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4,3

sur 649 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
De l'auteure, j'aime ou déteste les romans. Celui-ci me laisse une impression mitigée.

Pourquoi autant de pages (859) pour en arriver à une telle fin gentillette et presque impossible ?

Loin de moi l'idée de vous décourager de lire ce pavé déstabilisant.

Car ce qui est intéressant dans ce roman fleuve, c'est que l'auteure ne prend pas partie entre deux engagements, l'un pour l'avortement, l'autre contre.

D'une part Luther Dunphy, endoctriné par son église de Jésus de Saint-Paul, qui lutte contre l'avortement au point de tuer un médecin avorteur.

En parallèle, la famille du médecin tué, et surtout sa seconde fille Naomi, qui perd pied quelques années après la mort de son père et avant que sa grand-mère de New-York ne la prenne sous son aile.

Nous suivons surtout les vies de Naomi et de Dawn Dunphy, leur fille respective. L'une deviendra documentariste et l'autre boxeuse professionnelle. Les deux cherchant le père de façon différente.

J'ai été gênée, lorsque les chapitres parlent de la famille Dunphy, de lire et relire jusqu'à la nausée que les bébés avortés étaient vivant et n'avait rien demandé. Comme un leitmotiv enfoncé dans le crane au marteau-pilon.

J'ai eu pitié de Dawn, qui devient DD Dunphy, le marteau de Jésus, cherchant dans la boxe un exutoire pour toute la violence qu'elle ressent suite à la mort de son père. Elle qui commence un sport devenu l'apannage de noirs et des hispaniques américains, elle la petite blanche désargentée et sans formation.

J'ai eu pitié de Jenna, la femme du médecin, qui disparait de la vie de ses enfants car elle ne peut pas faire face à la mort de son mari.

Naomi m'a paru plus énigmatique, sans réelle volonté, commençant un travail de recherche sur son père mais ne le terminant pas.

Deux Amériques se font face : celle de petits blancs sans éducation qui cherchent et trouvent un sens à leu vie dans la religion jusqu'à l'excès ; celle de la bourgeoisie blanche qui s'engage pour une cause au mépris de sa propre sécurité et de celle de sa famille.

Une conclusion bien plate : bien sûr que ces deux hommes étaient suicidaires, mais ils ont laissé à un autre le soin de les tuer. Ils ont tous deux laissés une famille en morceaux derrière eux.

Quelques citations :

Que cela tienne à ses croyances religieuses, ou à Luther Dunphy lui-même, il en avait après les « subventions fédérales » et « l'aide sociale »… après « l'Etat socialiste » qui était un « Etat athée impie ».

Et Luther n'avais pas confiance dans les hôpitaux, lui non plus. Ils n'avaient pas confiance en grand-chose, à part leur église – et pas n'importe quelle église, seulement la leur. (Qui apprenait à ses fidèles à se méfier des autres églises chrétiennes).

Ce ne sont pas les femmes qui prennent l'initiative d'une plainte, mais quelqu'un qui se sert d'elles : suivez la trace du sperme. Celui qui les féconde est généralement celui qui se sert d'elles.

Qu'il y avait une guerre religieuse aux Etats-Unis pour le coeur et l'esprit des citoyens… des électeurs. Qu'il y a une guerre. Et dans une guerre, des innocents périssent.

De même que les politiciens de droite se faisant populiste pour attirer les votes, ils étaient financés par des sociétés prospères, uniquement préoccupées de faire élire des gouvernements favorables aux affaires.

Elle est incroyable ! Elle n'admettra jamais, pas un instant, avoir commis une faute.

