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EAN : 9782742791859
120 pages
Actes Sud (05/06/2010)
3.12/5   4 notes
Résumé :
Ce livre, qui - c'est à souligner - a été publié par une maison d'éditon française mais en anglais (seule l'introduction est en français), a été conçu alors que Berenice Abbott, photographe documentaire américaine essentiellement connue pour ses prises de vue de New York dans les années 30, était encore vivante.
C'est en premier lieu et en première partie une biographie et une monographie de Berenice Abbott, avec des extraits d'entretiens avec la photographe... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
C'est officiellement le livre qui m'aura fait le plus souffrir en 2021. Et pourtant j'avais lu d'autres ouvrages sur Berenice Abbott, et pourtant je m'intéresse à l'histoire de la photographie, et pourtant, et pourtant... Pourquoi tant de souffrances ? Je vous le donne en mille : c'est un livre initialement rédigé par le photographe Hank O'Neal et par la photographe Berenice Abbott elle-même, publié en 1982 par une maison d'édition américaine, donc en anglais (jusque-là, tout va bien), qu'une maison d'édition française a décidé de publier en France la même année (jusque-là, pourquoi s'inquiéter ?), avec un titre et une introduction en français... Et là, c'est le drame. Je vous laisse juges avec cet extrait de l'introduction : "Notre texte d'introduction ne servira qu'à présenter la grande photographe américaine à tous ceux qui ne la connaissent pas encore tout à fait. Les autres textes sont, en "version originale", une longue biographie détaillée sur l'artiste et un ensemble de commentaires de Berenice Abbott elle-même sur les photographies qu'elle a prises, où, mieux que dans une traduction, nous pouvons entendre sa voix." Quoi ? Quoi ??? Quoiiiii ?????


Je ne vais pas m'attarder pour l'instant sur ce que j'appellerai un gros foutage de gueule éditorial, parce que j'y reviendrai en fin de critique et qu'il y a d'autres choses à retenir de ce bouquin. Mais voilà qui a a entravé sérieusement ma lecture d'emblée, car c'était une très mauvaise surprise. Allais-je m'en sortir ? La lecture d'un autre livre sur la photographie de Julia Margaret Cameron, également en anglais, m'avait donné plus ou moins confiance en moi (un peu trop, visiblement). Or Cameron était une amateure pas bien férue de technique, c'est le moins qu'on puisse dire, alors qu'abbott n'a pas seulement été une photographe professionnelle, mais aussi une photographe de phénomènes scientifiques auxquels je ne comprends pas grand-chose, voire rien du tout. Je nourrissais donc de sérieuses craintes quant à ma capacité de lire un bouquin sur elle en anglais - craintes ô combien fondées ! Ma curiosité a pris le dessus sur ma paresse et mon anxiété naturelles, et me voilà partie pour un voyage fort périlleux.


J'avais déjà chroniqué un catalogue d'expo sur abbott, mais revenons sur son parcours, très détaillé dans ce livre (allez éventuellement jeter un oeil sur ses photos de New York avant de continuer - ou d'arrêter - de me lire) : née en 1898 dans l'Ohio, Berenice Abbott a très vite abandonné ses études à l'université. Elle a vécu deux ou trois ans à new York, s'est mise à la sculpture, puis est partie pour Paris en 1921. Ne réussissant pas à percer dans la sculpture et ne connaissant rien à la photographie, elle devient l'assistante de May Ray, qui recherchait justement un néophyte pour travailler avec lui (alors bon, Hank O'Neal, qui a écrit le texte du livre qui nous absorbe, laisse entendre qu'abbott a connu moult déboires financiers. Faut pas pousser, elle a évolué dans des cercles assez select, même si elle ne roulait pas sur l'or.) Elle se passionne pour son travail en chambre noire, Man Ray la pousse à s'initier à la prise de vue, elle s'y met peu à peu, commence à prendre des tas de célébrités en photo dans l'atelier de Man Ray (même pour Man Ray, les portraits, c'était ce qui payait), ça se passe moyennement bien entre eux et elle part créer son propre atelier (avec l'argent de Peggy Guggenheim ; quand je vous disais que l'entourage d'abbott n'était pas fait de clochards, hein...), où elle continue dans le portrait. Elle s'en va à New York en 1929, et là, gros déclic ; elle décide de revenir définitivement aux États-Unis pour s'attaquer à ce qui sera un des deux grands projets de sa vie professionnelle : photographier New York, qui subit des changemenst incessants et voit des chantiers de contruction s'élever un peu partout alors qu'on démolit sans vergogne les anciens bâtiments.


