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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai relu ce livre depuis une petite semaine : un livre de ceux que chaque lecteur rêve de croiser dans sa vie, de ceux qui nourrissent l'âme, qui font espérer en l'espèce humaine, qui font regarder l'existence avec d'autres yeux...

Georges Navel né en 1904, écrit là à la fois un récit autobiographique, exprime tout autant une philosophie de vie, raconte le monde ouvrier de ce début de siècle, observe la vie de ceux qui l'entourent.
Son style se veut intime mais tout en retenue, se veut jugement sans amertume, se veut espérance sans illusions.
Il demeure, au fil des phrases, discret sur lui tout en se dévoilant et confessant ce qui l'aide à avancer dans sa vie. La misère est sa compagne mais la liberté l'emporte sur tout regret de possession.


Quand il évoque son père, déjà âgé, confronté aux dures taches des fonderies, qui avance sans se plaindre, et qui trouve réconfort dans le vin bu au café en compagnie de ses compagnons de travail, qui vivent les mêmes tourments que lui, c'est le regard de l'enfant, parfois plein d'incompréhension qui se voile devant tant de détresse et c'est la main maternelle qui encourage ne jugeant point, se voulant appui quand tout se dérobe.

Ce coeur maternel, cette femme toujours à l'ouvrage, toujours gaie, toujours chantante, qui lui donne le goût des jardins et des bois, qui lui fait entendre la mésange ou le crapaud, qui jamais ne se lamente, treize enfants sont nés mais sa volonté de joie dans sa vie est intacte.

Quand il parle de son compagnonnage, c'est au Fred Barthélémy de "La mémoire des vaincus" que l'on songe, celui qui se réalise dans cet art professionnel maîtrisé, cette richesse acquise, qui grandit dans la vie communautaire, qui subit mais finalement subir à plusieurs aide à mieux supporter, quand l'un baisse la tête, c'est l'autre qui encourage...

Quand il évoque le regard de l'enfance sur la vie familiale bousculée par les luttes pour vivre plus décemment, on pense à Louis Guilloux, à ses récits qui redonnent vie à ces âmes dignes, à ces gens de peu qui avancent au prix de sacrifices, plaçant l'honnêteté et la solidarité au rang des premiers engagements, à ces êtres qui cultivent le mot "Liberté" au sens anarchiste du terme...

Il parle de l'Algérie en on pense à Albert Camus, cette douceur du regard, cet humanisme constant, jamais de colère, une dignité de tout moment même quand l'homme est floué. L'Algérie les relie et le même élan vers la nature, celle qui ressource et qui redonne la volonté de repartir, de continuer le chemin, la lutte...

Georges Navel est de ceux que l'enfermement emprisonne, que le toit rend aveugle, que la porte fermée asphyxie : il aspire à trouver besogne au grand air, même si le pain gagné est plus rude , même si le travail y est plus hostile, même si l'exploitation se fait plus criante, au moins ne subit-il pas le bruit des machines des ateliers et la pénombre des jours qui n'en font finalement plus qu'un qui s'étire.

Il y a ceux qui usent de ces hommes, ceux qui les exploitent, ceux qui les affaiblissent un peu plus chaque jour. Georges Navel n'éprouve aucune colère, de l'incompréhension, de la stupeur, mais toujours, sa liberté vaut toute richesse. Il n'a rien mais ne veut davantage.

Il est l'aède de ce monde des "petits", de ceux qui besognent, de ceux qui espèrent en un monde différent, plus juste, plus partagé. Combien en verront l'aube ?


"La providence, écrit Ozanam, met des poètes dans les sociétés qui tombent, comme elle met des nids d'oiseaux dans les ruines pour les consoler"
Georges Navel est bien l'un de ceux-là qui "voient et perçoivent" ce que beaucoup ignorent ou n'appréhendent. Sa flamme le dévore mais son espérance le nourrit. Abattu, mélancolique, il renaît devant le bourgeon qui éclot ou la grive qui fait son nid...
Georges Navel est poète, un homme dont le regard se fait velours sur tous et toute chose, un homme qui apprend à apprivoiser le quotidien dans sa beauté et ses contraintes pour en tisser une existence indigente mais comblée. Lire son écriture, c'est s'émerveiller, réapprendre à ouvrir le regard, à quitter le superficiel pour "pénétrer" toute chose...


Un livre à lire et à relire - et c'est ce que je viens de faire avec un immense plaisir, mon avis de lecture n'en étant que plus long à lire, j'en suis désolée ! - , oserais-je dire une "bible" de la vie acceptée dans tout ce qu'elle signifie de bonheur simple et de félicité ?


