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Richard Scholar (Traducteur)Guillaume Pigeard de Gurbert (Traducteur)
EAN : 9782742716845
47 pages
Actes Sud (30/04/1998)
3.95/5   10 notes
Résumé :
Rêves et cauchemars, fantômes ricanants, créatures animées ou invisibles, mondes microscopiques, l'œuvre de Fitz-James O'Brien met en scène les grands thèmes classiques de la littérature fantastique. Son univers macabre et merveilleux, a non seulement marqué l'histoire de la littérature fantastique. mais a également inspiré les plus grands : Ambrose Bierce, H.G. Wells, Francis Marion Crawford, Abraham Merritt - et même Maupassant ! Disparu prématurément, Filz-James... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
What was it ?
Traduction : Georgette Camille chez Gallimard

ISBN : inconnu pour "Les Histoires de Fantômes Anglais" présentées par Edmond Jaloux chez Gallimard et dont la nouvelle est extraite, la jaquette présentée en couverture n'étant pas la bonne. Pour Actes Sud, il s'agit de : 9782742716845.

"Qu'Etait-Ce ?" est probablement la nouvelle la plus connue de Michael O'Brien qui, aux Etats-Unis où il avait décidé de se fixer, prit le pseudonyme de "Fitz James O'Brien" ainsi que vous pourrez le constater dans cette microbiographie qui vous attend à sa place habituelle sur notre Forum-Bibliothèque, dans notre rubrique "L'Anniversaire du Jour."

L'originalité de "Qu'Etait-ce ?", c'est que, partie, et ce dès le début, d'un niveau nettement fantastique, elle s'achève sur une fin très réaliste - et ce tout en conservant son aura d'épouvante. En ce sens, il s'agit d'un véritable tour de force.

Sur le point de s'embarquer pour un long voyage, le narrateur, qu'on peut soupçonner de santé fragile, a à coeur de coucher sur le papier une aventure étrange - et restée inexpliquée - qui lui est arrivée quelques années plus tôt. Il vivait alors dans une pension de famille où il se plaisait fort. La propriétaire, loin d'être revêche ou affligée de ce caractère de concierge qui rend certains membres de sa profession tout bonnement insupportables au locataire désireux de vivre en toute tranquillité (et en toute discrétion) une petite existence on ne peut plus effacée, était fort appréciée de tous. Mais un jour, pour quelques raisons que je ne citerai pas ici, la bonne dame décida de déménager un peu plus bas, dans la même rue, mais dans une maison qui était demeurée quelque temps inhabitée, non faute de prétendants à son occupation mais parce que ceux-ci finissaient immanquablement par se plaindre des événements incompréhensibles et inquiétants qui s'y déroulaient et prenaient tous plus ou moins la fuite devant pareilles manifestations.

La logeuse ne prend pas ses locataires en traître. Elles leur explique la situation et leur propose le marché : s'ils le veulent, ils peuvent la suivre dans son nouveau domaine ; si la réputation de la nouvelle maison leur fait peur, eh ! bien, elle les regrettera mais leur donnera le temps de se retourner avant de boucler son propre déménagement. Les désertions, reconnaissons-le, sont peu nombreuses et c'est pratiquement une équipe de locataires au complet qui emménage dans les nouveaux locaux.

Bien entendu, à peine le premier carton de déménagement est-il déposé, tout innocent, dans le hall d'entrée, que tout le monde s'attend à voir une horde de spectres, tous plus hideux les uns que les autres, se précipiter pour le déchiqueter et briser la vaisselle qui s'y trouve peut-être. Mais rien ne se passe. D'ailleurs, les nouveaux arrivants ont beau guetter et traquer toute ombre inattendue, rien ne se passe pendant un bon mois. Après tout, si les humains ont peur des fantômes, peut-être, comme dans le très beau film "Les Autres", les fantômes, de leur côté, manquent-ils s'évanouir à l'apparition tout aussi brutale dans leur univers personnel de parfaits inconnus.