L'image que je retiendrai :

Celle des nombreuses mouches qui parsèment le récit régulièrement. Un parfum de putréfaction dans ces pages ?
Lien : https://alexmotamots.fr/un-l..
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En 1999, Luther Dunphy abat de sang-froid un médecin avorteur dans l'Etat de l'Ohio, Gus Vorhees. Après un chapitre qui raconte le meurtre, le livre de Joyce Carol Oates explore la vie de ces deux familles, désormais unies par ce drame terrible, à travers les destins croisés des parents, des grands-parents, des enfants, en particulier les deux filles, celle du meurtrier - Dawn - et celle de la victime - Naomi - qui tentent chacune à leur manière, de se reconstruire.
La force de ce livre est de disséquer les ressorts de ce drame avec une empathie égale pour les tous les personnages et d'explorer les clivages profonds qui traversent la société américaine ; on y découvre également la complexité du système judiciaire américain. le livre (780 pages) n'échappe pas à certaines longueurs, et il m'a fallu parfois m'accrocher ! Mais je ne regrette pas d'avoir persévéré car la dernière partie est passionnante.
Il m'a donné envie de découvrir d'autres livres de cette romancière prolifique !
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Joyce Carol Oates nous immerge dans l'Amérique profonde, ni celle d'hier, ni celle de demain, celle d'aujourd'hui, à la fois si lointaine et si proche de nous, si tragiquement humaine.
Je dois avouer que j'ai failli à de nombreuses reprises abandonner ma lecture parce que ma conscience de lecteur était « comme blessée par de minuscules éclats de verre » à l'instar de celle de Naomi, la fille du médecin assassiné, malmenée par le deuil et le chagrin, la perte du père, l'abandon de la mère, la haine pour l'assassin, pour la cause de l'assassinat, pour le sens et le non-sens de tout et particulièrement de cet acte et des conséquences qu'il entraîne, des malaises qu'il révèle. Mais je n'ai pas cédé à ma paresse, et j'ai bien fait.
Ballottant le lecteur d'un univers à l'autre, d'un chagrin à l'autre, le roman est construit sur le face à face des deux familles, celle du coupable et celle de la victime, celle du charpentier-couvreur, pasteur raté, criminel accompli, entièrement voué à la mission qu'il affirme avoir reçu de Dieu, et celle du médecin brillant, biologiste, obstétricien, entièrement voué à la cause de l'avortement qu'il pratique. Les deux familles en miroir dressent le tableau d'un clivage entre deux pans de la société radicalement opposés et incompatibles. Même si les dernières lignes du livre proposent une réconciliation inattendue et partielle, il semble impossible d'envisager toute réconciliation.
D'une part, cette division est enracinée dans l'histoire et la culture de la société américaine qui s'est constituée à partir d'elle, en fonction d'elle. C'est une guerre souterraine inhérente à la fondation même des États-Unis d'Amérique, que la grand-mère Madelena définit très clairement dans un passage clé du roman :
« En Amérique, ces tragédies ne sont pas rares. La mort de l'idéaliste, d'un homme désintéressé, c'est le prix à payer quand on affronte la marée noire de l'ignorance et de la superstition. Il y a une guerre aux États-Unis – cette guerre est là depuis toujours - . Les rationalistes parmi nous ne peuvent l'emporter, car le penchant américain pour l'irrationnel est plus fort, plus primordial et plus virulent. » (p.624)
Ce clivage, la littérature et le cinéma américains en véhiculent magistralement le mythe, comme le combat entre le bandit sanguinaire et l'avocat futur sénateur dans L'homme qui tua Liberty Valence de John Ford. Mais, entre le criminel et l'homme de loi, le cow-boy violent et généreux, vient prendre en charge et à son compte la responsabilité de la violence nécessaire pour éliminer le mal. Ainsi, la résolution du clivage est-elle fantasmée dans une figure d'humanité ambivalente qui transcende la discorde. de même, dans le roman de Joyce Carol Oates, l'étreinte finale de la boxeuse et de l'artiste réconcilie les contraires dans un face à face où les protagonistes agissent comme malgré elles : « la décision avait été prise pour elles. » mais il n'y a pas de complément d'agent.
D'autre part, une incohérence patente signale que ce clivage est plus complexe qu'il n'y paraît. Qui est l'idéaliste ? Qui est le rationnel ? Qui est l'irrationnel ? Ce sont des questions sans réponse possible, pire, ce sont des questions sans issue. le modèle de la société américaine n'est pas à deux pans mais à trois : rationnel – idéaliste – irrationnel, et cette trinité est celle de la civilisation occidentale. Tout l'effort des démocraties occidentales est de faire fusionner, s'embrasser le rationnel et l'idéaliste, toute l'habileté totalitaire, religieuse ou laïque, est de combiner idéalisme et irrationalité ; et c'est cela qui emmène Luther Dunphy jusqu'à son crime, mais c'est aussi cela qui conduit Gus Verhooes à la provocation, à l'imprudence, à l'oubli de ses responsabilités familiales.

