natal. La période est trouble : la fin du XVIème siècle, des bruits de plus en plus inquiétants arrivent aux portes de la région, c'est le commerce triangulaire dont les méfaits ne se sont pas encore fait sentir jusqu'à son village. Malgré lui, notre protagoniste se retrouve au centre d'une manipulation politique, jouet aux mains de son roi qui le nomme premier ambassadeur du Kongo au Vatican. Privilège dirions-nous. Mais privilège qui suppose de faire le voyage dans un navire négrier, avec escale en Amérique avant de pouvoir atteindre sa destination finale. Dom Manuel embarque donc. Et nous avec.
C'est toute la force des romans : dans leur dimension littéraire, ils nous font voir sous d'autres prismes ce que l'on peut appréhender rationnellement dans les livres d'histoires ou lors de visites de sites historiques. Une mer, deux océans, trois continents a fait éclater la paroi de verre derrière laquelle j'ai tendance à me protéger des horreurs du passé ; tout en gardant une luminosité difficile à expliquer, tant les aventures de Dom Manuel se révèlent amères.
C'est à cause des fleurs que j'ai acheté ce livre. Des fleurs de la couverture picorées par des flamands roses, une bien futile raison. Mais j'ai du mal à résister aux fleurs, ce qui est plutôt une chance en l'occurrence, tant j'ai apprécié ma lecture.
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Depuis un bon moment, je tourne autour du continent africain sans jamais vraiment réussir à m'y intéresser totalement. Je fais des incursions dans la littérature qui l'aborde, je feuillette des ouvrages écrits par des auteurs africains, mais je n'avais jusqu'ici pas réellement franchi le pas. Et pour un coup d'essai, c'est un coup de maitre. Je suis entré dans la lecture de ce roman avec prudence. Puis, je n'ai pas réussi à le lâcher.

Wilfried N'Sondé nous entraîne sur les pas d'un jeune prêtre africain, venu du Kongo. Autant le dire tout de suite, il ne partait pas gagnant auprès de moi, car je n'ai pas une grande sympathie pour l'église des XVIe et XVIIe siècles : guerres saintes, meurtres et massacres au nom d'une foi, enrichissement au détriment des plus faibles. J'en passe et des meilleures. Alors ce jeune candide avait tout pour m'irriter. Ce qu'il a fait dans les premières pages. Mais très rapidement, il a su gagner mon coeur. Par sa bonté, tout d'abord. Nsaku Ne Vunda a toujours porté sur le monde extérieur un oeil plein d'admiration et d'amour. Naïveté dirons-nous, à raison. La suite de son aventure se chargera de le lui prouver. Mais grâce à sa foi pleine d'empathie et non d'extrémisme (comme les Inquisiteurs qu'il rencontrera en Espagne), grâce à sa bonté d'âme envers tous les êtres humains (pas comme tous ces pourvoyeurs d'esclaves, qu'ils soient africains ou européens, fortunés ou non), il offre un regard émerveillé sur les autres. Et cela fait un bien fou. Les descriptions des paysages africains, des étendues liquides m'ont entrainé, m'ont fait voyager. Mais en sécurité, moi.

Car le voyage de Nsaku Ne Vunda ressemble plus à un chemin de croix qu'à une course sur une route pavée de miel jusqu'au Paradis. Et il lui en faudra du courage pour trouver encore des raisons d'espérer. À peine sorti de son petit village, de force, par les envoyés du roi du Kongo, il est confronté à la veulerie, aux intrigues, aux mesquineries. Et, partout, au trafic d'êtres humains. Et c'est ce qui m'a le plus marqué dans ce roman. L'omniprésence de cette pratique. Quel que soit le continent, quelle que soit la mer, quel que soit l'océan, l'être humain n'hésite pas à vendre son égal, jugé inférieur sur des critères tellement subjectifs que c'en est insupportable, afin de s'enrichir. Un noble n'hésite pas à échanger sa servante et leur enfant contre des marchandises ! Les habitants du Kongo ont été les premiers à se débarrasser ainsi de leurs criminels ou autres personnes jugées incompatibles avec leur société. Mais quand cela n'a pas suffi, ils n'ont eu aucun scrupule a attaquer les villages voisins et réduire en esclavage, afin de les vendre aux Portugais, ceux qu'ils côtoyaient peu de temps auparavant.

