Je me rappelais qu’après son départ j’avais jeté le soutien-gorge, toujours en bouchon sur le palier. Il était violet, outrageusement bordé de galons et de dentelles au niveau des bonnets. Je l’avais pris entre le pouce et l’index comme s’il s’agissait du cadavre d’un petit animal, l’avais jeté dans la poubelle de la cuisine.
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J'en suis au point où je suis incapable de faire la différence entre l'envie de te voir au plus vite et celle de continuer à t'attendre indéfiniment.
C’est cela qui me fait peur. Plus mes sentiments envers toi sont forts, plus je m’angoisse. Plus je souffre de me torturer avec des hypothèses sans fondement, plus je m’abandonne à la profonde joie de t’aimer.
Le cadavre du traducteur est remonté trois jours plus tard. [...]Son corps gonflé par par les gaz de putréfaction était à moitié nu, ses vêtements déchirés. Sa tête avait doublé de volume, si bien qu'il était presque méconnaissable.
Je ne me sens pas triste parce que je suis solitaire. J'en ai fini avec la tristesse depuis bien longtemps déjà. Ce n'est pas ça, c'est plutôt la sensation que moi aussi je vais disparaître sans bruit, aspiré par une fissure dans l'atmosphère. A une vitesse ahurissante, à laquelle nul ne pouvait s'opposer. Si l'on y est entraîné, impossible de revenir en arrière. Je le sais bien.
Me noyer dans le désir physique me permet de vérifier que je suis toujours là.
Plus la chair au service de laquelle je suis laide, mieux c'est. Cela me permet de me sentir vraiment misérable. Lorsqu'on me brutalise, lorsque je ne suis plus qu'un bloc de chair, naît enfin au fond de moi une onde de pur plaisir.
Il m'avait déshabillée avec habilité. Sa brutalité ne lui faisait perdre en rien son élégance, et il avait autant plus de distinction qu'il me couvrait de honte. Il me dénuda comme un parfumeur effeuille une rose, un joailler force une huître pour y rechercher une perle.
Les doigts qui caressaient les cheveux étaient doux, tandis que les autres débordaient d'aggressivité.
"Plus que la douleur, c'était le bruit qui capturait mon coeur. Pur et strident, il avait des accents d'instrument à cordes. La cravache atteignait toujours son but sur un quelconque endroit de mon corps, faisant se convulser les organes et les os pelotonnés dessous. Je n'arrivais pas à croire que mon corps puisse produire des sons aussi fascinants. On aurait dit que la source cachée dans la cavité au plus profond de mon corps frémissait."