Toute cette problématique, qui n'est, à mon sens, pas propre aux États-Unis, n'est que la partie émergée de l'iceberg. Il y a deux logiques tragiques et destructrices en oeuvre au coeur du roman : la violence comme mode d'existence et l'incapacité de formuler une parole de transmission.
Aux États-Unis, la violence est fondatrice. Elle l'est aussi dans ce roman où nul ne peut exister hors de la violence. La violence physique : de l'accident mortel à l'exécution en passant par le meurtre ; de la violence conjugale à la violence spectacle qu'incarne Dawn Dunphy dans sa carrière de boxeuse ; de l'agression banale au règlement de compte. Mais aussi la violence morale, de la trahison au mensonge ; de l'abandon au refus d'aimer, de vieillir, de pardonner. Tout est violence et chaque personnage, selon son éducation et son mode de vie, existe ou tente d'exister dans et par cette violence. Les paysages, les villes, les foyers des personnages sont eux-mêmes entachés de violence, des univers où le silence même est violence.
Cette omniprésence de la violence condamne la parole et rend impossible la transmission, la discussion, le débat, la connaissance, la reconnaissance. Dans le roman, toute parole fiable est impossible. le mari ment à sa femme. La mère ne peut plus parler à ses enfants. Les enfants ne peuvent plus parler à leur mère, ne peuvent plus se parler entre eux. La parole de Dieu est détournée. La parole du prêtre est falsifiée, la parole de l'entraîneur sportif est mensongère, la parole des association est pernicieuse, enflée et délétère, la parole des témoins est floue, la parole de la justice est boiteuse comme en témoigne l'annulation du premier procès et les reports multiples de l'exécution, jusqu'à l'annonce officielle à laquelle il manque des lettres…
Alors on se cogne inexorablement au vide d'une parole défaillante et, comme les personnages dans leur vie, on n'avance pas : le récit revient sans cesse à ce triste jour de novembre 1999 qui ouvre le roman où toute parole est absente et où seuls résonnent les cris, les vitupérations, les gémissements et surtout le silence ; un silence qui ne nous lâche plus et qui préside encore la « consolation finale » de la conclusion. Ni héros, ni martyrs, seulement des personnages aphasiques et paralysés dans leurs existences, emblématiques d'une société qui fabrique massivement ses secrets, une société du mensonge et de la dissimulation ; une société qui a mûri trop vite, qui a vieilli prématurément et dont la conscience collective reste coincée dans l'enfance, prise au piège de ses rêves et de ses mirages.
Bien loin des clichés et des masques de façade que nous transmettent les médias, le roman de Joyce Carol Oates nous permet de mieux comprendre cette société américaine et d'approcher de sa véritable complexité, d'en mesurer aussi, au-delà des différences, sa proximité avec la nôtre.
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"Un livre de martyrs américains", roman de 850 pages sur la douloureuse question du droit à l'avortement aux USA, est le dernier roman de la prolifique Joyce Carol Oates, éternelle favorite du Nobel.

Je n'avais lu jusqu'à présent que "Blonde" de cette auteure, énorme biographie romancée de Norma Jean Baker alias Marilyn Monroe. J'avais beaucoup apprécié et envisageais depuis quelques temps de me procurer un autre de ses romans (les chutes, maudits, ou encore Carthage).

Cette sortie a été une bonne occasion de la relire.

Le 2 novembre 1999, Luther Dumphy assassine d'un coup de fusil le Dr Augustus Voorhees.

Luther est un chrétien pratiquant, "pro vie", c'est à dire farouchement opposé à l'avortement.