Nsaku Ne Vunda va donc être témoin de toutes ces horreurs. Comme dans tout roman d'initiation, cela va le faire mûrir, va dessiller ses yeux de petit provincial, heureux de sa routine confortable et ignorant de la misère qui l'entoure. Mais il ne va pas céder devant cet afflux de monstruosités. Au contraire, il va absorber toutes les douleurs rencontrées, garder en mémoire tous les destins brisés. Et devenir ainsi le porteur de ces souffrances. Afin qu'aucune de ces victimes ne soit oubliée. Afin que ces injustices ne restent pas impunies. Sur le monde des hommes ou dans l'univers de Dieu.

Vous l'aurez compris, Un océan, deux mers, trois continents est un livre qui m'a touché, révolté (même si je ne découvrais pas grand-chose, mais le style de Wilfried N'Sondé est efficace pour atteindre les coeurs) et dont je ne peux que recommander fortement la lecture.
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Un océan, deux mers, trois continents, c'est le chemin que va parcourir un homme né sur le continent africain, dans le grand royaume du Kongo vers le Brésil puis l'Europe pour délivrer un message au Pape.
Nsaku Ne Vunda est né en 1583, immédiatement orphelin, il est élevé par des missionnaires et devient prêtre. Au début du 17ème, son roi Alvaro II le convoque pour lui demander d'aller à Rome où il sera ambassadeur et demandera au pape de mettre fin à l'esclavage. le roi a largement bénéficié des revenus de la vente de prisonniers mais il craint maintenant pour son âme.
Don Antonio Manuel, de son nom de prêtre va donc embarquer… sur un négrier français vers le Brésil où sera vendue la cargaison et achetées des épices. Il se lie d'amitié avec un mousse breton, est enlevé par des pirates avant de faire un séjour dans les geôles de l'Inquisition espagnole, et d'être mené à Rome où il meurt.
C'est du moins ce que nous raconte Wilfried N'Sondé dans ce très beau roman inspiré par une figure historique que lui a fait connaître son frère historien.
Quel a été réellement le périple de cet ambassadeur, difficile de le savoir, on trouve peu d'éléments sur la Toile.

Une très belle écriture, un roman que j'ai lu avec beaucoup de plaisir.
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Rien ne prédestinait Nsaku Ne Vunda, devenu Dom Antonio Manuel à effectuer le voyage qui l'amènera des rives africaines de son natal Royaume du Kongo jusqu'au Vatican.
Orphelin dès sa naissance en 1583, recueilli par des parents adoptifs qui vont croire en lui il deviendra le premier prêtre noir de l'Église catholique.
Mais il est si populaire que certains pontes de la jeune Eglise du Kongo vont vouloir l'éloigner.
Alvaro II Roi des Bakongos va alors l'envoyer en mission auprès du pape pour requérir sa protection et libérer le Royaume du Kongo du joug des portugais.
Ce n'est qu'au moment d'embarquer dans le port de Luanda que Dom Antonio Manuel apprend que le navire que lequel il doit partir ne va pas rejoindre tout de suite l'Italie.
Il part pour le Brésil avec sa cargaison de « bois d'ébène » hommes, femmes et enfants captifs détenus dans les conditions les plus ignobles qui soient et destinés à être vendus comme esclaves dans le Nouveau Monde.
Dom Antonio Manuel fera la connaissance sur ce bateau de Martin un jeune mousse qui sera le seul à lui prêter quelque attention, les autres membres de l'équipage auraient bien plutôt envoyé ce prêtre noir rejoindre le rang des enchainés dans la cale du navire.
De longs mois de voyage et de calvaire.
Mais le temps passé au Brésil ne sera pas meilleur et la route du retour vers l'Europe tout aussi semée d'embuches.
Leur bateau sera pris d'assaut par des pirates qui écumaient les mers en ce début de 17ème siècle et seul Dom Antonio Manuel> et le mousse seront épargnés.
Bien des semaines et des péripéties encore avant de pouvoir accoster à Lisbonne.
Et de là il leur faudra encore rejoindre l'Italie et pour cela traverser l'Espagne dans laquelle règne la terreur de l'Inquisition.
Inquisition dont Dom Antonio Manuel sera l'une des victimes.
Il réussi toutefois à rejoindre le Vatican pour y mourir dès son arrivée en janvier 1608 totalement épuisé par son errance et les terribles conditions de ce voyage, trois ans après être parti de Luanda.
Un superbe roman qui oppose l'amour et la croyance de Dom Antonio Manuel en un monde meilleur, à la pire des noirceurs de l'âme humaine.
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Peut-être avez-vous déjà été dans la Basilique Sainte Majeure à Rome. Une petite statue de marbre noire nommée Nigrita vous observe. Une statue sculptée en 1608 sous les ordres du Pape Paul V.

