Il y aura toujours dans la foule un crétin qui, sous prétexte qu'il ne comprend pas, décrétera qu'il n'y a rien à comprendre.
"La capacité de résistance des humains à l'horreur dépasse l'imagination."
- Racontez-moi une blague du vingt-sixième siècle.
- Une blague ?
- Vous savez, une petite histoire drôle pour faire rire les gens à la fin du repas.
- Nous n’aimons pas que les gens rient à la fin des repas. C’est vulgaire.
- Certainement. Mais vous vous racontez des histoires drôles, quand même ?
- Euh… il nous arrive de raconter des choses désobligeantes sur les Levantins. Cela nous fait rire.
- Ouais. L’humour n’a pas changé autant que vous le prétendiez. Allez-y, racontez-moi une blague sur les Levantins.
- Eh bien… c’est un Levantin qui rencontre un autre Levantin. Il lui dit : « Bonjour, comment vas-tu ? » Et l’autre lui répond : « A pied. »
- Et puis après ?
- Rien. C’est fini.
- Vous aviez raison. L’humour a changé.
De toute éternité, le Beau est plus rentable que le Bien.
« Le silence est la plus belle expression de l'amour. »
Ce sont toujours les mochetés qui critiquent le physique des autres mochetés.
Nommer les choses, c'est leur enlever leur danger. (p.109)
- Du lait ? Puis-je savoir comment l’on procède pour traire une baleine ? / - Comme avec une vache, mais avec un grand seau et un grand tabouret.
Rien ne s’oublie aussi vite que le Bien. Pire : rien ne passe aussi inaperçu que le Bien, puisque le Bien véritable ne dit pas son nom –s’il le dit, il cesse d’être le Bien, il devient de la propagande. Le Beau, lui, peut durer toujours : il est sa propre trace. On parle de lui et de ceux qui l’ont servi. Comme quoi le Beau et le Bien sont régis par des lois opposées : le Beau est d’autant plus beau qu’on parle de lui, le Bien est d’autant moins bien qu’il en est question. Bref, un être responsable qui se dévouerait à la cause du Bien ferait un mauvais placement.
- En 2580, nous avons un moyen infaillible pour prouver aux gens qu’ils ne rêvent pas.
- Je hais le vingt-sixième siècle. Je ne veux pas connaître votre moyen infaillible. Si vous essayez de me le dire, je me bouche les oreilles.
- Il suffit de…
Je me bouchai les oreilles. Je voyais les lèvres de Celsius qui continuaient à remuer. J’éprouvai un certain soulagement : en 2580, il était encore possible de se boucher les oreilles. Tout n’était pas perdu.