Hôtel Iris

Il a enlevé le couvercle du sucrier et a terminé sa suite de gestes en faisant faire à la ationtasse un demi-tour dans ma direction.
C'est alors que j'ai remarqué pour la première fois l'élégance du mouvement de ses doigts. Il n'y avait en eux rien de forcé, ils étaient semés de taches et grains de beauté, les ongles pâles, à tel point qu'on aurait presque pu dire qu'ils étaient maginfiques. Cependant, dès qu'ils se mettaient à bouger, ils troublaient ce qu'ils touchaient et il en émanait comme une menace de domination.

Les doigts se posèrent à tâtons au bord des ténèbres. Nous y arrivions enfin. Tout dans ma toison allait être mis en pièces. J'ai voulu essayer de refermer tant bien que mal tous ces replis, de peur de les voir se désintégrer avant le plaisir. Mais le lien qui serrait mes jambes ne bougea pas d'un millimètre.

Ma robe et mes sous-vêtements étaient disséminés un peu partout, et j'étais moi-même un corps étranger qui avait roulé sur le sofa.
Mon reflet sur la vitre avait l'apparence d'un insecte en train de mourir.

Je n’arrivais pas à me souvenir de son visage. Il ne possédait aucun signe particulier en dehors de l’ombre de la vieillesse. Je me rappelais seulement son regard malgré sa tendance à garder les yeux baissés, un geste imperceptible de ses doigts, son souffle, certains accents de sa voix. Ainsi, je pouvais ressusciter assez exactement les plus subtiles nuances, mais dès que je voulais tout mettre ensemble, le contour devenait flou.
L’après-midi où ma mère était partie à sa leçon de danse et où je disposais d’un peu de temps avant l’arrivée des clients, je ressortais la lettre de ma poche pour regarder à nouveau les lignes écrites à l’encre bleu-noir, qui commençaient par “Chère Mari” et se poursuivaient en bonne et due forme jusqu’à la dernière ligne.

" La main du traducteur était douce. J'avais l'impression qu'elle allait engloutir la mienne. Avec moi, elles s'acquittaient de toutes sortes de tâches: caresser les cheveux, préparer le thé, dénuder, ligoter. A chaque fois elles se transformaient en une créature différente."

" Mais c'est depuis que je t'ai rencontrée que je connais la véritable signification de l'attente. Pendant que j'attends l'heure de notre rendez-vous devant l'horloge fleurie, je ressens un bonheur indicible. Je suis heureux, et pourtant tu n'es pas encore près de moi."

" ... Tu sais bien qu'elle ne voit pas. Alors, que sa chambre ait vue sur mer ou pas, qu'est-ce que ça change? ...
... Miss Iris s'aventura d'un bout à l,autre de l'hôtel. Elle compta les marches de l'escalier, mesura la longueur des couloirs en nombre de pas, vérifia l'emplacement de l'entrée de la salle à manger. Rien n'échapa à ses doigts. Boutons électriques, cadres poussiéreux, gonds de portes, rideaux et embrasses, égratignures des rampes, papier décollé ... Elle recueillait chaque chose oubliée depuis des lustres, les caressait et les réchauffait dans sa paume. C'était comme si, à la place de la déesse de l'arc-en-ciel, elle était venue offrir sa tendresse à ce lieu. Elle est la seule qui a vraiment aimé l'hôtel Iris."

" - Je trouve que c'est un travail merveilleux de donner un sens à des mots qu'autrement on ne comprendrait pas."

Je me suis dit que je n'avais encore jamais entendu un ordre résonner d'une manière aussi belle. Il en émanait sang-froid, majesté et conviction. Même le mot "putain" avait un accent aimable.

C’est alors que j’ai remarqué pour la première fois l’élégance du mouvement de ses doigts. Il n’y avait en eux rien de forcé , ils étaient semés de taches et grains de beauté, les ongles pâles,à tel point qu’on aurait presque pu dire qu’ils étaient magnifiques. Cependant, dés qu’ils se mettaient à bouger ,ils troublaient ce qu’ils touchaient , et il en émanait comme une menace de domination.