(relecture de Septembre 2022)
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En cette toute première journée de cette nouvelle année 2014... j'ai envie de mettre à l'honneur... ce récit autobiographique de Georges Navel. J'avais quelque peu oublié les "pépites" de ce texte... A travers ce choix ancien , je souhaite à tous les amis Babelio, que nos compagnons communs, Les Livres...continuent à nous "apprendre" et à "aiguiser" notre regard sur les êtres et tout ce qui nous entoure... Georges Navel a un regard unique, qui transfigure les réalités les plus obscures, les plus simples...


Comme l'a exprimé fort justement gill ce texte est parmi les plus beaux livres de la condition ouvrière...écrit par un ouvrier-poète au lendemain de la guerre... et que nous pouvons lire et découvrir aujourd'hui grâce à son ami, Paul Géraldy, qui l' a , après le bonheur de l'entendre raconter, encouragé à en faire un livre.
Pour ma part , le "passeur" a été Michel Polac, un certain samedi soir 27 mars 1982 [indication que j'ai prise le temps de noter sur mon "Folio"], parlant avec son enthousiasme légendaire, de ce texte ,à son émission "Droit de réponse"....

Je refais la découverte de ce texte avec un regard différent et une attention accrue, des années après. Une langue magnifique, une manière neuve de "dire", "décrire" les choses , au demeurant, les plus anodines...avec panache. Un récit à lire, savourer doucement ...tout doucement !...

Au hasard, je tombe sur une image incroyable... Navel décrit la simple rencontre de sa mère, femme modeste et méritante rencontrant dans le village "une vieille demoiselle de la bourgeoisie de province du genre très bien" .... et suit... cette infime morceau de phrase qui transfigure le paragraphe entier : "C'était du carreau de vitrail qui passait (...) D'instinct ma mère aimait les riches, leur distinction, comme du linge bien blanc après le passage au bleu et une bonne lessive" (p. 25)

La préface de Paul Géraldy a de surplus le mérite et la qualité de mettre ce texte et son auteur, dans son vrai contexte, avec la force de conviction et -de l'Ami et - de l'Ecrivain, qui apprécie un autre lui-même !

"j'ai souhaité qu'il en fît un livre. Il m'a semblé que dans un temps où les cloisons sociales craquent et se disloquent, la poésie bourgeoise, sur laquelle nous vivons, que je suis loin de renier, à laquelle j'ai été et reste très sensible, était tout de même fatiguée, et tout de même insuffisante, et ce poète ouvrier qui à la passion du "jouir" substitue la passion du "faire", arrivait opportunément. (...)
Un jour, il m'a écrit: "J'ai terminé mon livre. Cela me dépasse un peu d'y être arrivé. Je crois que l'essentiel est dit, que je peux casser l'encrier. Pourquoi devenir écrivain ? J'ai d'autres tâches qui m'attendent, me préparer pour la saison." Je le laisse dire. Il a besoin, je le sens bien, d'activités physiques pratiques. Il ne vivrait pas bien sans un contact direct avec les objets et les bêtes, sans attaches avec le sol. (p.12-13)

" Amour ? le mot a trop servi, trop porté les rêves des hommes. Ce n'est plus qu'un mot creux, faussement prometteur, un peu écoeurant à la fin. Mais peut-être que- bienveillance-...
Navel est bienveillant pour l'homme et pour les choses. Il leur parle d'une voix claire, avec des mots sensibles, frais, lavés et rajeunis par cette lumière du coeur" (p.14)
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Ce livre est de ceux dont on regrette un peu de tourner la dernière page, mais dont on sait déjà qu'on pourra y retourner picorer un peu de plaisir, au hasard des chapitres. Ces chapitres sont en effet presque indépendants les uns des autres, même s'ils suivent plus ou moins une trame chronologique. Mais là n'est pas l'intérêt. Georges Navel nous narre sa vie de prolétaire, tour à tour ouvrier d'usine, terrassier, journalier. Il est avant tout un incroyable conteur, qui nous fait partager tout à la fois les difficultés de cette vie et son émerveillement devant la nature, la maîtrise du geste, le monde. le livre n'est pas militant, et il n'en est que plus fort lorsqu'au détour d'une phrase sont évoqués avec pudeur le chef de chantier peau de vache, le patron grippe-sou, mais aussi la solidarité de ceux qui n'ont rien. J'ai particulièrement apprécié le chapitre sur les terrassiers, hymne à la liberté qui ne cache rien de ce qu'elle coûte : liberté rime souvent avec pauvreté en ces années trente. Enfin, toujours par petites touches, Georges Navel se fait parfois philosophe, et aborde l'importance de l'attention, du geste juste, la valeur de l'émerveillement, et une vision du bonheur que n'auraient renié ni Épicure, ni Lucrèce lorsqu'il se déclare "heureux comme le sont les bêtes (...) lorsque la faim ne les tourmente pas et que tout cause de douleur est absente". Georges Navel nous offre un bel exemple de frugalité, de simplicité et d'humanité, sans lourdeur, et dans des pages d'une grande beauté. Merci, Monsieur Navel.
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Ce livre est présenté en 4ème de couverture comme un formidable témoignage des conditions ouvrières de l'après-guerre (1945).