Cette statuette nous raconte sa vie par la jolie plume de Wilfried N'Sondé.

C'est en 1583 que Nsaku Ne Vunda voit le jour sur les rives du peuple Kongo. Il naîtra orphelin. Sa famille adoptive le confiera à des missionnaires car il est vif d'esprit. Il étudiera, deviendra prêtre sous son nom de baptême Dom Antonio Manuel. Un jeune prêtre apprécié dans son village.

Le 24 décembre 1604, il sera convoqué chez le roi Alvaro II, le roi du Bakongo. Celui-ci lui confiera la mission d'ambassadeur auprès du Vatican . Objectif officiel, représenter au même titre que les européens, les Bakongos auprès du pape Clément VIII.

Sa mission secrète sera, lui confie le roi, de dénoncer l'esclavagisme, de plaider auprès du souverain pontife pour l'abolition de celui-ci. Si Nsaku Ne Vunda a été choisi c'est parce qu'il est a des lieues des personnes corrompues qui l'entourent, il est reconnu pour son honnêteté.

Notre jeune prêtre, candide , embarque sur le navire français "Le vent paraclet". Il doit faire face à l'équipage qui ne comprend pas les égards et le respect donné à un "noir". le voyage sera long car il faut faire un détour par le Nouveau Monde pour y livrer la cargaison. La cargaison parlons-en, un réel choc pour Nsaku Ne Vunda car elle se compose de ce qu'il va dénoncer; des esclaves !

Des esclaves traités de manière inhumaine, entravé par des fers et des chaînes. Des femmes dont la nudité leur fait honte, violées, maltraitées. Ils sont tous enfermés dans la cale, entassés les uns sur les autres dans des conditions innommables.

Il va devoir endurer tout cela grâce à sa foi, se convaincre que c'est pour en sauver des milliers d'autres qu'il supporte cela en silence. La compagnie d'un mousse français l'aidera en lui apportant de l'humanité et de l'amour. Un mousse qui a quitté un autre esclavage: le servage...

Ils se dirigeront vers le Brésil, bravant les tempêtes dans ce long voyage, subissant les attaques de pirates pour arriver après avoir traversé un océan, deux mers et trois continents au Portugal, continuant sans relâche son périple pour Rome. Il devra encore affronter l'inquisition espagnole avant d'arriver à bon part à Rome en 1608.

Ce récit est à la fois un roman d'aventure, de pirates mais aussi une initiation, une formation. Ce Candide possédant comme seule arme sa foi est un personnage fort et attachant.

Un roman fort dénonçant l'esclavage, le servage, l'inquisition espagnole ou comment l'homme peut en asservir d'autre et de quel droit. Un roman qui nous parle de la nature humaine qui forme un tout, une partie de l'homme qui est capable du pire et une autre comme le personnage de Martin qui va apporter de l'amour et de l'humanité. Wilfried N'Sondé ne nous parle-t-il pas des deux facettes de l'être humain qui se complète... compassion , amour et horreur ! En effet l'Homme est possible du meilleur comme du pire.

L'écriture est percutante, poétique. La plume est flamboyante, colorée, ciselée avec des envolées lyriques qui nous font apparaître des images très réalistes.

Une très belle histoire qui interpelle sur la nature humaine.


A lire.


C'est un coup de ♥

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J'ai beaucoup aimé ce livre. L'histoire de cet homme de Dieu qui voudra avec l'aide des plus élevés sur le trône de la religion faire stopper le racisme, l'esclavage et la ségrégation. Mais le chemin sera long, ardu.

Mettant en péril sa vie pour y arriver, il subira des moments tellement difficiles, de la souffrance physique et morale, du chagrin de ne pouvoir faire plus pour aider les malheureux qui sont sous le joug de vendeurs, torturés, humiliés, tués, il ne peut que prier pour mener à bien son but.