New York, la façon dont la ville évolue, la façon dont l'appétit de modernité (et d'argent) est en train de détruire la vieille ville, la façon dont les États-Unis se débarrassent d'un pan de leur culture, c'est ce qui va préoccuper Berenice Abbott pendant dix ans. Grâce au livre qui nous préoccupe ici, on comprend à quel point le projet sur New York a été un parcours du combattant. Après dix ans de prises de vues, de recherches de financements, d'enthousiasme et de découragement, un album de ses photos de New York est publié en 1939, intitulé Changing New York. Se révélant une énorme déception pour abbott : elle n'avait pas eu son mot à dire sur la publication et le projet fut vidé de sa substance originelle. Ce qu'on a retenu de ces photos pendant des décennies, c'était une ode au New York moderne des années trente et l'esthétique des photographies (qui sont belles, il est vrai), alors qu'abbott avait toujours privilégié un point de vue strictement documentaire et cherchait à dénoncer ce qui se cachait derrière la course à la modernité (cf. les photos des fondations du Rockfeller Center, par exemple). Cette grosse déception explique la volonté de Berenice Abbott d'en finir avec les photographies de New York en 1939.


Elle passe alors à un autre grand projet, celui de la photographie scientifique, qui s'avérera tout aussi compliqué. abbott est persuadée que la photographie est le meilleur medium pour illustrer les concepts scientifiques, seulement ça n'intéresse pas grand-monde. Elle collabore un temps à une revue scientifique, se lasse de ce qu'elle considère comme un travail peu intéressant et laisse tomber la revue, tâtonne avec d'autres projets - dont les photographies des États-Unis et de ses habitants en suivant la Route 1 - et enfin, grâce au lancement du Spoutnik par les Soviétiques qui met la pression sur les Américains, finit par intéresser le MIT. Elle va pendant trois ans illustrer des livres de physique pour étudiants, grâce à un matériel dont elle n'aurait jamais pu rêver auparavant. Après trois années de travail passionné, elle est remerciée ; on est à la fin des années 50, elle a autour de la soixantaine, donc on embauche son assistant à sa place, parce que faut quand même pas pousser, hein. Elle ne se lancera plus jamais dans des projets d'envergure comme Changing New York ou les photos prises pour le MIT (véritable défi technologique), et son dernier projet consistera en des photographies du Maine, où elle s'installe dans les années 60. Je ne sache pas qu'elle soit un tant soit peu connue pour des photos qu'elle aurait prises dans les années 70 ou 80 (elle est morte en 1988). En fin de compte, elle aura publié très peu d'albums, mais tout de même des guides sur la photographie qui ont été régulièrement réédités, et elle aura enseigné la photo pendant près de 25 ans, ce qui lui a permis de gagner sa vie plus que correctement. Si j'ajoute ces précisions, c'est que Hank O'Neal a la fâcheuse tendance de nous présenter Berenice Abbott comme quelqu'un qui a galéré toute sa vie, ce qui est tout relatif.


Cette façon un chouïa tendancieuse de nous présenter abbott n'est pas trop lourdingue dans les deux premières parties du texte de O'Neal (il est vrai que j'étais alors très occupée avec mon dictionnaire), puis devient outrageusement dithyrambique par la suite , où on sent que O'Neal a voulu faire plaisir à abbott. Arrive la troisième partie du livre, où il allait être question de photographie scientifique... J'ai alors fait une très longue pause. J'avais déjà pas capté grand-chose des concepts scientifiques qu'abbott avait illustrés en lisant le catalogue d'expo du Jeu de Paume rédigé en français, alors en anglais, vous imaginez la chose ! Je m'y suis remise à reculons, et... Oh ! Oh ! Oooooh ! Horrible. Horrible horrible horrible. Ce ne sont même pas les photographies scientifiques qui m'ont réellement posé problème - même si j'ai rien compris aux commentaires de Berenice Abbott, sauf pour un ou deux trucs hyper simples. En fait, je ne savais pas, ou plus, que Berenice Abbott s'était lancée dans des tas d'expérimentations technologiques avec pour but de se mettre à la photographie scientifique. Tous les paragraphes consacrés à ce sujet sont proprement imbuvables si on n'est pas photographe professionnel ou amateur très éclairé ET lisant couramment l'anglais. Par conséquent, on peut légitimement se demander pour quel public ce livre a été publié en France en 1982. Déjà que ça ressemble un tantinet à un sujet de niche pour les Américains des années 80... Bref. Cette partie du livre a été plus que fastidieuse à terminer, ce qui ne m'a pas aidée à m'enthousiasmer pour la dernière. J'étais on ne peut plus soulagée d'en arriver (enfin ! enfin!!!) aux photographies elles-mêmes.


