Pourquoi l’homo sapiens, génétiquement et physiologiquement uniforme, devait-il parler des milliers de langues mutuellement incompréhensibles ?
D’un point de vue mythologique, Babel est présenté comme un trauma immémorial, présent dans toutes les cultures, toutes les communautés ethniques. C’est la mémoire d’une séparation première, de la fragmentation d’une langue initiale, vécues comme une catastrophe, qui a toutes les apparences du châtiment divin.
Nous sommes un primate pourvu de la capacité d’user de métaphores. Voici comment Steiner nous définit. En nous identifiant comme « animaux doués de langage », nous faisons nôtre l’idée que les mots construisent la mémoire et expriment le futur.
Rien ne nous avait préparés à un 20ème siècle dont l’horreur battit des records, à travers, notamment, deux guerres mondiales qui firent 70 millions de victimes. Pourquoi la culture n’a-t-elle rien empêché, pourquoi les arts ont-ils été parfois l’ornement de la barbarie, pourquoi les humanités, la raison ne nous ont-elles donné aucune protection devant l’inhumain ?
Les partisans de la traduction ne pourront éluder la question du degré de fidélité à l’original auquel on doit se contraindre.
Donner le goût de la pensée de George Steiner est, pour lui, son humble tribut à ce que nous appelons la culture.