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EAN : 9782072981357
160 pages
Gallimard (02/02/2023)
3.8/5   10 notes
Résumé :
Lily vit chez sa tante Ida dans un petit village. Lors de ses promenades, elle se remémore Saint-Germain des-Prés, sa vie parisienne et littéraire. Un parallèle se construit entre sa nouvelle vie à la campagne et son passé. Elle évoque son enfance, la mort de son père, l'internement de sa mère alors qu'elle découvre le langage et le quotidien de son nouvel environnement. Premier roman.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Aguiché par la délicate critique de Sophie Songe, j'ai plongé dans L'envers des ombres, premier roman de Céline Navarre, qui embarque le lecteur des sournoiseries vosgiennes aux turpitudes germanopratines.

Lily parcourt avec la fleur au fusil les Vosges Saônoises (Luxeuil et les Mille étangs) … promenade bucolique dans les campagnes, les bois et les villages, au milieu d'une flore et d'une faune contemplées avec poésie et d'un peuple s'exprimant dans le savoureux patois Saint-Loupains. Ballade alternée avec ses déambulations parisiennes dans le quartier latin, la Rue Montorgueil, les bords de Seine et leurs bouquinistes, les maisons d'éditions et leurs annexes (bars, brasseries, et autre lieux où il faut être vu, sans se préoccuper d'être écouté). Ceci est joliment fleuri.

Les ombres de ses parents obscurcissent le décor : son père repose au cimetière communal, accidenté après une vie de labeur dans la sciure d'une usine produisant des panneaux d'agloméré ; sa mère est internée dans un hôpital psychiatrique. L'ombre d'un éditeur hante ses cauchemars.

L'envers des ombres, ce sont les accidents automobiles, les femmes battues, l'alcool et le tabac, la précarité des jeunes diplômés, les prédateurs sexuels qui permettent à la romancière d'armer son fusil et d'abattre d'un trait de plume ses adversaires.

Cécile Navarre ne se contente pas d'écouter, d'observer, de sentir et de comparer « je ne peux entrevoir la réalité qu'à travers les images de cinéma », elle dénonce, d'une écriture aiguisée et poétique, parfois caricaturale, souvent humoristique, les drames qui jalonnent l'existence. Enfance, adolescence, entrée dans la vie active, autant d'ombres avec leurs envers, qui éduquent et arment Lily.

« La vérité est si petite à dire, et le conditionnel, cette jolie grammaire de l'impuissance », conclut la romancière en signant un premier roman aussi évocateur que prometteur. Quel style !
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Entre Paris et les Vosges saônoises, Lily fait écho à ses souvenirs d'enfance et à ses débuts dans le monde de l'édition. La plume de l'auteure est sensible et pointilleuse pour décrire la fragilité, les manques, les défaillances.

Sublime de férocité, les paradoxes s'opposent dans un face-à-face subtil, jusqu'à se superposer. Les mots s'animent dans une diatribe volubile et hypnotique, où l'on est tantôt séduit, tantôt sidéré, mais toujours torturé.

C'est le récit d'un voyage intérieur, d'un retour aux racines, d'une fuite vers l'inconnu, et surtout, d'une sans-doute furieuse quête insolente de réparation, trait d'union entre la femme et l'enfant.. C'est un trait d'union entre la femme qu'est devenue Lily et l'enfant qu'elle a été, une exploration profonde et intime de l'âme humaine à travers les âges.

Ce premier roman, publié avec l'élégance caractéristique de Gallimard, a été distingué par une nomination au prestigieux prix Flaubert du premier roman. C'est un hommage à la puissance de la littérature qui peut capturer les nuances les plus subtiles de l'existence humaine.

À Céline Navarre, nous souhaitons un succès bien mérité, car elle nous a offert une oeuvre riche en émotions, en réflexions et en beauté, un reflet saisissant de la complexité de la vie et des relations humaines.
Lien : https://www.sophiesonge.com/..
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COUP DE COEUR !
Magnifique premier roman !
Une plume poétique qui effeuille le monde avec une délicatesse qui force l'admiration. Celine Navarre a "le regard lucide des gens qui voient". On est progressivement emporté par ce roman dont la puissance monte crescendo jusqu'à une chute magistrale.
Je l'ai lu d'une traite.
Un très beau roman à lire absolument
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Soudain, sa figure ressemble à autre chose qu’une figure. Au milieu d'une phrase, tous les traits de son visage s'animent, se crispent, ne font qu’une grimace de gargouille, se mettent en boule de papier brouillon. Il cligne plusieurs fois des yeux très rapidement, étire sa mâchoire inférieure, puis il souffle sur sa frange, cligne à nouveau des yeux, désarticule sa mâchoire inférieure. Aucun son ne sort de sa bouche grande ouverte. Les bonbons sur la langue sont minuscules comme des billes d’homéopathie.