Gus est un médecin "pro choix", pratiquant des interruptions de grossesse dans cette petite ville de l'Ohio.

Luther est marié et a 5 enfants

Gus et son épouse en ont 3.

Tout les oppose dans cette Amérique fracturée en 2 sur cette question, 25 ans après l'arrêt de la Cour Suprême"Roe vs Wade" légalisant l'interruption volontaire de grossesse.

Qui sont-ils ?

Comment Luther en est-il arrivé là, lui qui s'estime innocent car soumis à une justice divine et non pas à celle des hommes, et qui compare l'avortement au "massacre des innocents" de la Bible ?

Quelles sont les convictions qui ont amené Gus à devenir ce médecin, fervent défenseur du droit des femmes à disposer de leurs corps alors qu'il aurait pu aspirer à une carrière plus lucrative ?

Comment les familles, et notamment les enfants, vont ils se reconstruire après ce terrible 2 novembre?

C'est ce que JCO va nous raconter en alternant les points de vue, mais en privilégiant les 2 filles aînées, Dawn Dumphy et Naomi Voohrees, dont les vies ont été à jamais bouleversées.
Cette alternance est extrêmement fluide, et le roman prend vraiment le temps de développer chacune de ses parties. On ne passe pas d'un personnage à l'autre toutes les 2 pages et c'est appréciable.

Joyce Oates sort un livre sur un thème d'actualité. En effet, le Président des États-Unis souhaite aujourd'hui revenir sur le droit à l'avortement, mais ne dispose pas (encore) d'assez de juges favorables à l'abrogation de l'arrêt "Roe vs Wade" à la cour Suprême (voir le numéro 6 du magazine America sur ce sujet). On y découvre le quotidien de ce médecin, et la dangerosité du métier, entre manifestations quotidiennes devant les cliniques, menaces, et assassinats.

"Un livre de martyrs américains", lauréat du Medicis étranger, est un excellent roman auquel on pardonne les longueurs souvent inhérentes à un roman de cette taille.
Il donne la parole aux deux côtés sans tomber dans le pamphlet auquel on pouvait légitimement s'attendre.
Ainsi, on sera aussi bien aux côtés des Voorhees qu'avec Luther Dumphy, sa famille, ses partisans. Une scène est d'ailleurs particulièrement glaçante.

Sans être le chef-d'oeuvre annoncé par certains, la dernière parution de JCO mérite très clairement d'être lue.

Bonne lecture
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Un livre de martyrs américains
Joyce Carol OATES

2 novembre 1999 dans les États Unis de la grande Amérique.
Un homme en tue un autre par arme à feu de façon préméditée.
Enième meurtre dans la première puissance mondiale.
Règlement de compte sur fond de stupéfiants, territoires, racisme ou terrorisme ?
Non non non, rien de tout cela.
Luther Dunphy a tué le docteur Augustus Voorhees dit « Gus » au nom du Seigneur, en tant que soldat de Dieu.
Car Gus est un chirurgien gynécologue qui pratique l'avortement dans un pays où votre pratique professionnelle peut afficher une cible sur votre tête.
Voilà pour le fond de l'histoire, la forme elle est un roman polyphonique où s'entremêlent les pensées des uns et des autres des deux côtés des familles.
La vie du tueur et de sa victime, leurs entourages, le procès.
Les drames qu'engendrent le fanatisme religieux.
Le sentiment de toute puissance qu'engendre la possibilité d'ôter la vie.
La destruction d'une vie et la destruction collatérale des vies autour : celles du garde du corps, des épouses, frères, soeurs, parents, enfants, amis...
Le bien contre le mal.
La loi de Dieu contre la loi des hommes.

