Citations sur Les Evasions particulières (159)
Elle revenait de chez les riches, lui vivait à la petite chartreuse, à la périphérie du centre ville, et si la famille ne manquait de rien, il semblait pourtant qu'elle se privait de tout.
Anonymes et braillards, c’est ainsi que le Président en son palais devait les considérer, mais ici, ces milliers de gens qui défendaient les moutons contre les canons, le blé contre les armes, avaient tous le même âge, celui de vivre, et ils venaient du même endroit, la terre, celle des champs et celle des villes.
L’Église, elle le savait, considérait la masturbation comme un péché mortel, et si elle mourait un peu chaque fois, c’était de honte. Elle pensait être la seule à être obsédée par la sensualité, à éprouver le besoin répétitif de se masturber pour apaiser plus que son corps, son esprit.
(page 55)
Elle avait simplement effacé un pan de sa vie, rien de ce qui appartient au passé n'existe, et bientôt ce malheur ne serait rien d'autre qu'un vieux chagrin, rien d'autre qu'un silence.
Quelque chose en elle venait de se réveiller, qu'elle n'avait plus ressenti depuis son adolescence. Une envie de vivre si violente qu'elle en avait mal au coeur.
Depuis quelques années, avec le premier choc pétrolier et la montée du chômage, l’image d’un bonheur prospère et d’une satiété éternelle se fissurait lentement.
(page 227)
Cette petite fille avait hérité d'un couple de parents de plus en plus mal assortis, d'une mère qui se livrait peu et construisait son indépendance comme s'il s'agissait non pas d'une émancipation mais d'un combat un peu forcé.
Alors ça n’en finira jamais, pensait Sabine, nous serons toujours soumises aux hommes d’une façon ou d’une autre, nous serons toujours cette marchandise espérant qu’on l’achète, les noces ou la misère, ce troc auquel aujourd’hui encore on se prête, désirant le mariage et le plus tôt possible avant notre date de péremption, et d’ailleurs quelle est-elle ? Vingt ans ? Vingt-cinq ? Trente ?
Mais à qui avons-nous vraiment ouvert notre coeur ? Quand avons-nous osé dire les tourments, les détresses, les pensées les plus sombres, les éblouissements, la solitude ? Ces protections successives avaient tissé au fil du temps un long manteau qui, en nous protégeant, faisait de chacun de nous un être méconnu.
Sabine s'était inscrite à la bibliothèque municipale et découvrait des mondes qu'elle ne comprenait pas toujours, mais au fur et à mesure de ses lectures, sa vie mêlée à celle des héros de roman prenait souffle, c'étaient des vies immenses, des ailes déployées qui battaient dans le vent.