FBP: Federal Bureau of Physics, tome 2 : Wish You Were Here

Ce tome fait suite à The paradigm shift (épisodes 1 à 7) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 8 à 13, initialement parus en 2014, écrits par Simon Oliver, dessinés et encrés par Robbi Rodriguez, avec une mise en couleurs réalisée par Rico Renzi.

Rosa Reyes et Adam Hardy sont en mission à Nakeet, en Alaska. Ils viennent aider leur Chef Cicero Deluca (qui est déjà sur place) pour achever le démantèlement d'une installation du Bureau Fédéral de Physiques (FBP) qui ferme faute de budget suffisant. Deluca leur présente la professeure Sen, ex-responsable de l'installation, une très belle femme d'une quarantaine d'années. Reyes et Hardy ont pris chacun une chambre au motel du coin. le propriétaire leur explique que la grande attraction de la région est un gouffre dans lequel on jette une boule sur laquelle on a écrit un voeu. du fait d'une discontinuité des lois physiques, la boule disparaît et réapparaîtra peut-être dans l'avenir, dans une zone géographique à proximité du gouffre. Après avoir effectué une première journée de travail au site du FBP, Reyes et Hardy se détendent au bar du coin, en faisant une partie de billard, tout en papotant sur la nature de la réalité, et l'existence de réalités parallèles. Les gars du coin leur lance un défi au billard. Adam Hardy va devoir s'expliquer face à Bailey Fawcett, la shérif du patelin.

Dès la première séquence, le lecteur reconnaît le style graphique de Robbi Rodriguez, des dessins qui évoquent des esquisses réalisées à grand trait, sans beaucoup de détails. Un second regard permet de constater que chaque endroit dispose d'un ou deux détails qui le différencie des autres et qui le rend unique, sans que le lecteur puisse se projeter dans le lieu faute d'assez de détails. D'un côté, les dessins montrent que les personnages évoluent dans un environnement rural et forestier, et dans une installation technique sans grande attention portée à la décoration intérieure. D'un autre côté, ces paysages sont relativement schématiques, posant les contours des décors de manière à ce que les personnages puissent y évoluer, mais sans leur donner de la substance.

Ce même parti pris graphique fonctionne mieux pour les personnages. En prenant l'apparence d'esquisse, les dessins confèrent une forme de vitalité et de spontanéité aux personnages. Rodriguez exagère légèrement leurs postures, leur donnant ainsi plus d'allant et de naturel. Les expressions des visages tombent juste, reflétant avec acuité l'état d'esprit de chaque personnage, consolidé par leur langage corporel.

Le premier tome exposait le principe de la série : des agents gouvernementaux (mi-scientifiques, mi-intervenants terrain), essayant de juguler des singularités spatiales où les lois de la physique partent en sucette. le lecteur retrouve Adam Hardy, toujours à la recherche d'un indice qui pourrait lui en dire plus sur la disparition de son père. Il retrouve également l'agent Rosa Reyes, à la recherche d'un moyen d'accéder à une dimension perdue.

Simon Oliver inclut une discussion entre Reyes et Hardy sur les dimensions alternatives et le champ des possibles qu'elles offrent. Il développe 2 manifestations majeures de lois de physiques malmenées : l'une concernant un autre univers de poche dont la nature est originale et en rapport avec les 2 personnages principaux, l'autre concernant le retour de ces balles avec un message. Oliver joue avec la narration en jonglant avec les scènes se déroulant dans la réalité principale, et celle se déroulant dans l'univers de poche, incitant le lecteur à participer au jeu pour identifier quelle scène se déroule où.

Le scénario de Simon Oliver révèle ses richesses au fur et à mesure, puisqu'il évoque à la fois les motivations de Reyes et Hardy, le développement de leur relation, la course contre la montre pour sortir de cet univers de poche, le délicat positionnement affectif d'un personnage vis-à-vis d'un transsexuel, la participation d'un sosie de Caleb Hardy, le sort de Clara (la relation amoureuse d'Adam Hardy), un danger très réel d'hypothermie, la stratégie d'une petite ville pour attirer les touristes, etc.

Il est difficile de s'enthousiasmer pour cette série du fait de dessins à l'apparence parfois trop esquissée, et d'un scénario à l'intensité fluctuante. Il est impossible de rester insensible aux qualités réelles de cette série : des personnages aux motivations claires, un principe de base permettant les délires les plus échevelés (des ruptures des lois physiques), un enjeu économique et stratégique concret (entre les restrictions budgétaires du FBP, et les profits potentiels pour les entreprises privées récupérant ce secteur d'activité délaissé par le secteur public). le niveau graphique ne verse pas dans l'incurie et réserve des visions intéressantes et inattendues.