Il vivra une amère désillusion après un si long chemin, quand il verra le Pape Paul V, observant que tout n'est que pouvoir, prétention, vanité, ambition personnelle, intérêts, finances et influence par lui et son entourage. Il aura par contre la chance de faire une belle rencontre et aux moments les plus difficiles il pourra s'évader dans ses souvenirs, garder le courage, ne pas renoncer. Il est habité, brave, profondément croyant, rempli de bons sentiments mais navigant aussi parfois dans la culpabilité lié à certaines émotions qu'il va vivre.

Quelle traversée, quel aventure que ce récit. J'en sort émue, c'est un livre qui restera longtemps dans ma mémoire. Cela se passe dans les années fin 1500, début 1600, et on ne peut que faire l'analogie avec ce qui se passe actuellement dans notre monde.
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Imaginé par l'auteur, ce bon roman dont la fin est vraie nous emmène dans le périple bien écrit et documenté d'un prêtre très croyant et idéaliste envoyé par le roi du Kongo pour être son ambassadeur auprès du Pape. L'histoire maritime et les moeurs de l'époque nous sont exposées à travers les péripéties évoquées. Nous rencontrerons la traite humaine, les pirates, la sainte-inquisition. Est-il utopique d'avoir foi en les hommes et les dieux?. Une aventure dérangeante qui fera réfléchir tout lecteur.
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Peut-être connaissez-vous Nigrita, cette statue de marbre noir de la Basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome. Elle représente Nsaku Ne Vunda, le premier ambassadeur africain au Vatican.
Wilfried N'Sondé nous raconte son périple d'Afrique en Europe en passant par le Brésil, témoin candide du commerce triangulaire, de l'Inquisition espagnole et de toutes les bassesses humaines.

Né à Boko en 1583, héritier d'un peuple créé par neuf matriarches dans une région de marais ( ce qui n'est pas sans me rappeler l'excellent roman de Léonora Miano, La saison de l'ombre), Nsaku Ne Vunda est orphelin, adopté par une famille aimante. Envoyé à l'école des missionnaires, il devient prêtre dans sa ville natale où les rafles sont de plus en plus fréquentes depuis l'arrivée des Portugais. Pourtant il doit renoncer à sa petite chapelle lorsque le roi des Bakongos, Alvaro II l'envoie à Rome comme ambassadeur au Vatican afin de témoigner sur le commerce inhumain des Portugais auprès du pape Clément VIII.
Ce qui était au niveau local un don de personne était devenu sous Alfonso Ier, précédent roi du Kongo, un commerce avec les Portugais. Des esclaves contre des armes et des ouvriers spécialisés.
« Notre société se transforma en un dangereux système de prédation générale. »

Le prêtre noir embarque sur le vent Paraclet, ignorant que la cale sera remplie d'hommes, de femmes et d'enfants esclaves à débarquer au Brésil. C'est en voyant ces colonnes d'esclaves enchaînés, marqués au fer qu'il comprend l'importance de sa mission.
Et il n'est qu'au début de cette traversée de l'horreur. Quel affreux dilemme humain! Supporter l'impossible, sacrifier des centaines d'âmes pour peut-être en sauver des milliers en allant au bout de sa mission. Seul, Martin, un jeune mousse originaire d'une campagne française l'aidera à trouver un peu d'humanité sur ce navire, tout en cachant lui aussi un étrange secret inhérent à d'autres discriminations.
« C'était un immense soulagement d'entendre Martin évoquer la spiritualité, elle qui plante des merveilles infinies dans les yeux. »

Dans son village africain, Nsaku Ne Vunda ne voyait que le calme et la beauté du paysage, la foi de ce peuple pétri de mysticisme, comment peut-il concevoir le raisonnement abject du Nouveau Monde qui hiérarchise les êtres humains sur une échelle qui en relèguent certains au rang d'animal?
C'est sur un bateau de pirate que le prêtre et Martin finiront leur route vers le Portugal en août 1606. Lisbonne se révèle bien loin du faste de l'Europe vanté par les missionnaires.