Je m'entends avaler ma salive. J'essaie de me rappeler si ce visage dégoupillé n’est pas celui des stigmates d'un AVC. Dois-je courir au comptoir pour alerter notre garçon q’un un malaise se prépare ? J'en suis la lorsque l'éditeur termine sa phrase pleine de soubresauts, en soufflant avec sa lèvre inférieure sur sa courte frange. Il semble disposer à nouveau de toutes ses facultés. Sa mâchoire inférieure remue de gauche à droite puis reprend place sur ses dents du haut. Il poursuit l'historique de la création de sa maison d’édition en 1997. Je fais comme si de rien n'était, réalisant que Pierre Babel est simplement secoué et démangé de tics nerveux. Je hoche poliment la tête. Je me concentre sur la petite crasse, ainsi peut-il croire que je le regarde dans les yeux.
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Les papillons émoustillés dansent en poudroyant sur les robes imprimées des femmes, leurs bijoux, leurs breloques, leurs yeux, leurs chevelures folles et floues brillent dans des ronds de soleil. Les tatouages sur les chevilles, aux nuques, les vernis colorés aux orteils donnent à celles qui les portent des airs de léopards civilisés, de fauves élancés dans la ville chaude. Les enfants aux grands regards liquides rient dans la poussière soulevée du jardin. Ils craillent comme des oiseaux, réclamant à leur nourrice de les hisser plus haut, plus fort encore, sur la balançoire.

Les rues reprennent leurs contours. La lumière sur la rue Mazarine ne connaît jamais la nuit, le dome de l'Institut éclate. Ce Paris de carte postale que l'on plierait volontiers en quatre pour que les histoires ni ne boitent ni ne tremblent.
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Après la chanson, une voix grave et masculine énonce les informations quotidiennes. Dans les Vosges saônoises...

J'entends : les Vosges sournoises. Au prénom de Maman, nos visages s'attristent. Tante Ida et Edmond échangent un regard résigné, un mouvement d'épaule. Ils ne se tournent pas vers moi. J’ai honte, j'ai honte de m’être laissée aller à danser, chanter, d'avoir laissé Maman un petit temps, d'avoir tourné en derision les paroles de cette chanson.

Les yeux gris de mer de Tante Ida changent d'intensité. Elle reprend sa cigarette. Edmond se passe la main sur la barbe. Liza retire son casque, nous regarde et se retire dans la maison, refermant la fenêtre derrière elle. Tante Ida allume une autre cigarette avec la braise du mégot de la précédente. Dans les Vosges saônoises, les recherches se poursuivent toujours pour retrouver Jeanne, 52 ans, disparue de la clinique psychiatrique depuis quatre jours...
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Je suis légèrement en avance, l'éditeur n’est pas là. Je choisis la table sur le rebord de la terrasse, vers les journaux posés en éventail. Je commande un expresso au garçon aux cheveux crantés comme George Sand. Je lui précise que j'attends quelqu’un. Il me sourit, me dit On attend tous quelqu'un, mademoiselle. Une femme parle au téléphone en tâtonnant son oreille piquée d'une jolie perle platine. Elle est vêtue d'une légère tunique dont les manches glissent sur les poignets. Elle dit Je suis vegan, mais uniquement de l'intérieur, c'est-à-dire que si vous m'offrez un sac à main en cuir, Jean-Louis, je n’y vois aucun problème.
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Un matin, Maman dénoyautait une passoire de cerises sur un prospectus d'Intermarché. Les Triscottes étaient en promotion. J'aimais bien les Triscottes parce que quand Papa parlait et que j'en mangeais, je n’entendais pas les phrases en entier. Cela pouvait me laisser croire qu'il disait peut-être quelque chose de gentil. Il y a tant de façons de ne pas vouloir entendre.
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