Encore un magnifique roman de cette grande écrivaine.
Elle a un don particulier pour nous emmener sur des sujets profonds à des réflexions personnelles.
Les personnages sont entiers, touchants et les sentiments tellement bien analysés.
Un roman jamais trop long pour moi avec des passages religieux, sportifs, juridiques aussi.
Du grand JCO.
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840 pages en livre de poche!!! un gros morceau... qui commence dans les ritournelles de l'idéologie intégriste - il faut un peu s'accrocher au début!...-et continue sur le récit de ceux qui traverse l'épreuve de la violence et du deuil.
Un fou de Dieu assassine un médecin avorteur. Ce drame laisse deux familles orphelines. Les mères et les enfants se débattent avec ce qu'il sont et ce qui leur est arrivé. On s'attache aux personnages et on les suit avec intérêt dans leur vie qui continue. Un livre plein de vies donc dans lesquelles chacun se bat avec ses idéologies et ses moyens.


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Un livre de 900 pages, très lourd si l'on n'est pas bien installé sur une table de lecture!!! Très long aussi, trop long! Pourquoi faut il écrire 900 pages pour raconter une histoire?
Il devrait y avoir un comité de relecture avec des ciseaux pour éliminer tout ce qui n'est pas indispensable!
Mais voilà, l'auteur s'appelle Oates! Un grand nom, un très grand talent! Comment oser lui demander de raccourcir?

Bref, j'adore Oates, et j'ai lu entièrement son dernier opus.
Une lecture fluide "as usual".

Des surprises au détour du roman. Parti pour explorer la lutte des fanatiques intégristes religieux (qualifiés bien à tort de pro-life, car ils tuent) avec les "médecins avorteurs" (très mauvaise traduction car ce sont des chirurgiens gynécologues), on se retrouve spectateur d'une exécution ratée par des amateurs, de plusieurs combats de boxe, dont la description est très impressionnante!

Une oeuvre qui permet d'approfondir vue d'Europe, la connaissance de la situation des femmes aux US, qui ne cesse de se dégrader dans de nombreux états. le pessimisme est de rigueur.
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Dans Un livre de martyrs américains, Joyce Carol Oates s'attaque à un sujet qui fait encore débat dans l'Amérique d'aujourd'hui, le droit à l'avortement, remis en question dans plusieurs états. le roman s'ouvre en 1999 par l'assassinat d'un médecin et de son garde du corps devant un Centre pour femmes de l'Ohio, par un homme qui se considère comme un "soldat de Dieu". A travers l'histoire croisée du médecin et du tueur, l'autrice dresse le portrait passionnant d'un pays déchiré par une véritable guerre idéologique, renforcée par les inégalités sociales et le fanatisme religieux. Sans manichéisme, les portraits nuancés des personnages éclairent la complexité de deux mondes que tout oppose. Documenté et engagé, le roman n'hésite pas à rappeler le recul des droits des femmes, les menaces de mort incessantes et l'assassinat de nombreux médecins pro-choix. La domination masculine est toujours bien ancrée dans les mentalités, y compris dans le milieu de la boxe féminine auquel Oates consacre des pages parmi les plus puissantes et émouvantes du roman. La romancière s'intéresse en effet avant tout aux personnages féminins, à la façon dont le drame affecte les épouses et les filles. On retrouve son talent et sa grande finesse psychologique à décrire des adolescents exposés à la cruauté et à l'ignorance, l'une des filles payant pour le crime de son père, l'autre pour les convictions du sien, toutes deux condamnées par le poids de l'héritage familial. Oates dénonce aussi le prosélytisme de certains médias et prédicateurs qui encouragent le fondamentalisme et la haine, et montre comment s'opère la manipulation d'un homme vulnérable et misogyne. Enfin, parmi les qualités de ce roman dense et ambitieux, il y a ce réquisitoire terrible contre la peine capitale lors de passages éprouvants sur le couloir de la mort, et une fin particulièrement poignante.
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Encore sous le charme de son roman « Les Chutes », j'ai décidé d'entrer un peu plus dans l'oeuvre de Joyce Carol Oates, avec ce livre de poids, au sens propre (il pèse quand-même 1004 grammes sur ma balance de cuisine) comme au figuré, paru en 2017. Et si ce n'est pas de charme que je peux parler ici, c'est certainement d'admiration pour le ton équilibré que l'auteure a pu garder, ne prenant jamais parti avec l'un ou l'autre des protagonistes.