« J'ai traversé deux fois l'Atlantique, voyagé en trois continents pour retrouver la même image que celle des esclaves bakongos dans le flou de la brume. La même détresse. Les mêmes plaintes. le claquement des fouets. Les sanglots, les traits défaits sous la souffrance. »

Pour protéger Martin, le prêtre s'échappe espérant rejoindre un monastère vers Madrid où des alliés pourraient les aider à rejoindre Rome. Autre horreur de l'humanité. Les deux fugitifs sont poursuivis par la Sainte Inquisition Espagnole, « ceux qui s'érigeaient en propriétaires de la vérité totale et absolu. »

Wilfried N'Sondé s'empare du destin exceptionnel de Nsaku Ne Vunda (1583-1608) pour nous emmener dans un voyage tumultueux au coeur de la folie des hommes.

Un roman qui conjugue histoire, aventure et réflexion, un roman universel et intemporel qui confion, « les autoproclamés gardiens de la foi, embourbés dans le marais du dogme ».
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Ce livre constitue à la fois un excellent roman d'aventures et la biographie romancée d'un personnage historique qui a réellement existé, Nkasu Ne Vunda, baptisé Dom Antonio Manuel le jour de son ordination, chargé au début du dix-septième siècle par le roi du Kongo Àlvaro II de devenir son ambassadeur auprès du Pape.
Nkasu Ne Vunda a quitté le calme de sa terre natale pour accomplir sa mission et aller jusqu'à Rome. Il a découvert au passage l'horreur du commerce triangulaire, mais pas seulement, car un peu comme dans les romans de Jean Teulé et dans la réalité, la planète entière semblait alors baigner dans le même cortège d'atrocités. Pourquoi vivre en harmonie quand on peut faire souffrir son prochain au risque que ça nous retombe dessus ? Plus réaliste que "Candide", aussi désabusé, moins ironique mais tout aussi bien écrit, ce roman de 287 pages très bien documenté et instructif aussi bien sur l'histoire du Congo, la papauté au début du dix-septième siècle ou l'univers de la piraterie est à lire absolument, même si sa lecture renforce l'idée que l'homme est vraiment un loup pour l'homme, à de rares exceptions près.

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J'en suis déjà à ma deuxième lecture de Wilfried N'Sondé, auteur né à Brazzaville et ayant grandi en France, puis à Berlin. J'avais lu son livre le silence des esprits, qui m'avait beaucoup touchée par sa poésie douce amère de la vie et l'impuissance humaine face au hasard.

Dans un océan, deux mers, trois continents, on découvre l'incroyable épopée de Nsaku Ne Vunda, du Congo du 17e siècle à Luanda, puis jusqu'à Rome via...le Brésil et le Portugal. La narration se présente à travers trois prismes : le récit de Nsaku Ne Vunda à la première personne, ses rencontres, son ressenti face à ses compatriotes réduits au rang d'esclaves ; les mythes et légendes sur l'origine du Congo, et enfin des anecdotes historiques sur des personnages que l'on rencontre au fur et à mesure du récit. Ces trois modes de narrations s'alternent, et permettent d'avoir une vue d'ensemble de la vie de Nsaku Ne Vunda mais également du contexte historique et géopolitique de l'époque.

Les thèmes abordés sont multiples et très bien amenés : la religion bien sûr, et la manière dont elle s'insère sans heurt dans les croyances ancestrales congolaises, mais aussi les dérives dont elle est l'objet, notamment en Espagne où sévit l'Inquisition. On rit jaune de la naïveté de Nsaku quant à la bonté du pontife, plus préoccupé par son influence amoindrie sur les nations ibériques que par l'appel humaniste à abolir l'esclavage. La question de l'esclavage a suscité mon intérêt par la manière dont elle est traitée : il est rare d'avoir le point de vue d'un noir qui ne peut s'opposer à la façon dont sont traités ses compatriotes : rabaissement permanent, consultations médicales humiliantes ; les hommes et les femmes enfermés sur le navire sont terrifiés et préparés à leur condition d'esclave. L'auteur s'attarde également sur les différentes formes d'esclavage existantes : l'enrôlement de force des mousses, la pauvreté subie de certains Européens font que leur condition ne diffère finalement que peu des esclaves naviguant vers le Brésil.

Les réflexions du protagoniste principal quant à la théorie biblique et son application pratique, ou plutôt les raisons valables à ne pas respecter les écritures, donnent par moment une dimension philosophique au récit.

Et si la candeur et l'amour de la vie de Nskau ne parviennent pas à rétablir la justice, je n'en ai pas moins trouvé la fin sublime. Une très belle découverte d'un auteur que j'ai bien l'intention de relire !
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