Avec une habileté qu'on n'hésitera pas de qualifier de démoniaque mais que l'on portera au seul crédit de l'auteur, celui-ci fait de son narrateur un opiomane. Oh ! Pas au dernier degré, comme certains que nous avons pu apercevoir çà et là dans l'admirable saga de Jean Hougron sur l'Indochine que nous avons eu le plaisir de lire dans le cadre de notre "Petit Tour du Monde Par Les Livres" de cette année 2017. Non, notre narrateur fume raisonnablement et avec les alibis classiques de l'époque. D'ailleurs, dès avant le déménagement, il avait pris l'habitude de fumer chaque soir une petite pipe, de concert avec un homme de sciences, parfaitement conscient (du moins l'espère-t-on), des effets secondaires de cette drogue, le Dr Hammond. Or, le dix juillet, jour où se produit enfin l'événement si attendu, les deux hommes ont sacrifié, après le souper et sans problème, à leur petit rituel. Seulement, en ce début de soirée, au lieu de s'enfoncer dans leurs petits nuages bien-aimés de songes élevés et heureux, ils ont eu l'impression, le Dr Hammond tout spécialement, que les assaillaient pour une fois des idées hautement négatives, voire maléfiques. Ce qui ne les empêche d'ailleurs pas d'aller se coucher l'un et l'autre sans le moindre soupçon de ce qu'il se prépare.

Comme Hammond s'est montré le plus marqué par les ténèbres qui semblaient ce soir-là rôder autour de leur pipe d'opium (ou en sortir), la logique voudrait que ce soit lui la victime de ce qui va suivre. Mais non ! C'est au narrateur, à peine endormi, que s'attaque une créature que, dans la faible lueur de la lampe à gaz de sa chambre, il ne parvient pas à distinguer avec netteté mais qu'il sent non seulement peser de tout son poids sur lui mais aussi enfoncer dans son cou des doigts osseux, au ongles très aigus, qui, s'il ne parvient pas à retourner la situation à son avantage, finiront par l'étrangler.

Après un petit temps de lutte enragée de part et d'autre, le narrateur prend le dessus et, ayant immobilisé son adversaire en lui ligotant les bras avec un long mouchoir jaune qu'il tient toujours sous son oreiller, il se laisse glisser au bas du lit et, traînant l'inconnu derrière lui tout en le maintenant avec poigne car le misérable se débat avec vigueur, il s'en va vers le bec de gaz et donne enfin grande lumière. Puis il se retourne ...

... et là, il hurle. Un hurlement sans doute terrifiant puisqu'il fait jaillir immédiatement de leurs chambres, tels des diables de leurs boîtes - on n'allait pas la rater, celle-là ;o) - tous les autres locataires et, bien entendu, la logeuse.

Il faut dire que le spectacle vaut le détour : notre narrateur, un homme pourtant charmant, bien élevé, cultivé, flegmatique et sain d'esprit, serrant contre lui, avec autant de dégoût que de vigueur ... rien du tout. Seule l'aide du Dr Hammond qui, prenant une corde, entreprend de ligoter plus efficacement ce qui, par la suite, recevra le nom d'Enigme, permet bien à tous de distinguer, entre les bras du narrateur, une forme humaine qui se débat sous l'effet de la colère et de la peur.

Humaine, soit. En tous cas humanoïde. Mais, quoi qu'il en soit, parfaitement invisible.

C'est ici que s'ouvre en quelque sorte la seconde partie de la nouvelle. le fantastique ne lâche pas prise puisque, quoi que l'on fasse, l'Enigme demeure invisible. On peut la toucher, se faire même une vague idée de son apparence charnelle (ainsi, elle semble intégralement chauve) mais c'est tout. Si elle geint et se plaint, elle ne parle pas. Personne, bien sûr, ne songe à appeler la Police - que pourrait-elle faire d'ailleurs dans les circonstances présentes ? (Et, de surcroît, n'y a-t-il pas quelques boulettes d'opium qui traînent par hasard dans au moins deux des chambres ?) En bon scientifique, Hammond prend des notes et surveille l'Enigme faute de la voir. Jusqu'à ce que l'inévitable arrive, inévitable dont vous aurez certainement, en réfléchissant quelque peu, deviné la nature - un inévitable qui, si triste qu'il soit, ne présente, pour sa part, rien que de très réel et même d'ahurissant si l'on considère l'autre côté, c'est-à-dire le fantastique, de l'affaire.

C'est avec cette seconde partie qu'O'Brien inverse la situation, contraignant son lecteur à considérer peu à peu l'Enigme sous un angle tout différent de celui du monstre et faisant naître chez lui envers l'être inconnu une infinie compassion. Si l'on oublie certaines incohérences - arrivée au bec de gaz par exemple, l'Enigme ne semble plus avoir eu les mains liées par un quelconque foulard, jaune ou pas, ou encore l'immobilisme pour ainsi dire complice des autres locataires, lesquels ne tentent pas grand chose, dans un sens ou dans un autre, au coeur de cette situation pour le moins étrange - la nouvelle est belle et même non dépourvue d'une certaine grandeur. Cette particularité a certainement touché plus d'un lecteur puisque, encore de nos jours, on la rencontre très souvent dans les anthologies spécialisées. Ecrite avec simplicité, sans effets racoleurs, sans aucune explication finale, fantastique ou réaliste, avec pour héros, si l'on excepte l'Enigme, des personnages qui n'ont guère de profondeur et tombent volontiers dans la verbosité, "Qu'Etait-Ce ?" a allègrement franchi les siècles et il y a gros à parier qu'elle continuera à le faire.