Au fil des nombreuses pages qui composent l'histoire, nous rencontrons deux familles, directement confrontées l'une à l'autre dès l'introduction, puisque le père de la famille Dunphy, Luther, tue de sang froid le père de la famille Voorhees, Augustus. le premier est charpentier et chrétien activiste antiavortement, le second est un médecin qui pratique des avortements. Luther est enfermé, Augustus est mort, et c'est principalement à travers les yeux de leurs filles respectives, Dawn Dunphy (DD) et Naomi Voorhees, que nous suivons toutes les conséquences que cette journée de 1998 a pu avoir sur les uns et sur les autres des membres des deux familles.

Pendant une période d'un peu plus de douze ans, les chapitres, qui reviennent d'abord sur le passé, alternent les points de vue de Naomi et de Dawn, qui, chacune à leur manière, tentent finalement simplement de survivre à ce qu'elles ont vécu. Car si tant Luther qu'Augustus ont posé des choix en toute conscience, les conséquences de ceux-ci ne se sont pas limitées à eux, et cela donne à réfléchir : dans quelle mesure nos choix sont-ils susceptibles d'impliquer nos proches ? Quelle est la frontière entre convictions personnelles et égoïsme ?

Joyce Carol Oates prend le temps de construire ses personnages, et nous propose des protagonistes très travaillés. Nous apprenons comment et pourquoi tant Luther qu'Augustus en sont arrivés à ce jour fatidique de novembre 1999, puis entrons en profondeur dans la vie des deux jeunes femmes, avec leurs forces et leurs failles, leurs relations à leurs familles respectives, et la façon dont elles appréhendent le regard des autres.

Une autre chose qui m'a fort impressionnée dans cette histoire, c'est cette cassure profonde dans la société américaine, qui semble ne pas laisser de place au compromis, à l'ouverture à un autre point de vue. Que ce soit par rapport à l'avortement, qui entraîne la mort du Docteur Voorhees, ou à la peine de mort à laquelle est condamné Luther Dunphy, les positions sont totalement antagonistes et ne font pas dans la mesure. Je ne sais pas comment les Américains appréhendent les élections qui se rapprochent chez eux, mais les points de vue semblent tellement irréconciliables que, vu d'un peu loin, cela semble fort préoccupant. En habitant un pays dans lequel le compromis est la norme (ou l'absence de gouvernement s'il ne peut y avoir de compromis !), je reste assez atterrée par cette impossibilité de laisser à l'autre la possibilité de penser autrement…

En résumé, un roman dense sur une Amérique divisée, dont la thématique est plus que jamais d'actualité en ces temps d'incertitude.
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Tout commence avec une ouverture presque cinématographique : le lecteur retient son souffle en tournant les quelques premières pages jusqu'au coup de feu, à l'assassinat, point de départ du roman. Ce coup de feu détruit plusieurs vies : celle du tué, celle du tueur et celles de leurs familles. Il laisse tomber un voile gris et donne un goût amer à la lecture des pages suivantes jusqu'à ce que le lecteur voit poindre une lumière d'espoir.
Il est, au départ, difficile de voir où nous emmène l'auteure. Elle raconte successivement le passé de l'auteur du meurtre, puis celui du médecin assassiné avant de revenir au présent et d'exposer les conséquences de l'acte sur les familles et sur la société américaine dans son ensemble. Si le lecteur peut être quelque peu dérouté par tous ces enchevêtrements, il comprend ensuite que ce qui lui est donné à voir n'est autre que des vies qui s'étiolent, qui tentent de se reconstruire, de trouver un sens, une direction pour se remettre debout.
A travers ces vies, c'est la société américaine qui est dépeinte avec nuances et subtilités. En quelques centaines de pages, le lecteur verra défiler des thèmes aussi importants que l'influence de la religion, la violence et la peine de mort, l'avortement et la condition des femmes.

Un livre coup de poing où drame, violence et espoir se côtoient pour nous offrir une fresque sociétale complexe et fascinante.
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