Mais ce livre est bien plus que cela. Certes, il relate les difficiles conditions de vie et de travail des travailleurs manuels de l'époque ainsi que les prémisses des avancées sociales, mais il est surtout l'occasion de découvrir une très belle plume poétique.

Georges Navel possède l'art de s'arrêter sur chaque belle image et de s'en émerveiller, plutôt que de s'arrêter sur les difficultés brutes de sa vie. Vie qu'il a d'ailleurs choisie. Il a papillonné de travail en travail, se lassant très vite à chaque poste, et privilégiant alors les découvertes, que ce soit en nature (montagne, cueillette, fermes, ...) ou en usine.

Un très beau moment de lecture dont je suis sorti avec de très belles images bucoliques en tête plutôt qu'assourdi par le travail à la chaîne!
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Le travail… c'est pas humain !

Comme l'a rappelé Hannah Arendt dans La condition de l'homme moderne, le propre de l'homme c'est l'action, un agir orienté, un agir qui pense. du travail à l'oeuvre, « il y a le passage de l'exigence de penser ce que nous faisons » disait-elle alors qu'elle était pleinement plongée dans sa réflexion sur le totalitarisme. La grande leçon du Procès d'Eichmann n'est-elle pas que le mal peut être fait sans y penser ?

Tel est donc le défi que pose notre civilisation industrielle : comment rester homme lorsque le travail est devenu central ? Car le travail, c'est l'asservissement, c'est l'aliénation, c'est la déshumanisation. Où homo faber est transformé en homo laborans ; où le travail rime avec labeur. Dans ce travail-là, point d'initiative, nulle autonomie, aucun enrichissement possible, ni en or ni en savoir : on pense pour vous la manière d'agir, alors qu'agir et penser devraient rester intimement liés. On chronomètre, on commande, on gueule des ordres. On méprise, on humilie, on rabaisse… Ils survivent les travailleurs, se distinguent peu des forçats. le travail dont ils dépendent pour vivre est un négation de la vie même : c'est une exécution !

L'essence du travail est indécence : il faut gagner sa vie en travaillant ! Et le travail n'est plus que nécessité. L'essence même des travaux de Nivel et ses compagnons d'infortune, c'est l'absence de sens : leur travail est toujours réalisé au profit des autres. Il ne permet pas de « faire oeuvre » de…, de trouver un sens à son existence, de « faire sa vie », de « prendre la main » sur son destin. Dans ces conditions (de travail) peuvent-ils encore être appelés oeuvriers/ouvriers ?

Il fallait écrire Travaux, car le travail dans ces conditions mériterait qu'on les regarde en héros ! Il fallait écrire Travaux pour faire oeuvre, et même chef-d'oeuvre : car Georges Navel le travailleur est un poète dont le style est un enchantement. Il fallait écrire Travaux pour rendre leur dignité d'homme à ceux qui le travail de manoeuvre (i faudrait dire mal-oeuvre) met au banc de la société. Et qu'on ne s'y trompe pas : Travaux demeure d'une catastrophique actualité.
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Un récit autobiographique sur la vie prolétarienne pleine de poésie, de douceur mais aussi de souffrance, d'ennui et de doutes. Ce roman est pour moi une ode à la simplicité, dans lequel l'auteur parvient au bonheur grâce aux mouvements du corps, au travail, à la contemplation de la nature. Même si des idées suicidaires passent par la tête de Navel je trouve pour autant que ce roman met en avant le bonheur de vivre. Je recommande fortement.
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Récit autobiographique sur la condition ouvrière. Écriture magnifique, sensible, forte et sobre. La préface de Paul Garaldy dit tout: "j'ai souhaité qu'il en fît un livre. Il m'a semblé que dans un temps où les cloisons sociales craquent et se disloquent, la poésie bourgeoise, sur laquelle nous vivons, que je suis loin de renier, à laquelle j'ai été et reste très sensible, était tout de même fatiguée, et tout de même insuffisante, et ce poète ouvrier qui à la passion du "jouir" substitue la passion du "faire", arrivait opportunément."
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