Peut-être jusqu'au jour où la Science nous expliquera ce qu'était l'Enigme ? Mais croyez-moi, ce jour est encore très loin, et, pour reprendre un titre lovecraftien célèbre, dans les abîmes du Temps ... Alors, ne boudons pas notre plaisir et prenons-le sans nous préoccuper du pourquoi et du comment - et en n'oubliant pas que, si l'opium a bon dos, il n'explique pas tout ... ;o)
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🏠 « Un Quelque-Chose tomba à plomb, à ce qu'il parut, du plafond sur ma poitrine, et l'instant d'après je sentais deux mains osseuses entourer ma gorge, essayant de m'étrangler. » (p.19)

🏠 Par une chaude soirée d'été, après avoir fumé de l'opium dans le jardin de la maison et échangé sur des thèmes plus métaphysiques qu'à l'accoutumée, Harry et Hammond se retirent, chacun dans sa chambre. Alors qu'il s'apprête à s'endormir, une chose aussi incroyable qu'épouvantable arrive à Harry : un Quelque Chose s'effondre sur lui, des mains enserrent sa gorge, des dents le mordent, une lutte acharnée commence, jusqu'à ce qu'Harry réussisse à immobiliser la Chose. Après avoir allumé la lumière pour enfin surprendre cet ennemi de la nuit, un cri strident lui échappe - il n'y a RIEN devant lui. La chose est invisible. Affolés par le bruit, les résidents de la maison n'entrent dans le chambre, témoins épouvantés du terrible spectacle qui s'offre à leurs yeux : un homme pris de panique enserrant du vide. Pourtant, bien qu'invisible et intangible, la chose est bien vivante.

🏠 Courte nouvelle fantastique parue en mars 1859, O'Brien présente l'essence du genre : l'existence d'une chose sans comprendre ce qu'elle est. À aucun moment, la réalité de cette étrange chose n'est mise en doute ; néanmoins, c'est sa nature qui est questionnée, puisqu'elle ne ressemble en rien à ce qui existe sur terre et échappe complètement à tout entendement. Voilà peut-être ce qu'il a y a de plus terrifiant : l'existence inexplicable d'une forme de vie qui dépasse ce que l'homme est capable de justifier.

🏠 Comprenez : I don't know what it was, but IT was.
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"Qu'était-ce ?" de Fitz James O'Brien, aux editions NEO
Originaire d'Irlande, New-Yorkais d'adoption, O'Brien est un des successeurs directs d'Edgar Allan Poe, publié à partir des années 1850, mort prématurément lors de la guerre de sécession. Doté d'une imagination débordante et d'un style fluide et imagé, le nouvelliste nous propose d'excellents récits fantastiques, qui charment dès leur incipit. "Qu'était-ce" est un précurseur du Horla de Maupassant, avec l'apparition inexpliquée d'un être invisible, horrible et parfaitement tangible. Les six autres nouvelles de ce recueil chez Neo sont tout aussi intéressantes, avec une chambre qui disparaît, des figurines animées par le diable, la découverte de mondes incroyables à travers un microscope en diamant. Chacune se déroule dans le New York du XIXe siècle alors en pleine expansion. L'ironie irrigue ces histoires, les destins de ces personnages qui courent tous à leur perte ; un trait qui rappelle encore une fois plutôt Maupassant que Poe.
La belle couverture de Nicollet s'inspire du "Forgeur des merveilles".
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... Sans lâcher à aucun moment ma victime, je glissai du lit sur le parquet en la traînant derrière moi . Je n'avais que quelques pas à faire pour atteindre le bec de gaz ; j'avançai avec la plus grande prudence, serrant l'individu comme dans un étau. Enfin, le mince filet bleu de gaz fut à ma portée. D'une main, je relâchai mon étreinte et j'inondai la pièce de lumière. Puis, je me retournai pour regarder mon prisonnier.