On a beaucoup de photos, beaucoup plus que je n'en ai jamais trouvé dans d'autres livres et sur la toile. On en a même plus qu'on en voudrait, soit plus de 200. Beaucoup de portraits, trop de portraits, avec des commentaires de Berenice Abbott du genre "Elle était gentille mais a commencé à se droguer et ça en a été fini d'elle". Allons bon ! Passons. Oui, passons donc à New York, le gros morceau du livre. On retrouve apparemment toutes les photographies que Berenice Abbott souhaitait retenir pour Changing New York - 96 photos, si j'ai bien compté. Je suis quand même étonnée de ne pas avoir vu certaines photographies célèbres et qui ne sont pas des moindres : je pense aux maisons d'huîtres, à un intérieur de gare, à une vue nocturne de New York, ainsi qu'à un photomontage très connu. Est-ce que la Berenice Abbott des années 80 était fatiguée qu'on mette en avant ces photographies-là ? Ou s'agit-il d'un oubli ? Impossible de le savoir. Certaines photos sont même méconnues, comme Automat qui montre un distributeur automatique de plats chauds. La plupart des grandes photographies de New York sont là, et je ne vais pas m'étaler puisque c'est simplement excellent. Les commentaires, en revanche, laissent encore souvent à désirer. Je regrette un peu de m'être emmerdée à les lire, vu que, la plupart du temps, abbott ne parle que de contingences matérielles ; par moments, ça ressemble même à un guide pour la photographie amateure, c'est très curieux. Et elle insiste très peu sur ce qui a été le coeur du projet Changing New York. le reste des photographies est moins intéressant (la Route 1, le Maine, Greenwich Village), et même, en ce qui me concerne, quand il s'agit des photographies scientifiques : parfois abbott n'explique pas quel phénomène scientifique elle a illustré, parfois c'est moi qui n'ai rien compris du tout.


Donc la question qui reste à aborder est la suivante : est-ce que ça vaut le coup de lire ce bouquin ? Oui, si vous êtes prêts à vous farcir un bouquin sur la photo en anglais ET si vous vous intéressez à la photo ou que vous êtes juste d'un naturel curieux ET que vous avez la chance de tomber dessus, vu qu'il est épuisé, ET évidemment si vous vous intéressez à Berenice Abbott. Cela dit, il y a eu d'autres livres sur Berenice Abbott publiés depuis, généralement en anglais (mais au moins on le sait). Si vous souhaitez découvrir Berenice Abbott et que vous n'avez pas spécialement envie ni besoin de vous taper un texte dans une langue que vous ne lisez pas couramment (et je suis faite pour vous comprendre, comme le dit si bien Morpheus - excepté qu'il ne parle pas de lui au féminin), mieux vaut aller du côté de chez Photopoche pour une première approche ou lire le catalogue du Jeu de Paume susmentionné pour approfondir le sujet.


Pour ce qui est de la bizarrerie éditoriale que constitue ce livre, je crois que je m'en remettrai jamais. J'ai regardé le prix : 386 francs. C'était vraiment une grosse somme pour un bouquin en 1982 (le fameux Hitchcock/Truffaut devait coûter la moitié de ça, ce qui était déjà pas mal), le livre est énorme par sa taille, pas facile à manier... Qui a pu avoir l'idée saugrenue de le publier en l'état pour un public français ??? Et pour quelles raisons, si ce n'est une radinerie poussée à l'extrême et/ou un snobisme tout aussi radical (l'un n'empêchant pas l'autre et vice-versa) ??? Qui l'a acheté en 1982 (à l'exception de la bibliothèque municipale de ma ville) ??? Je reste sur les fesses d'avoir eu affaire à un tel... Les mots me manquent, et par conséquent je me tais ("enfin !", ajouterez-vous.)
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