Il m'est impossible de décrire ce que je ressentis. Sans doute dus-je hurler de terreur, car en moins d'une minute, la chambre fut remplie de tous les occupants de la maison. Je frissonne encore en évoquant cet affreux moment. Il n'y avait rien. Oui, j'avais un bras passé étroitement autour d'une forme haletante, tandis que mon autre main serrait une gorge aussi chaude, aussi apparemment vivante que la mienne et, cependant, cette substance vivante sous mon étreinte, ce corps pressé contre le mien n'existaient pas sous la brillante lumière du jet de gaz. Ce n'était pas même une silhouette - pas même une vapeur.

Je ne peux encore, en ce moment, me rendre compte de l'état où je me trouvais. Je ne peux me rappeler complètement l'étonnant incident. L'imagination tente vainement de comprendre cet affreux paradoxe.

Cela respirait. Je sentais sa chaude haleine contre ma joue. Cela se débattait férocement. Cela avait des mains, qui m'entouraient. Sa peau était aussi douce que la mienne. C'était là, étroitement serré contre moi, aussi dur que la pierre, et cependant totalement invisible.

Je me demande comment je ne m'évanouis pas ou je ne devins pas fou sur le champ. Quelque merveilleux instinct dut me soutenir car, au lieu de desserrer la terrible Enigme, il me sembla que mes forces se trouvaient décuplées à ce moment horrible, et je resserrai mon étreinte avec une force tellement surhumaine que je sentis la créature frissonner comme pendant l'agonie. ... [...]
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Je ne joue ni ne chante, et pourtant je possède un piano. C’est pour moi un grand réconfort de le regarder, de sentir que la musique est là, bien que je sois incapable de rompre le sortilège qui l’enchaîne. Il m’est agréable de savoir que Bellini et Mozart, Cimarosa, Porpora, Gluck, et tant d’autres – ou, du moins, leur âme, – reposent dans ce coffre pesant. Là gisent, embaumés, tous les opéras, sonates, oratorios, nocturnes, marches, chansons et danses, qui aient jamais pris naissance entre les lignes de la portée qui enserrent la mélodie.
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[...] ... Après un mois d'excitation mentale, il nous fallut bien admettre de mauvaise grâce que rien qui fût empreint du moindre caractère anormal ne s'était manifesté [= suivant leur ancienne logeuse, la presque totalité des locataires ont emménagé avec elle dans une maison plus spacieuse mais réputée hantée]. Une seule fois, le valet nègre affirma que sa bougie avait été éteinte par quelque bouche invisible, mais comme, à diverses reprises, j'avais remarqué que ce gentleman de couleur se trouvait en un état plus propre à lui faire voir deux bougies qu'une, je crus possible qu'au cours d'une de ses libations il ait pu renverser le sens de ce phénomène et ne plus apercevoir de bougie du tout.

Les choses en étaient là, lorsqu'un événement se produisit, tellement affreux et inexplicable que ma raison vacille à ce souvenir. C'était le dix juillet. Lorsque le dîner eut pris fin, je me rendis dans le jardin avec mon ami, le Docteur Hammond, pour fumer ma pipe du soir. En dehors d'une certaine sympathie intellectuelle, le docteur et moi étions liés par un goût commun. Nous fumions tous deux l'opium. Nous connaissions notre mutuel secret et le respections. Nous partagions ensemble cette merveilleuse expansion de la pensée, cet étonnante intensité des facultés perceptives, cette conscience illimitée de l'existence qui nous donne des points de contact avec l'univers entier, bref, cette béatitude spirituelle inimaginable que je n'échangerais pas contre un trône et que, j'espère, lecteur, tu ne goûteras jamais. ... [...]
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Le nostalgique amour humain errait sur des landes lointaines ou sous d’humides et sombres cyprès, exhalant en un murmure plaintif sa peine qui restait sans écho ; ou encore, de détestables gnomes s’ébattaient en chantant dans des marécages aux eaux stagnantes pour célébrer leur triomphe sur le chevalier qui, leurré par eux, s’était laissé conduire au trépas…
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En dehors de certaines affinités intellectuelles qui existaient entre lui et moi, nous étions liés par un même vice : tous deux nous fumions l’opium. Chacun de nous connaissait le secret de l’autre et le respectait. Ensemble nous goûtions ce merveilleux épanouissement de la pensée, cette prodigieuse intensification des facultés perceptives, ce sentiment d’existence sans limites qui nous donne l’impression d’avoir des points de contact avec l’univers entier – bref, cette inimaginable béatitude spirituelle à laquelle je ne voudrais pas renoncer pour un empire, et que je souhaite à mes lecteurs de ne jamais goûter de leur vie.
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